Quand la cérémonie officielle du Magal 2012 coïncide avec le centenaire de ‘râmû massîrî ilâ jurbel2…’ ou le triomphe total et définitif du serviteur du prophète

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En cette année 1433 de l’Hégire, le 18 safar, jour où l’on célèbre le Magal de Touba, coïncidera dans le calendrier julien-grégorien au jeudi 12 janvier 2012. Traditionnellement, c’est le lendemain du Magal que la famille de Serigne Touba, sous le magistère du Khalife général, reçoit les hommages du pays et du reste du monde dans le cadre d’une cérémonie officielle. A l’occasion de celle-ci, un message est adressé par le Khalife ou son représentant à l’assistance composée de dignitaires mourides, disciples, invités, autorités gouvernementales, délégations représentant les familles religieuses du pays, corps diplomatique, etc. Habituellement, ce message, parce qu’il est très fort, est très attendu, et, par médias interposés, s’adresse, en réalité, au monde entier. Cette année donc, cette cérémonie aura lieu le vendredi 13 janvier 2012.
Or, l’historiographie du Mouridisme, toutes sources confondues, nous enseigne que c’est entre le 13 et le 16 janvier 1912 que Khadimou Rassoul, le Serviteur du Prophète (Psl), a effectué son célèbre déplacement qui le mena de Thiéyène, situé au Jolof, à Diourbel, capitale du Baol, après sept années d’un premier exil au Gabon, suivies de quatre années d’un deuxième exil en Mauritanie et de cinq autres années de résidence surveillées à Thiéyène même.

C’est dire que, dans le calendrier julien-grégorien, celui de référence de ceux qui ont privé de liberté le Fondateur du Mouridisme, le centenaire du retour de celui-ci dans le Baol, coïncidera donc, jour pour jour, avec la journée de la cérémonie officielle lors de laquelle l’œuvre de Serigne Touba fait l’objet de toutes les attentions.

Quand on sait que le Magal commémore le départ du Cheikh vers l’exil au Gabon, lequel avait été décrété par le Conseil privé lors de sa séance du 05 septembre 1895, ‘par mesure d’éloignement’ afin de tuer dans l’œuf le Mouridisme naissant ; quand on se souvient que le transfèrement du Cheikh de Thièyene à Diourbel fut décidé par l’administration coloniale ‘par mesure politique pour contrer sa popularité et son influence grandissante’ ; et que l’on se rende compte, qu’aujourd’hui, – alors même que la colonisation a pris fin depuis plus d’un demi siècle, – l’héritage du Cheikh vient de passer des mains de la génération de ses propres fils à celle de ses petits-fils, sans heurts dans la succession, ni déperdition dans le contenu ; on ne peut que s’émerveiller encore une fois, à l’occasion de ce centenaire, devant le triomphe de ce ‘Jihadiste’ solitaire, sans troupes ni armements, face aux représentants de l’une des plus grandes puissances politico-militaires de l’époque : la France coloniale.

La victoire du Pacifisme de Sëriñ Tuubaa apparait totale et son efficacité historique encore une fois illustrée, si bien que, cette coïncidence, clin d’œil de l’Histoire, ne peut que susciter un émerveillement de la part de toute personne qui s’intéresse à l’œuvre de Borom Tuubaa.

Mais quand on décide, après avoir pris acte du caractère symbolique de cette coïncidence, d’aller plus loin que l’émerveillement ponctuel, – en s’intéressant, dans une entreprise de recherche et d’analyse, aux causes exotériques comme ésotériques du retour à Njaareem , – on découvre au moins deux aspects inhérents à cette étape qui font d’elle un moment exceptionnel dans l’itinéraire du Serviteur du Prophète : le premier est son rôle prépondérant dans le parachèvement de l’édification du Mouridisme et le second étant sa signification mystique telle que le Cheikh l’a suggérée dans sa célèbre déclaration communément désigné par les deux mots arabes ‘râmû massîrî ’ avant de l’expliciter dans une typologie qui nous renseigne sur les différentes étapes de son ascension spirituelle.

