. Neutralisée par la corruption ou adepte d’un équilibrisme plus hypocrite que neutre, une bonne partie de la presse (quotidienne et en ligne) travaille concrètement au profit du pouvoir en traitant abondamment des seules émotions autour du viol présumé d’une plaignante aussi mystérieuse que choyée.
Or, dans cette affaire, l’occultation inconsciente ou calculée des multiples éléments factuels et potentiels qui accréditent la thèse d’un complot d’Etat contre un leader politique (arrivé quand même 3e à l’élection présidentielle de février 2019, performance exceptionnelle dans le contexte sénégalais de l’époque !) ne saurait être ni option ni violon d’Ingres pour des journalistes. Presqu’aucune tribune ou prise de position éditoriale pour s’interroger, dénoncer ou s’émouvoir de la grossièreté évidente des manœuvres de caniveau visant à éliminer un concurrent politique en s’appuyant sur un appareil d’Etat répressif mobilisé au service d’un camp partisan. Cette démission du « 4e pouvoir » a transformé le Sénégal en une aire de rafles et d’humiliations systématiques injustifiables contre des jeunes et des femmes victimes des desiderata d’un prince prêt à tout pour satisfaire son agenda politique. A ce niveau également, la tendance observée se limite au simple rapportage d’informations, comme si tout cela relevait d’une normalité républicaine.
Si la démocratie (pluraliste) et l’Etat de droit (véritable) doivent avoir un avenir dans notre pays, bien au-delà des conflits politiciens et de leurs contingences, c’est ici et maintenant que la presse sénégalaise est appelée à se réinventer par elle-même, à l’abri des connivences et des sujétions qui font sa mauvaise réputation actuelle. Notre dignité de journaliste est à ce prix.
Momar Dieng