“Il y a deux façons de faire de la politique. Ou bien on vit pour la politique ou on vit de la politique” disait M.Weber . Un siècle plus tard ,cette citation est confortée par l’actualité de notre pays. Par prudence , nous ne tenterons pas de classer les politiques dans l’une ou l’autre case. Cependant des faits montrent que certains politiques vivent de la politique. Vivre de la politique comprend aussi le fait de vouloir s’accaparer de tous les pouvoirs pour ses propres intérêts. C’est certainement pour cette raison que celui qui est absolutiste , vit certainement de la politique. L’intéret d’être absolutiste est de s’accaparer des pouvoirs et d’en faire usage sans obstacles.
Notre président de la république est-il absolutiste ? En tout cas son projet de révision de la constitution semble avoir pour unique but d’augmenter ses pouvoirs au point de le nommer “August Macky Sall”. En effet avec ce projet révision constitutionnelle , Macky Sall contrôle :
-les partis politiques
-les collectivités territoriales
-le conseil constitutionnel
-l’Assemblée Nationale
Il confirme son absolutisme , on affirmant implicitement sa victoire au premier tour avec un changement du mode de scrutin dépendant fortement du nombre de “suffrages exprimés” qui pourrait être magouillé .
Partis politiques soumis au fils de S.E.M Macky Sall: « bonne gouvernance associative »
La notion de bonne gouvernance est le fils de S.E.M. Tout comme un père , Macky Sall veut que son fils émerge du lot . Il nous l’impose en le glissant un peu partout. Toutefois , il ne s’agit pas de nous imposer son fils mais de faire de sorte que nous l’acceptions. Pour un président qui a vécu et vaincu le régime Abdoulaye Wade ,il est le mieux placé pour comprendre cela. Macky Sall nous force son fils « bonne gouvernance » d’emblée dans les dispositions de l’article 4 al 4 « Les partis politiques sont également tenus de respecter strictement les règles de bonne gouvernance associative sous peine de sanctions susceptibles de conduire à la suspension et à la dissolution. » Qu’est ce que la bonne gouvernance associative ? Quel est la définition matérielle de cette notion ?
L’importance de définir le contenu de cette notion est incommensurable à deux nivaux :
-les partis politiques sauront de manière exhaustive les règles auxquelles ils sont soumis. Ce serait une sorte de garantie contre l’abus. Rien ne nous dit que ces règles seront pas un moyen de pression contre certains partis politiques. La notion reste assez large , voire floue pour infliger des sanctions justes à un parti politique. Une faute d’un des militants suffit-elle à dissoudre un parti politique ? Exemple : Un militant condamné pour trafic de drogue . Il s’avère que l’argent de ce trafiquant a permis de financer une campagne sans la complicité du parti . Le parti politique serait-il dissout pour violation des règles de bonne gouvernance associative? Le parti politique a t-il faillis à ses règles de bonne gouvernance associative ? Il est donc indispensable de lister ou de définir ces actes contre la bonne gouvernance associative.
-il s’agit de sanctionner un acte contre la bonne gouvernance associative. Comment peut-on protéger un principe dont on ne connaît le contenu ? On protège la bonne gouvernance associative sans en saisir le contenu .
Cette disposition relative à la « bonne gouvernance associative » ressemble à une arme contre les partis politiques. C’est un moyen de contenir les partis politiques.
Un contrôle des Collectivités Territoriales par la déconcentration et par le Haut Conseil des Collectivités Territoriales
Le Haut Conseil des collectivités territoriales est créé . L’article 6 dispose que le Haut Conseil des Collectivités territoriales est une des institutions de la République. Le nouveau titre VII dispose , dans son Article 66-1. « Le Haut Conseil des collectivités territoriales est une Assemblée consultative. Il donne un avis motivé sur les politiques de décentralisation et d’aménagement du territoire. Une loi organique détermine le mode de désignation,le nombre et le titre des membres,ainsi que les conditions d’organisation et de fonctionnement de l’institution ».
Qu’est ce qui a motivé S.E.M Macky Sall à créer cette institution? Pourquoi est-elle parmi les « institutions de la république » ? .
Les motifs sont pertinents dans la mesure où le développement de la démocratie de l’Etat nécessite la participation des collectivités territoriales. D’ailleurs , Tocqueville disait « point de démocratie sans décentralisation ». La décentralisation est en outre un levier pour l’économie locale . Les collectivités bénéficiant d’une liberté d’administration (article 102 ) , pourront gérer de manière autonome les ressources financières locales (taxes d’habitation , impôts locaux…). Cette décentralisation réaffirmée par S.E.M Macky Sall permettrait d’alléger les charges de l’Etat au niveau local. Avoir une assemblée consultative , représentant l’Etat ne pourrait être que profitable.
