Le directeur général de l’Armp a réaffirmé le caractère illégal et léonin du contrat de concession de l’hôtel King Fahd Palace, et recommandé son annulation. Cela semble pourtant plus facile à dire qu’à faire.
M. Saër Niang, le directeur général de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) vient d’ajouter sa voix à celle des personnes qui demandent l’annulation du contrat de concession de l’hôtel King Fahd à M. Mamadou Racine Sy. Interrogé hier sur la Rfm, M. Niang a indiqué : «J’estime que ce marché a été attribué par entente directe. Nous avons informé le Président. Le Premier ministre ayant reçu la correspondance, nous a envoyé une copie du contrat et nous a saisis afin que nous donnions notre avis sur la question. Nous avons étudié le contrat que nous avons jugé exorbitant. La procédure n’avait pas été respectée, qu’il s’agisse d’un marché ou d’une délégation de service public, la publicité aurait dû être organisée et le marché ou la délégation aurait dû être attribué à l’issue d’un appel d’offres. Cela n’a pas été fait.»
Le directeur de l’Armp a ajouté d’autres éléments à son argumentaire, pour battre en brèche cette convention, défendue en son temps par l’ancien ministre du Tourisme Thierno Lô, ainsi que le nouveau repreneur, Racine Sy, le 1er janvier dernier : «L’analyse des modalités de rémunération du cocontractant nous avait conduits à considérer que c’était exorbitant. D’abord le cocontractant ne prenait aucun élément de risque et était rémunéré grassement sur le dos de l’Etat. Sous ce rapport nous avions suggéré à monsieur le Premier ministre de résilier le contrat et de demander à ce qu’un appel d’offres soit reçu.»
Racine Sy a encore des partisans
Contacté hier soir pour qu’il réagisse face à cette nouvelle charge, le repreneur Racine Sy s’est comme à son habitude, emmuré dans un silence commode. Il faut néanmoins préciser que M. Sy avait déjà déclaré, au cours d’une rencontre avec les employés de l’hôtel, le mois dernier, que l’avis de l’Armp n’était que consultatif, et non contraignant. Quoi qu’il en soit, il estimait que l’Etat a suffisamment de moyens de coercition pour le contraindre à laisser la gestion de l’hôtel, en cas de nécessité.
Il n’empêche que, même au sein du gouvernement, tout le monde ne pense pas qu’il soit aussi aisé aujourd’hui de faire partir le patron de la Sha de l’ancien Méridien Président. On rappelle même que le ministre Abdoulaye Daouda Diallo avait eu un échange très franc et ferme avec son collègue du Tourisme Youssou Ndour, sur les risques et les conséquences d’une rupture brusque du contrat de Racine Sy. D’ailleurs, le journal l’Enquête, d’il y a deux jours, parlant de l’intervention du Premier ministre dans ce dossier, a à la fin, ébauché le fait qu’une rupture de son contrat pourrait se traduire pour l’Etat à dédommager le cocontractant.
M. le ministre du Budget ne s’était pas arrêté à cela, qu’il a estimé être l’hypothèse la plus optimiste. D’autres voix, non moins expertes estiment que le lancement d’un appel d’offres pour la concession de l’hôtel, devrait entraîner la mise à l’écart du repreneur. Cela signifierait pour l’Etat, de trouver, jusqu’à une nouvelle gérance, 400 millions de francs Cfa mensuels pour le paiement des salaires. Sans compter les frais de maintenance. Or, à ce point, Racine Sy souligne que la facture de l’électricité uniquement, dépasse les 100 millions de francs Cfa. Et on ne parle pas encore de l’eau et des produits d’entretien.
Concurrence effrénée
De plus, un appel d’offres pourrait ne pas être fructueux au premier coup et demanderait à être relancé. Cela imposerait des délais pendant lesquels l’hôtel pourrait être fermé, si le repreneur estimait ne plus être intéressé par l’affaire. Et si le réceptif était fermé, ce serait de la clientèle perdue qu’il serait très difficile de récupérer, dans un contexte de forte concurrence, avec le Radisson Blu, ou le prochain hôtel que construit Kharafi, à hauteur des Mamelles. Sans compter que Starwood, qui a repris la gestion de l’hôtel des Almadies, ne ménagerait rien pour voir sombrer celui qui est devenu son grand concurrent.
L’autre argument qui avait été avancé lors de ce Conseil des ministres au cours duquel les arguments pour ou contre le maintien de Racine Sy s’était confrontés, avait été l’état de délabrement de l’hôtel, qui ne peut plus revendiquer les quatre étoiles qu’il s’attribue à tort. Malgré les 26 milliards que les dirigeants de l’Anoci ont déclaré y avoir consacré, le King Fahd Palace porte très visiblement le poids de ses 22 ans. Il a besoin d’un sérieux lifting, qui ne peut plus attendre, mais que l’Etat ne peut lui offrir. D’où la nécessité de bien piloter la phase difficile qu’il traverse, en faisant en sorte que ses difficultés ne portent pas préjudice à l’outil de travail, ni ne fassent fuir le peu de clients qui lui font encore confiance.
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