Propos sur l’homosexualité au Sénégal : le nouvel ordre culturel mondial à l’épreuve des replis identitaires (Par Amadou Sarr Diop)

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La problématique de l’homosexualité et le débat de société qui s’y rapporte, dépassent le conflit de normes entre valeurs sociales et sexualités dissidentes. Elle nous situe dans la défense d’une identité culturelle et religieuse, faisant face au renouveau militant du mouvement homosexuel international qui s’attelle, partout dans le monde, à une mise en représentation positive de l’identité homosexuelle. Au regard de la mobilisation des lobbies homosexuels, il se dessine la mise en chantier d’un agenda dont l’objectif final est la dissipation d’un horizon d’exclusions manifestes des dissidences sexuelles, lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles. Le but étant, pour les lobbies homosexuels, de dépasser le militantisme de réaction qui se résume à la lutte contre la discrimination, pour la construction d’une identité homosexuelle dégagée du regard stigmatisant et méprisant. Le projet des associations Lgbt consiste alors à structurer, partout dans le monde, une communauté homosexuelle qui revendique ses droits à l’existence, en dépit des interdits socioculturels et religieux. La forte mobilisation des associations des lanceurs d’alerte dans notre pays est une réponse appropriée à ce projet du Front Homosexuel d’Action Révolu­tionnaire (Fhar).
De l’éclairage des textes religieux au refus culturel de l’homosexualité
Les fondements sociologiques de l’illégitimité de l’homosexualité chez les défenseurs des mouvements d’alerte au Sénégal reposent sur la tradition des croyances culturelles et, surtout, sur les sources religieuses islamique et judéo-chrétienne, qui renvoient à la tradition des textes sacrés. De la loi juive, qui enseigne que les pratiques homosexuelles de­vraient être sanctionnées par la mort, aux hadith du prophète de l’islam (Psl) qui réaffirme une telle sentence, en passant par les chrétiens qui édictèrent l’interdiction de la sodomie, considérée comme acte contre nature ( (crimen contra naturam et crimen nefandum), toutes les religions révélées ont banni, sans équivoque, la pratique de l’homosexualité. Dans cette mise en évidence de la position religieuse sur une pratique classée dans l’ordre des grands péchés, il est utile de rappeler le verset 81 de la sourate Al A’raaf destiné à la cité de Sodome détruite par Dieu : «Vous livrez-vous à cette turpitude que nul, parmi les mondes, n’a commise avant vous ? Certes, vous assouvissez vos désirs charnels avec les hommes au lieu des femmes ! Vous êtes bien un peuple outrancier.» Dans les versets 165 et 166 de la Sourate Ash-Shu’araa, est réaffirmée la condamnation de l’homosexualité : «Accom­plis­sez-vous l’acte charnel avec les mâles de ce monde ? Et délaissez-vous les épouses que votre Seigneur a créées pour vous. Mais vous n’êtes que des gens transgresseurs.» D’après Ibn Abbas (qu’Allah l’agrée), le Prophète (Psl) a dit : «Celui que vous trouvez qui pratique l’acte du peuple de Lot, tuez celui qui pratique l’acte et celui sur qui il est pratiqué.» (Rapporté par Abou Daoud dans ses Sounan n°4462 et authentifié par Cheikh Albani dans sa correction de Sounan Abi Daoud).
Concernant le référent culturel, l’homosexualité est dans l’imaginaire partagé un travers qui transgresse la césure établie entre la distinction sociale des identités de sexe, pour la prospérité de l’ordre familial défini comme cellule de base de toute société humaine. C’est à la lumière de ses déterminants religieux et sociologiques que beaucoup de Sénégalais soutiennent que l’homosexualité est un construit exogène, un mal abominable, qu’il faut combattre au nom des principes religieux éthiques auxquels s’adossent nos valeurs de vie.