Il s’agit, dans les lignes qui suivent, de mettre en exergue ces deux aspects en montrant comment l’étape de Diourbel fut le tremplin socio-historique depuis lequel l’édifice du Mouridisme fut parachevé par son fondateur en personne avant d’être mis sur les rails de la pérennisation par le premier Khalife, Serigne Moustapha Mbacké ; mais aussi de rappeler cette signification ésotérique de l’étape de Diourbel dans l’ascension spirituelle du Cheikh telle que lui-même nous l’a enseignée.

Cette dimension ésotérique, sans laquelle on ne saurait prendre toute la mesure du panache avec lequel le Cheikh a triomphé de l’administration coloniale sur tous les plans, confère à cette coïncidence dans les dates une aura mystique aux yeux de tout musulman qui garde à l’esprit l’immanence de la Volonté divine en toute chose aussi infime soit-elle.

En effet si la Puissance du Très Haut est la qualité qui Lui permet l’existentiation ou la résorption de tout ce qui est possible, c’est bien par Sa Volonté, cet autre attribut dont Il a l’exclusivité, que s’opère la détermination des possibles existants. Autrement dit, c’est la Volonté divine, comme nous le rappelle le Cheikh lui-même dans ‘Les Dons du Très Saint … ’ qui attribue à toute créature son existence, sa mesure existentielle, son aspect, son époque, son lieu ainsi que sa direction de localisation par opposition, aux contraires, respectivement, de chacune de ces six catégories. C’est dire qu’en réalité, il n’y a de coïncidence en dehors de la Volonté divine.

C’est dans cette perspective d’approfondissement que je me fais le devoir, en ma qualité de mouride, d’inscrire la présente contribution, dont la publication à une dizaine de jours du Magal, est faite à dessein dans l’espoir de susciter d’autres réactions dans le cadre des nombreux débats, émissions de télévision, articles de presse qui marquent depuis quelques années les préparatifs du 18 safar.

Bien entendu, le but ultime étant, outre celui strictement religieux de ‘barkeelu ‘ de ma part, d’encourager des échanges fructueux sur les enseignements du Cheikh dont l’utilité est manifeste dans le contexte socio-politique dans lequel notre pays s’agite et s’interroge en ce moment comme rarement il lui est arrivé de le faire dans son histoire.

Diourbel : l’étape du parachèvement

Une mise en pratique populaire de l’éthique mouride du travail par La conquête des Terres Neuves.

L’étape de Diourbel dura 15 ans, de 1912 à 1927. Elle a donc été la plus longue période que le Serviteur du Prophète ait eu à passer dans un lieu de résidence sans interruption depuis la fondation du Mouridisme vers 1883. Ultime étape de son existence terrestre, elle lui a permis de consolider et de parachever son œuvre par de multiples actes concrets qui ont fini par faire du Mouridisme ce qu’il est et, surtout, ce qu’il doit rester ad vitam aeternam quant à sa quintessence et ses structures fondamentales.

Un des thèmes autour desquels s’est structurée l’œuvre de Boroom Tuubaa est celui du travail considéré comme partie intégrante du culte que l’homme doit rendre à son Seigneur dont il est le vicaire sur cette Terre. Dans cette optique, Diourbel fut le quartier général à partir duquel le Serviteur du Prophète mit en pratique, à une échelle démographique beaucoup plus grande qu’auparavant, ce que d’aucuns appelleront la doctrine économique mouride , à travers un vaste mouvement dit de ‘La conquête des Terre Neuves.’ Celui-ci, marqué par la fondation d’une multitude de dara dont certaines évolueront pour devenir des villages mourides, fut une parfaite illustration du début d’un élan vers la pérennisation du Mouridisme.

Pour s’en convaincre, examinons d’abord les faits de façon objective tels qu’ils ont été décrits par Paul Pélissier (1966), en essayant de trouver des réponses aux questions suivantes : quand, où, comment et dans quelles conditions la conquête des terres neuves a-t-elle été menée ?