Par la loi organique n° 2007-23 du 22 mai 2007 , le Sénat avait été créé alors que Macky Sall était premier ministre. Vous allez vous demander quel est le rapport avec le Haut Conseil territoriales? Les deux constituent une Assemblée. Les Sénateurs étaient élus ,dans chaque département , par un collège électoral composé de députés , de conseillers régionaux , municipaux et ruraux. Les sénateurs représentaient les collectivités locales au sein de l’hémicycle. Le Haut Conseil des collectivités territoriales est une assemblée d’après l’article 66-1 . Par essence , il représente les intérêts des collectivités territoriales. Le Sénat n’était pas considéré comme faisant parti de l’Assemblée Nationale . Seuls les députés sont considérés membres (Article 59 Constitution 2001″ L’Assemblée nationale représentative de la République du Sénégal porte le nom d’Assemblée nationale.Ses membres portent le titre de députés à l’Assemblée nationale. »). Le Sénat ne votait pas les lois mais était une sorte de « chambre consultative ». Par ailleurs certains sénateurs n’étaient pas élus par voie démocratique. LO. 188-1 disposait » Le nombre de sénateurs est fixé à cent ainsi répartis : – trente cinq sénateurs élus dans les départements ; – soixante cinq sénateurs nommés par le Président de la République parmi lesquels quatre représentent les Sénégalais de l’extérieur. ».C’était une nomination peu démocratique. Tout comme le sénat , le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) est une « assemblée consultative ». Reste à savoir la composition de ce Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT)! On peut deviner qu’il sera composé d’élus des collectivités territoriales : les membres seront élus par des conseillers territoriaux . Ce serait logique puisque les membres représentent les intérêts des collectivités territoriaux. Le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) est une sosie du Sénat .
Quelle est la pertinence de supprimer une institution pour en mettre une autre semblable en changeant juste le nom et peut être le mode de désignation de ses membres ? A vous de juger
Macky Sall trouve là une manière facile et intelligente de placer des hommes dociles et favorables à son parti politique. Il pourrait reprendre le mode de désignation rappelé ci dessus Sénat . Ce qui permettrait d’effectuer un partage équitable du gâteau entre « apèristes » . Cette disposition qui peut nous à des dérives mackystes.
Par ailleurs , ce Haut Conseil du territoire avait été prévu en France par la loi MAPTAM puis par la loi NoTre. Cependant , le parlement Français était contre cette institution. Est-ce un hasard si Macky Sall nous l’impose ? C’est une réflexion à mener. On pourrait reprocher à S.E.M Macky Sall de copier les occidentaux. Ce ne serait pas la première fois.
Macky Sall remet en quelque sorte le sénat sans le dire. Nonobstant les ressemblances entre les deux institutions( Sénat et Haut Conseil des collectivités territoriales) , on ne supprime pas une institution pour en créer un autre d’autant plus qu’on a une volonté de réduire nos dépenses publiques.
Tout en retenant la décentralisation et la libre administration , S.E.M Macky Sall retient la déconcentration comme « règle générale de répartition des compétences » (Article 102 de la Constitution). La déconcentration est une délégation de moyens et de pouvoirs de décision de l’administration centrale aux services extérieurs de l’Etat . Les autorités administratives resteront donc dépendantes du pouvoir central . Ce dernier délègue les compétences . Ce lui à qui on délègue des compétences exerce t-il pleinement ses compétences ? La réponse est non. Les collectivités n’auront pas donc des pouvoirs autonomes de l’Etat. L’Etat tient, tout de même en laisse, les collectivités territoriales. Il veut rester maître partout et même au sein des collectivités . l’État. Et les maires dans tout ça ?
Majorité absolue des suffrages exprimés ou l’absolutisme confirmé de Macky Sall?
L’actuel article 26 ( Constitution 2001 ) dispose « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours. » Le nouveau article 26 , soumis au référendum , dispose « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct et à la majorité absolue des suffrages exprimés. ». S.E.M Macky Sall nous propose « la majorité absolue des suffrages exprimés » à la du « scrutin majoritaire à deux tours » . Qu’est ce que la majorité absolue ? La majorité absolue des suffrages exprimés est la motié des suffrages exprimés plus une voix si le nombre de suffrages exprimés est pair . Exemple : S’il y’a 10000 suffrages exprimés ( voix valides) , la majorité absolue sera de 5001. Si le nombre de suffrages exprimés est impair , la majorité absolue sera égale à la moitié du nombre pair immédiatement supérieur. Exemple : si le nombre de suffrages exprimés est de 10001, la majorité absolue sera de 5001.
Le futur président sera élu au premier tour dès lors qu’il a la majorité absolue. Ce type de scrutin est dépendant du nombre de voix comptés . Plus les voix des sénégalais valides augementent,moins sera facil pour le président d’atteindre la majorité absolue. Il sera logique pour les candidats aux élections présidentielles de souhaiter un taux d’abstention , un nombre de bulletins blancs ou un nombre de bulletins invalides augmenter. Croyez vous que ce mode de scrutin est favorable pour des élections présidentielles dans notre pays? On pourrait aller plus loin. Nous savons que le président en exercice organise les élections. N’a t-il pas des moyens frauduleux pour manipuler le nombre de suffrages exprimés ?