De «la politique d’identité» prônée par le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (Fhar)
Même si d’aucuns soutiennent que l’homosexualité est consubstantielle à l’histoire des sociétés humaines, la conception historicisée de l’homosexualité est bien une volonté occidentale. L’offensive des associations Lgbt internationales résulte alors du processus d’occidentalisation de nos mœurs et s’inscrit dans l’agenda du nouvel ordre culturel mondial. Les stratégies de la «politique d’identité» qui consiste à adopter, pour les associations Lgbt, la démarche de visibilité, en s’appuyant sur le principe de la prise de conscience communautaire et identitaire, s’exportent à travers le monde. Elles veulent passer de la logique de distinction par des pratiques homosexuelles à la posture d’identité homosexuelle affirmée, c’est-à-dire la revendication à l’appartenance à la communauté homosexuelle comme signe distinctif lié à «un mode de vie, un ensemble de codes plus ou moins formalisés auxquels adhèrent des individus à partir d’un «coming out» les constituant en membre d’une communauté» (Chaun-cey). Tel est le véritable projet, axé sur la déconstruction de l’idéal de la famille patriarcale au nom du principe de la liberté sexuelle, prôné par le Front Homo­sexuel d’Action Révolu­tionnaire (Fhar), et l’Associa­tion pour la Reconnaissance du Droit au Séjour et à l’Immi­gration des Homosexuels et transsexuels étrangers (Ardhis). La philosophie, qui sous-tend le projet de ces associations, relève de la déconstruction des termes biologiques, de l’opposition du féminin et du masculin fondée sur la norme hétérosexuelle où s’est construit un ordre existentiel qui diabolise la pratique de l’homosexualité. Les théoriciens de la redéfinition de la sexualité se projettent alors dans une remise en question de l’univocité des catégories de sexes pour une diversité des identités sexuelles, hétérosexuelles, bisexuelles, transsexuelles, homosexuelles. Les nouvelles interrogations sur les masculinités et sur les féminités concernant les débats sur le genre s’inscrivent dans cette déconstruction des identités de sexe pour mettre fin à un processus de socialisation différentielle entre fille et garçon. Le but est de briser dans la temporalité des socialisations ce que les théoriciens de l’homosexualité appellent l’arbitraire d’un habitus basé sur l’innéité des identités masculine et féminine. Pour les théoriciens du paradigme genre, dans son versant féministe et homosexuel, la culture «genrée» est ordonnée aux pouvoirs (patriarcal et hétérosexuel), la norme qui la régit est donc l’expression de l’oppression, construite sur la base de l’inégalité arbitraire des sexes. Dans le registre expressif constitutif de la grammaire, la contraction de «il» et «elle» est entrée dans le dictionnaire numérique «Le Robert», donnant le pronom «iel». Celui-ci est utilisé par les personnes non binaires qui ne se reconnaissent ni dans le masculin, ni dans le féminin. Tout cela édifie sur le sens et l’ampleur du projet des lobbies homosexuels, défini à partir d’un agenda qui défie les traditions et les valeurs pour l’émergence d’une société postmoderne, construite sur les ruines des représentations et des croyances religieuses qui ont constitué le socle des sociétés humaines depuis des millénaires.
Le Sénégal, de par situation géostratégique, est un espace convoité pour servir de porte d’entrée à la conception ainsi historicisée de l’homosexualité, vue comme un programme qui se dessine à l’échelle de l’Afrique. Avec des arguments formulés dans la foulée des affirmations justificatives, les défenseurs de l’homosexualité s’évertuent à justifier que l’homosexualité n’est pas étrangère à notre vécu, les homosexuels ont toujours peuplé notre quotidien. L’analyse contextuelle du moment nous édifie sur deux constats. D’une part, on retient que même si la pratique homosexuelle aurait existé dans le passé, le phénomène était marginal à l’époque. D’autre part, ce qu’il convient de constater, c’est avec l’avènement de la seconde alternance que la question de l’homosexualité a envahi l’espace médiatique et est devenue objet de discussion et de palabre dans notre espace public. On veut faire de telle sorte qu’elle ne soit plus une question taboue. Par le matraquage médiatique, avec le relais d’une certaine presse complice, les stratèges des lobbies homosexuels travaillent à long terme à l’acceptabilité de l’homosexualité au Sénégal par la manipulation des représentations collectives. L’objectif est le construit idéologique par la banalisation de l’homosexualité dans le quotidien des Séné­galais. Ce qui était vu comme abominable serait alors perçu comme une simple forme de déviance qui s’ajoute aux tares de notre société. Tel est le projet inscrit à l’horizon des possibles de l’agenda des lobbies ho-mosexuels.
