Quand l’allégorie politique reprend du poil de la bête au Sénégal. (Par Nfally Diédhiou)

Date:

L’actualité politique au Sénégal nous rappelle tristement les mises en garde de George Orwell dans La Ferme des Animaux et 1984.

À l’image des fables de La fontaine, Orwell utilise des personnages archétypaux, des animaux qui interagissent dans une communauté et qui poussent le lecteur à s’interroger sur la question du pouvoir, des inégalités, de la trahison et de la perversion du système.

Au début de la révolution, tous les animaux rêvent d’une société égalitaire dans laquelle ils confient des pouvoirs à un individu. Puis les années passent, puis ils s’aperçoivent que cette notion d’égalité est en train de s’effondrer.

« Tous les maux de notre vie sont dus à l’Homme, notre tyran. Débarrassons-nous de l’Homme, et nôtre sera le produit de notre travail. C’est presque du jour au lendemain que nous pourrions devenir libres et riches. » La Ferme des Animaux.

Guorgui est parti, arrive le Macky!

Le roman débute avec une histoire de révolte des animaux contre les humains avec à leur tête les cochons. Après plusieurs rebondissements, un autre cochon, Napoléon, va prendre le pouvoir. Il élimine de façon brutale les opposants et les cochons ont de plus en plus de privilèges. « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que les autres. »  

Finalement, les cochons se mettent sur deux pattes et dirigent les autres animaux au fouet. Quatre pattes bien! Deux pattes mieux!  À la fin de l’histoire, les cochons sont devenus des hommes. Ils confisquent le pouvoir et instaurent un pouvoir totalitaire.

Plusieurs années plus tard, ce roman séduit encore aujourd’hui. Et le contexte socio-politique actuel au Sénégal n’y échappe pas.

Dans son deuxième roman intitulé 1984, Orwell dépeint une société totalitaire et paranoïaque dans laquelle les citoyens sont privés de liberté, surveillés et réprimés. Pour mieux les surveiller, des caméras de vidéosurveillance sont installées partout. Par conséquent, tout le monde devient suspect et chaque citoyen peut suivre et espionner son prochain. Les ennemis sont partout et invisibles, la surveillance policière est omniprésente. C’est la loi de l’omerta.

Le parallèle avec le gouvernement de Trump est tellement frappant au point de provoquer une rupture de stock du livre en 2016.

Les États-Unis n’étaient pas les seuls à connaître ce recule démocratique sous l’ère Trump. Le Sénégal, sous le régime de Macky Sall, traverse les moments les plus sombres de son histoire. Depuis son accession au pouvoir le 02 avril 2012, les détournements de deniers publics, le népotisme, les arrestations arbitraires d’opposants, de syndicalistes et les complots contre des opposants se multiplient. À l’image des cochons dans La Ferme des Animaux dirigés par Napoléon, Macky et ses proches ont détourné la révolution du peuple sénégalais de 2012 avec le départ d’Abdoulaye Wade, Mr. Jones (le propriétaire de la ferme).

« On eut dit qu’en quelque façon la ferme s’était enrichie sans rendre les animaux plus riches hormis, assurément les cochons et les chiens. »

À l’image de la richesse de la ferme, le Sénégal s’est enrichi avec la découverte du gaz et du pétrole. Mais, seuls le président et son frère Aliou Sall se sont enrichis sans rendre les Sénégalais plus riches.

Un premier faux pas politique et le début de l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques

Aux premières heures de son mandat, Macky Sall a mis en place la Cour de répression de l’enrichissement illicite. Cette cour avait pour mission de traquer les hommes politiques qui ont détourné des fonds publics au cours de leur mandat. Malheureusement, les Sénégalais se sont aperçus que cette CREI avait pour mission principale de discréditer et de punir un seul homme. Il s’agit de Karim Wade, fils du président sortant. Karim Wade était la première cible de Macky Sall puisqu’il lorgnait son fauteuil. Tous les autres politiciens incriminés n’ont pas été inquiétés puisqu’ils ont transhumé dans le parti du président et certains sont devenus ministres dans son gouvernement actuel. Quel doigt d’honneur au peuple!

C’est le début d’une justice à géométrie variable sous l’ère Macky Sall. À l’image de La Ferme des Animaux, « tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que les autres. »

Un deuxième faux pas politique dans l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques

Dans la nuit du 7 au 8 mars 2017, un deuxième opposant du nom de Khalifa Sall est placé en détention avec 5 de ses collaborateurs pour détournement de fonds publics, association de malfaiteurs, faux et usage de faux, blanchiment de capitaux et escroquerie de deniers publics. Il écopa de 5 ans de prison.

Le 24 février 2019, Macky Sall est réélu à la tête du Sénégal. Cependant, tout le monde savait que l’affaire Khalifa Sall était un complot destiné à écarter un concurrent direct à l’élection présidentielle.

