Le quinquennat du président Macky Sall commence sur les chapeaux de roues. Une réforme institutionnelle a été annoncée avant même la formation officielle du gouvernement : elle devrait aboutir, entre autres, à la suppression du poste de Premier ministre. Cette annonce a suscité beaucoup de commentaires qui s’interrogent notamment sur les motivations de cette réforme ; d’aucuns estiment que la suppression du poste de Premier ministre a l’ambition de renforcer l’efficacité de l’action politique en ce qu’elle permettra au chef de l’État d’exercer une autorité directe sur le gouvernement, c’est-à-dire sans intermédiaire primo-ministériel, alors que d’autres y voient une volonté du président de la République d’étendre ses pouvoirs qui sont déjà trop importants. L’une et l’autre des raisons avancées n’emportent pas l’entière conviction. En premier lieu, la présence du Premier ministre ne constitue en aucune façon un obstacle à l’efficacité de l’action présidentielle. En fait, le chef du gouvernement n’est qu’un exécutant de la volonté du président de la République. Cette configuration qui résulte du régime politique est respectée en pratique par l’effet de la concordance des majorités présidentielle et parlementaire. Aux termes de la Constitution, le président de la République détermine la politique de la Nation et préside le Conseil des ministres (art. 42, al. 4 et 5 C). Autrement dit, il définit les grandes lignes politiques de son mandat et en assure régulièrement le suivi de l’exécution par le biais de la présidence des conseils des ministres. Le chef de l’État est donc juridiquement et politiquement assez outillé pour agir efficacement même en présence du Premier ministre. D’ailleurs, qui peut imaginer sérieusement que Mohammed Boun Abdallah Dionne gêne Macky Sall ? En second lieu, la Constitution confère au président de le République le pouvoir de révoquer le Premier ministre sans condition (art. 49 C). Cette prérogative permet au chef de l’État de soumettre le chef du gouvernement. Ainsi, l’existence ou l’inexistence de Premier ministre n’a pas d’enjeu véritable quant à l’autorité du président de la République. Cela est d’autant plus vrai que les fonctions de chef du gouvernement subsisteront, certes sans le statut de Premier ministre. Elles seront assurées naturellement par Monsieur Dionne qui a été nommé, cumulativement à ses fonctions actuelles, Ministre d’État, Secrétaire général de la présidence de la République. Il résulte de cette double considération que la réforme institutionnelle projetée poursuivrait d’autres finalités que celles évoquées plus haut. Il est possible d’y voir une sorte d’ingénierie institutionnelle en vue d’anticiper une éventuelle et très probable cohabitation. Les élections législatives prochaines auront lieu au début de la seconde moitié du quinquennat. Au regard des circonstances politiques, il n’est pas exclu que la majorité parlementaire actuelle ne soit pas renouvelée. D’une part, au regard des résultats de la présidentielle dernière, près de 42 % de l’électorat est favorable à l’opposition. On ajoutera que les élections législatives n’ont pas le même enjeu que l’élection présidentielle. D’autre part, si Macky Sall veut réussir franchement son quinquennat – dernier mandat pour lui –, il sera obligé de se comporter en chef de l’État et non en chef de parti et ce choix aura évidemment des conséquences politiques sur son électorat. Les réactions à la suite de la formation du nouveau gouvernement montrent que la frustration gagnera du terrain dans le camp présidentiel durant le quinquennat. Il est donc bel et bien possible que la mouvance présidentielle perde les élections législatives. Or, si l’opposition remporte les élections, le président de la République sera « obligé » de nommer le Premier ministre parmi la majorité parlementaire. Ainsi, Macky Sall pourrait cohabiter au sein de l’exécutif avec un certain Idrissa Seck ou le redoutable Ousmane Sonko. La réforme institutionnelle qui se prépare viserait à parer le président de la République au cas où cette éventualité viendrait à se produire. Le schéma serait le suivant : Premièrement, la suppression du poste de Premier ministre. Cette mesure évitera que le chef de la majorité parlementaire (par exemple, Idrissa Seck ou Ousmane Sonko) soit le chef du gouvernement. Il se contenterait donc éventuellement des fonctions de simple ministre ou de président de l’Assemblée nationale. La cohabitation n’aurait donc pas lieu véritablement. Deuxièmement, la réforme prévoirait de supprimer la responsabilité politique du gouvernement devant l’Assemblée nationale. Cette proposition entraînerait des conséquences plus dangereuses que la suppression du poste de Premier ministre. En effet, si l’Assemblée nationale ne peut plus renverser le gouvernement, le président de la République sera libre dans l’exercice de son pouvoir de nomination. En d’autres termes, il ne sera pas obligé de désigner le gouvernement parmi la majorité parlementaire, alors que c’est là l’essence même de la cohabitation. Macky Sall pourra ainsi faire et défaire le gouvernement à sa guise, même dans l’hypothèse où les élections législatives seraient remportées par l’opposition. Au final, il n’y aurait même plus d’intérêt à organiser les élections législatives pendant le quinquennat de Macky Sall. On pourrait objecter que l’Assemblée nationale disposerait tout de même d’une compétence exclusive en matière législative et qu’elle pourrait, s’il y a lieu, exercer l’obstruction en rejetant systématiquement tous les projets de loi qui seront introduits à l’initiative du chef de l’État. Soit. Au demeurant, cela n’aurait pas d’impact décisif sous le quinquennat en cours, donc sous la présidence de Macky Sall. Les grands projets politiques de ce mandat auraient été déjà entérinés par la majorité parlementaire actuelle. Quid de la loi finances – le budget – qui est votée annuellement et dont le rejet pourrait entraîner un blocage ? Là aussi, la Constitution accorde au président de la République une porte de sortie inédite : « Si le projet de loi de finances n’est pas voté définitivement à l’expiration du délai de soixante jours prévu ci-dessus, il est mis en vigueur par décret, compte tenu des amendements votés par l’Assemblée nationale et acceptés par le Président de la République » (art. 68, al. 5 C). En définitive, la réforme annoncée verrouillera tout le système institutionnel à la solde du président de la République. Une question : le bouleversement envisagé est-il légitime ? Cette réforme figurait-elle dans le programme politique du candidat Macky Sall ? Une chose est sûre, il n’en avait jamais fait état pendant la campagne électorale.
Ferdinand Faye ATER en droit public à l’Université de Reims
Comme si ce ne sont pas les sénégalais qui ont lucidement plébiscité Macky le 24 février ne sont pas les mêmes qui vont re-voter pour les locales et les législatives. Nos petits intellos sont vraiment coincés… Tu ferais mieux de rester pour plusieurs années encore dans ton Ater Ferdinand….
Votre commentaire en dit long sur vous: un aigris atteint d’une paresse intellectuelle. Il n’est pas besoin d’aller à l’école pour savoir que l’électorat de Macky Sall en 2019 ne sera pas le même en 2022. Le reste n’est que brassage d’air…