La participation du Mouridisme dans la conquête des Terres Neuves s’est déroulée en deux phases. La première a véritablement commencé en 1907, alors que le Cheikh était en résidence surveillée à Thiéyène. Elle prendra un nouvel essor dès 1912 et se poursuivra jusqu’en 1927, année de la disparition du Cheikh. La seconde sera donc dirigée par son premier khalife de 1932 à 1945. Seule la description de la première phase sera rapportée dans le cadre de cette contribution en guise d’illustration. Pour aller vite tout en restant objectif, j’ai choisi de privilégier une série de citations directes de Pélissier essentiellement, auteur sans aucuns liens affectifs connus avec le Mouridisme. Le lecteur intéressé lira avec intérêt, David8 (1980) et Copans (1988)

Selon Pélissier : ‘…..la première période de la colonisation mouride semble s’être déroulée en marge de toute initiative administrative directe, sous la seule responsabilité des chefs religieux et avec les seuls moyens dont ils disposent.’

Cette première phase eut pour cadre géographique, de manière quasi exclusive, le berceau même du Mouridisme. En effet, comme l’écrit Pélissier, ‘c’est en particulier dans l’ancienne province du Là, autour de Mbacké et de Touba, que le fils ainé d’Ahmadou Bamba, Mamadou Moustapha crée, entre 1914 et 1927, une véritable nébuleuse de villages nouveaux, tandis que le frère préféré du Khalife, Ibra Fati, défriche et peuple un peu plus au nord, à partir de Mbacké-Cayor, puis de Darou Mousty qu’il a fondé en 1912, les forêts séparant naguère le Cayor du Baol.’

En ce qui concerne, de façon plus précise, la localisation géographique du phénomène, elle semble ‘pouvoir être fixée schématiquement dans deux zones privilégiées : d’une part sur les confins orientaux du Cayor et dans la partie centrale du Baol, au nord de Diourbel ; d’autre part, le long de la voie ferrée de Diourbel à Guinguinéo et à Kafrine’. (A suivre)

Mourtala MBOUP,

Consultant international, Genève, Suisse

Dipl. Postgrade en Etudes du Développement

Dipl. Postgrade en Management et Analyse des Politiques Publiques

Licence en Sciences de l’Education

Ancien professeur de Mathématiques (CAE-CEM) à Dakar

Mot à mot ; ‘ Ils ont sollicité mon déplacement vers Diourbel…) Voir plus loin pour le sens

2 Dans le calendrier hégirien, il s’agit du 103 ème anniversaire

3 L’autre nom de Diourbel. J’alterne les deux dans le texte

4 Ici, le mot signifie un acte pieux accompli dans le sillage d’un homme de DIEU en vue d’impétrer des bienfaits

5 Pour plus de détails sur ma conception de cette éthique voir les pages 50 à 60 de mon livre ‘ Les Sénégalais d’Italie. Emigrés, agents du changement social ’ L’HARMATTN, Paris, 2000

6 Wade A. (1967) : ‘ La doctrine économique mouride ’. In Annalis africans. Ed. Pedoire. Paris

7 Pélissier P. (1966) Les paysans du Sénégal : les civilisations agraires du Cayor à la Casamance. Santyneux – Vienne

8 David P. Les navétanes. Histoire des migrants saisonniers de l’arachide en Sénégambie des origines à nos jours. NEA, Dakar-Abidjan

9 Copans J.(1988) Les marabouts de l’arachides. L’Harmattan, Paris

2 Commentaires

  1. Si vous n’êtes guère prêt à faire ce qu’il faut pour que votre vie change ou s’améliore et bien elle ne changera jamais. Et attendre d’être prêt est un piège dans lequel beaucoup de personne s’enferme qui en réalité cache une peur du changement. Pourquoi subir la Peur de Prise de Parole en Public, le Stress, le Manque de Confiance en soi….Quand la solution existe ?
    Séminaire sur le Développement Personnel / Renseignements : [email protected]

  2. Si vous n’êtes guère prêt à faire ce qu’il faut pour que votre vie change ou s’améliore et bien elle ne changera jamais. Et attendre d’être prêt est un piège dans lequel beaucoup de personne s’enferme qui en réalité cache une peur du changement. Pourquoi subir la Peur de Prise de Parole en Public, le Stress, le Manque de Confiance en soi….Quand la solution existe ?
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