Par ailleurs , on pourrait encore là reprocher à notre président d’imiter la France. En effet , l’article 7 de la Constitution Française dispose « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». S.E.M Macky Sall reprend à la lettre cette alinéa dans son article 26 soumis au référendum. Il zappe une partie de l’article 7 de la constitution française « Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour de scrutin, il est procédé, le quatorzième jour suivant, à un second tour. Seuls peuvent s’y présenter les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour. » S.E.M Macky ne prévoit pas le cas ou la majorité absolue ne serait pas obtenue. Quel commentaire en tirer ? Il est sûr que la majorité absolue sera obtenue ? A vous de juger ? Il saute aux yeux que nous copions la France selon nos convenances personnelles. Vous me direz que « c’est évident que nous passerons au 2nd tour si la majorité absolue n’est pas obtenue ? » Pourquoi ne l’a t-il pas prévu expressément dans les dispositions de l’article 26 de la Constitution soumis au référendum?
L’absolutisme se manifeste par sa volonté implicite de supprimer le 2nd tour et de véhiculer un message : “je serai élu au premier tour avec une majorité absolue des suffrages exprimés” ! La voix n’est pas gagnée d’avance a moins qu’on ait une intention malsaine de truquer les résultats.
La réforme du conseil constitutionnel : Macky sall règne en maître
Nous savons tous l’importance et l’urgence de réformer cette institution. Sous le régime de Wade , les sénégalais ont fini par comprendre l’enjeu de rendre cette institution indépendante dans notre démocratie . En effet , en véritable « talibé de Abdoulaye Wade » , les membres de cette institution avaient validé la candidature du pâpe du Sopi. Cette décision du conseil constitutionnel avait entraîné des affrontements. En Côte d’Ivoire , le Conseil Constitutionnel a provoqué le désastre. « Yao Paul Ndré ,président du Conseil Constitutionnel, a été responsable de la crise post électorale qui a entraîné plus de 3000 morts officiellement ». Aujourd’hui, Yao Paul Ndré est obligé , afin d’éviter la mort , de se réfugier au Ghana.
Ces deux événements nous prouvent l’urgence de repenser autrement le conseil constitutionnel . Nous applaudissons l’intention de S.E.M Macky Sall de changer la composition du Conseil Constitutionnel.
Cependant , S.E.M Macky Sall a t-il trouvé la bonne solution pour rendre indépendant le Conseil Constitutionnel ? L’article 89 de la constitution , soumis au référendum, dispose « Le Conseil constitutionnel comprend sept (07) membres dont un président, un vice-président et cinq (05) juges.La durée de leur mandat est de six (06) ans.
Le Président de la République nomme les membres du Conseil constitutionnel dont deux sur une liste de quatre personnalités proposées par le Président de l’Assemblée nationale.Le président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage.» Cinq sur sept membres du Conseil Constitutionnel sont nommés par Macky Sall dont le président. Ou est l’indépendance ? Vous me direz que l’Assemblée Nationale nomme 2 membres ? C’est de la poudre aux yeux. Le président de l’Assemblée Nationale propose « une liste de quatre personnalités ». Celui qui propose nomme t-il réellement ? Le président de la république choisit parmi les quatre proposés. Au final , Macky Sall tient en laisse le Conseil Constitutionnel. Le Président du conseil constitutionnel est , par ailleurs , nommé par le Président de la République. Pensez-vous que le président du Conseil Constitutionnel exercera sa fonction en toute impartialité sachant qu’il doit sa nomination au Président de la République ?
Au lieu de tirer les leçons du passé , S.E.M Macky Sall n’a fait que rendre plus dépendant les membres du Conseil Constitutionnel au chef de l’Etat. Il cache ses intentions à travers les propositions du président de l’Assemblée Nationale.
Encore un conseil constitutionnel qui est serviteur du président Macky Sall.
“La Patrie avant le parti”: c’est raté !
L’Assemblée composée de députés représentent le peuple mais sont dépendants des partis politiques. Cependant le slogan ou la politique de » la patrie avant le parti » devait nous mener à rendre nos députés plus indépendants des partis politiques . Cette affirmation devait influencer S.E.M Macky Sall à modifier cette disposition de l’article 60 « Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat. ». Pour l’intérêt de la patrie , le député ne pourrait-il pas démissionner de son parti ? Cette disposition ne remet-elle pas en cause l’affirmation « la patrie avant le parti » ? A vous de juger !
Ne soyez pas surpris , si nos députés deviennent des “talibés” du président du parti APR Macky Sall !
En attendant , croisons nos doigts pour que notre Macky Sall ne remporte pas les législatives au risque de voir une assemblée asservie.
Oumar Bâ
Cela demande reflexion….