Présidence de la CAF: vers un hold-up électoral (Par Abdoulaye Thiam)

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Un coup de massue s’est abattu sur la commission gouvernance de la Confédération africaine de football, l’un des quatre organes indépendants de la CAF, composé d’éminents juristes du continent, reconnus pour leur expertise et leur probité morale. Il s’agit de Michel Brizoua-Bi (Côte d’Ivoire), qui assure la fonction de président, du Vice-Président Happi Dieudonné (Cameroun), et de Maya Boureghda (Tunisie), Monica Musonda (Zambie) et Tumi Dlamini (Afrique du Sud), tous trois membres.

Conformément à l’article 44 des statuts de la Confédération Africaine de football, cette commission créée le 11 avril 2019, dit en effet avoir «analysé scrupuleusement les candidatures reçues en s’appuyant sur le rapport établi par une société internationale et indépendante de services d’investigation, spécialisée dans les contrôles d’intégrité – firme internationale partenaire notamment de la FIFA – de même que sur les informations fournies par les candidats concernés à travers un questionnaire d’éligibilité».

Après un tel travail, ils ont livré leur verdict. Me Augustin Senghor (Sénégal) et Jacques Anouma (Côte d’Ivoire) valident d’office leur candidature. Ahmad (Madagascar), candidat sortant est déclaré «inéligible». Quant à Ahmed Yahya (Mauritanie) et Patrice Motsepe (Afrique du Sud), leurs candidatures ont été jugées recevables. Cependant, la commission a estimé que des vérifications complémentaires sont nécessaires avant une décision finale. A cet effet, une audition de ces candidats devrait même être organisée au Caire le 28 janvier 2021. Sauf que la plupart des Africains férus de football qui commençaient à applaudir en y voyant une certaine indépendance affichée par l’Afrique de football vont vite déchanter. Et pour cause, le président par intérim de la CAF, Constant Omari, a convoqué une réunion du comité d’urgence ce samedi, soit 72 heures seulement après la décision de la commission gouvernance, lui enjoignant l’ordre de déterminer, avec la Commission de Contrôle de la FIFA, une date d’officialisation dans les plus brefs délais, de la liste définitive de tous les candidats à toutes les élections à savoir : membres du Comité Exécutif, membres Conseil de la FIFA et Président de la CAF.

Pis, l’édit du comité d’urgence indique que «la Commission de Gouvernance de la CAF devra soumettre, à la Commission de Contrôle de la FIFA, les candidatures reçues pour le poste de président de la CAF, étant entendu que le président de la CAF a vocation à devenir le vice-président de la FIFA». Diantre ! C’est maintenant que le Comité d’urgence se rend compte que le président de la CAF est de facto vice-président de la FIFA. Mieux, est-ce un argument valable pour confier le contrôle d’éligibilité des candidats de la CAF à la FIFA ? En serait-il ainsi en cas d’élection à la présidence de l’UEFA, à la Conmebol, à la Concacaf, à l’AFC et à l’AOFC ? Ce fait inédit porte un sacré coup à l’indépendance de l’instance faitière continentale qui est sous tutelle de Gianni Infantino, depuis l’avènement du Malgache Ahmad. Cette décision du comité d’urgence suscite en effet des interrogations et confortent davantage ceux qui pensaient que Patrice Motsepe est le candidat de Gianni Infantino.

Pourtant, lui qui fait de la gouvernance son cheval de bataille, jusqu’à faire recruter Fatma Samoura afin de remettre de l’ordre dans la FIFA empêtrée dans des scandales sans précédents, ne devrait pas perdre de vue, que la missive de son candidat adressée à certains présidents de fédérations africaines, via son assistante Mme Angélique, pour célébrer les 50 ans de Mamelodi Sundowns FC est plus que troublante. «Le Dr Motsepe est heureux de couvrir les frais de vol, d’hébergement et de suppléments», avait-elle indiqué dans sa lettre envoyée à certains électeurs. D’ailleurs, Sud Quotidien avait relevé que certains présidents de Fédérations qui ont reçu la lettre d’invitation de l’assistante du Dr Motsepe n’ont pas manqué de marquer leur étonnement. «Il y a lieu d’en saisir la CAF et la Fifa» avait pesté un président d’une fédération d’Afrique du Centre, non moins membre du Comité exécutif de la CAF que Sud Quotidien avait joint le 10 décembre de l’an dernier. Et d’ajouter, «le fait de dire qu’il prend en charge notre vol, notre hébergement et autres extras, insinue une forme de corruption ou d’intéressement». Est-ce d’ailleurs une des raisons qui ont poussé la Commission Gouvernance à différer la validation de sa candidature ? Certains observateurs le pensent aussi. D’autres évoquent une opacité dans des transferts de son club. Dans tous les cas de figure, ce sont là des indices suffisants qui autorisent des doutes. Sauf si, Gianni Infantino ne les juge pas suffisamment graves.