Qu’est-ce qui explique réellement que la question de l’homosexualité se reconfigure en débat de société au Sénégal ? La réponse à cette question suppose des analyses approfondies, mais on peut retenir, pour l’instant, que la récurrence du débat sur l’homosexualité dans les espaces public et médiatique a pris de l’ampleur et de la consistance avec la seconde alternance. Les réticences des députés de la majorité à examiner le projet de loi portant sur la criminalisation de l’homosexualité renseigne sur l’identité d’un pouvoir en connexion avec les lobbies homosexuels
Le refus de l’homosexualité ou le combat de la revendication d’une identité assumée
Dans une déclaration où il dénonce le cumul des discriminations, Emmanuel Macron affirme, sans détour, son refus à la reconnaissance des identités situées. «Je suis du côté universaliste, soutient-il. Je ne me reconnais pas dans un combat qui renvoie chacun à son identité ou son particularisme.» Le propos est clair et sans équivoque, il traduit l’arrogance d’un discours qui rappelle la vieille rhétorique d’un universalisme de prédation et d’extraction où l’Occident se considère à la fois comme le miroir et le centre du monde. Dans sa volonté de vouloir changer le monde, au nom de ses propres valeurs de référence qu’il érige en normes universelles, l’Oc­cident veut procéder à l’effacement des identités, par la négation du droit pour toute société à l’affirmation de ses valeurs de vie pour célébrer son être au monde. C’est au nom de la mondialisation, pour ne pas dire la mondialité culturelle, que le nouvel ordre culturel mondial renoue avec le projet civilisateur de l’époque coloniale.
La mobilisation des Séné­galais contre cet agenda déclaré participe à une sorte de guerre des croyances qui renvoie au choc des identités antagoniques. Le rejet des pratiques homosexuelles, dans une société sénégalaise profondément religieuse et ancrée dans ses traditions millénaires, relève du droit à l’identité sociétale et du refus à l’ordre totalitaire mondial. L’engoue­ment et la mobilisation autour de la question rendent compte de la forteresse des cultures et des croyances face à la tyrannie du projet totalitaire de la mondialité culturelle, régie par le principe d’imposer à toutes les sociétés du monde ce que les théoriciens de l’homosexualité appellent les «nouveaux droits». Au nom de quoi l’homosexualité devrait-elle s’imposer à toutes les sociétés du monde ? Au nom de quoi l’Occident s’érige comme le centre qui représente le tout et par rapport auquel le reste du monde est un dehors qui lui est subordonné. A travers ces deux questions cruciales, synonymes de cri de révolte contre la mondialité culturelle, nous voulons rappeler un principe de civilité, celui du droit pour chaque société à revendiquer des modes d’agir individuels et collectifs, conformément à ses propres valeurs de vie. Ceux qui veulent nous imposer l’homosexualité au nom de leurs étalons de référence culturelle et du principe de la tolérance du «vivre ensemble», nous refusent pourtant la polygamie dans leurs pays ?
Au Sénégal, il est vrai que les groupes Lgtb sont confrontés à une forte résistance. Parce que les religions sont restées, en dépit des agressions multiples, des ferments et des balises dans la continuité et la préservation d’un socle de vie légué par les ancêtres de référence, ces fondateurs de l’islam confrérique soufi. Le combat contre l’homosexualité sera donc un combat de tous les sacrifices, il est le combat pour perpétuer la philosophie du refus incarnée par les éveil­leurs de la conscience religieuse identitaire. Ils ont pour noms El hadji Oumar Tall al Foutiyou, Cheikh Abdoulaye Niasse, El Hadji Malick Sy, Cheikh Ahma­dou Bamba Mba­cké et autres. A ceux qui s’étonnent que des intellectuels s’impliquent dans le débat par l’argument du religieux doivent comprendre que la Foi et les Lumières ne se définissent pas dans un rapport d’exclusion mutuelle.
Amadou Sarr DIOP
Sociologue, directeur du laboratoire Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur l’Education et les Savoirs (Gires)
Université Cheikh Anta Diop

1 COMMENTAIRE

  1. Monsieur Diop dans tout votre long texte vous ne parlez nulle part des serignes-daaras qui sodomisent presque chaque jour dans notre pays de petits garçons talibés ! Alors qui sont les premiers homosexuels du pays ! Mame Makhtar Guèye et son Samm Jikko yii sont une bande d’hypocrites salafistes et wahabites commandités par leurs maîtres arabes ! L’homosexualité n’a jamais été une préoccupation pour les sénégalais, jamais ! Il y a 100 fois pire dans notre pays et nos priorités quotidiennes sont de loin ailleurs ! D’ailleurs la plupart des homosexuels sénégalais disent qu’ils sont déjà passés par un daara, certains te récitent même très bien le coran ! Cherchez l’erreur… Un intellectuel doit être courageux et non nafèkhe.

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