Coïncidences troublantes

Quid d’Ahmed Yahya ? Au lendemain de la publication de la note de la commission gouvernance de la CAF, le plus jeune des candidats, 44 ans, avait fait profil bas. Dans un tweet, après être félicité que sa candidature ’’ait été jugée recevable”, il déclarait : “Je répondrai avec enthousiasme à l’audition organisée au Caire le 28 janvier 2021 afin de démontrer la qualité de notre projet, seul à même d’offrir au football africain l’avenir radieux qu’il mérite”. Mieux, Ahmed Yahya avait promis de donner à la Commission «toutes les informations complémentaires dans un dialogue constructif au service du football africain». Qu’est ce qui s’est donc passé entre temps pour qu’il serve un pamphlet à cette même commission dans une lettre de saisine adressée au Secrétaire général par intérim de la CAF,… le 8 janvier 2021, à la veille de la réunion du comité d’urgence. Une volte-face qui suscite aussi des interrogations légitimes. Cette lettre serait-elle en réalité antidatée ; seraitelle postérieure à la décision du comité d’urgence dans le seul et unique dessein de la couvrir ?

Dans tous les cas de figures, les coïncidences sont encore troublantes. Mais que reproche-t-on au jeune président de la Fédération mauritanienne de football (FFRIM) par ailleurs membre du Comité exécutif de la CAF. En attendant la divulgation du rapport de la commission Gouvernance, des supputations vont bain train. A tort ou à raison, on l’accuse d’avoir bénéficié des subsides de la CAF en acceptant de se rendre à La Mecque (Oumra). Ce qui est prohibé par l’article 20 du Code d’éthique 2018 de la FIFA (Titre : Acceptation et distribution de cadeaux ou autres avantages) et qui a été appliqué au président sortant Ahmad en plus des articles 15 et 28 du même code. La logique voudrait alors que la même sanction qui a été appliquée au Malgache soit élargie à tous les bénéficiaires. Puisque que, selon un principe général de droit, «nul n’est censé ignorer la loi». A moins là également que la Fifa, désormais seul maitre à bord du football africain, ne déclare que le seul et unique coupable, c’est Ahmad. Ce qui laisserait croire qu’on va vers un hold-up électoral !

Flangrant délit de conflits d’intérêt

Par ailleurs, il importe de relever le flagrant délit de conflits d’intérêt chez les membres du comité d’urgence. Pour rappel, ce dernier est composé de six membres dont le président de la CAF (Ahmad, suspendu), de ses trois vice-présidents, Constant Omari Selemani (Rd Congo), – qui est passé président par intérim -, de  Fouzi Lekjaa (Maroc) et de Alexander Danny Jordaan (Afrique du Sud). Hany Abou Rida (Egypte) et Augustin E. Senghor (Sénégal) complètent la liste en tant que membres. Or, ils sont tous candidats pour accéder au Conseil de la Fifa dont le contrôle d’éligibilité est en cours, au niveau des instances de la …FIFA. En prenant part à cette rencontre, ils violent allégrement les statuts qui régissent le principe de la non interférence de l’Exécutif dans les décisions de organes indépendants de la CAF, comme la commission Gouvernance.

Rappelons qu’en application des règles et bonnes pratiques en vigueur, lors de l’examen des candidatures de messieurs Patrice Motsepe, Jacques Anouma, Seidou Mbombo Njoya (Cameroun) et Wadie Jary (Tunisie), chaque membre ayant la même nationalité qu’un candidat, s’est retiré et n’a pas pris part à la décision de la commission Gouvernance. Ce que Danny Jordan, directeur de campagne de Motsepe, aurait dû faire en suivant Me Augustin Senghor qui, selon une source fédérale, a quitté la réunion dès son démarrage. Hélas !

Abdoulaye Thiam

Président de l’ANPS

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