Coup de théâtre; le 29 septembre 2019, Khalifa Sall est gracié par le président Macky Sall. Il est sorti de prison ruiné financièrement et sa carrière politique est derrière lui.

La crainte d’un troisième acte de complot destiné à écarter un autre concurrent

Depuis trois semaines, un tremblement de terre politique secoue le Sénégal. Comme par hasard, l’opposant le plus farouche de Macky Sall vient d’être accusé de viol par une jeune fille du nom d’Adji Sarr. Vu les incohérences de son récit et les zones d’ombres entourant cette affaire, la majorité des citoyens sénégalais redoute un deuxième complot politique visant à se débarrasser d’un adversaire coriace.

Depuis l’éclatement de cette affaire, la machine totalitaire de Napoléon et de Big Brother est mise en marche. La politique de la pensée unique et la chasse aux sorcières refont surface.  Les grands cadres, membres et sympathisants du PASTEF (le parti de Sonko) qui osent s’exprimer publiquement sont emprisonnés. Les femmes, les jeunes et les étudiants sont les plus touchés par cette vague d’arrestations arbitraires. Les marches sont interdites et les citoyens sont surveillés, espionnés et intimidés avec les moyens de l’état. La Division des Investigations Criminelles (DIC) est à l’image des Tonton Macoute de Duvalier, une police au service d’un homme et non du peuple.

Un pays divisé

Inutile d’aller au Sénégal pour comprendre comment cette affaire de mœurs a pu diviser ce pays. Un coup d’œil sur les réseaux sociaux permet de voir, de sentir et surtout de comprendre la suspicion des uns vis-à-vis des autres.

Depuis l’affaire Karim Wade et l’affaire Khalifa Sall, la majorité des Sénégalais ne font plus confiance à leur système judiciaire.  Comme dans un régime totalitaire, les membres du parti au pouvoir ont toujours raison. Par conséquent, même s’ils sont impliqués dans de flagrants délits et crimes, ils n’ont jamais été inquiétés et ne le seront probablement jamais tant et aussi longtemps que leur parti sera au pouvoir.  

Récemment, un député membre du parti au pouvoir a incité les membres de son ethnie à décapiter tous ceux qui veulent empêcher leur candidat, Macky Sall, à être réélu pour un troisième mandat, un appel au génocide qui nous rappelle tristement le génocide rwandais des hutus contre les tutsis.

Dans un pays où la justice est impartiale, ce député serait condamné à une lourde peine d’emprisonnement pour incitation à un génocide.

Un deuxième député a été pris en flagrant délit de blanchiment d’argent et de fabrication de faux billets par la gendarmerie. Il a été gracié par le président avant la fin de sa peine malgré la gravité des faits.

Un troisième député et vice-président de l’assemblée nationale et membre du parti au pouvoir a affirmé publiquement détenir des preuves sur des ministres du gouvernement impliqués dans du trafic de drogue et s’est dit prêt à répondre à une convocation du procureur. Hélas! Il n’a jamais été convoqué par ce dernier. Quand on poursuit des citoyens soupçonnés d’être impliqués dans du trafic de drogue sans preuve et qu’au même moment, on refuse de convoquer un homme politique qui demande à être entendu dans des dossiers similaires, cela s’apparente à une justice sélective de la part du procureur de la république.

L’accumulation des actes d’injustices

Aujourd’hui, la coupe de l’injustice est pleine et le complot contre Ousmane Sonko constitue l’arbre qui cache la forêt. En effet, même la gendarmerie ne croit plus à cette affaire de mœurs. C’est la raison pour laquelle, elle a été dessaisie du dossier par le procureur de la république. Pour alerter l’opinion publique sur une éventuelle falsification de preuves pour incriminer Ousmane Sonko, la gendarmerie a préféré publier le contenu du procès-verbal afin de couper l’herbe sous le pied des comploteurs.

D’aucuns demandent à Ousmane Sonko de se livrer à la justice s’il n’a rien à se reprocher. Malheureusement, je fais partie de ceux qui l’encouragent à récuser le magistrat en charge du dossier à cause de sa proximité avec le pouvoir de Macky Sall.

Tout citoyen a le droit de récuser un magistrat si les doutes sur son impartialité sont fondés.

Comment comprendre la révolte populaire en cours?

Comme je l’ai démontré, l’affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr est l’arbre qui cache la forêt, car le mal est plus profond. Tous ceux qui manifestent aujourd’hui ne sont pas tous des militants de Sonko. Ce sont des hommes, des jeunes et des femmes désespérés, assoiffés et épris de justice. Des hommes, des femmes et des jeunes dont la révolution a été confisquée par Napoléon et sa bande de cochons. Par conséquent, Sonko est perçu comme l’espoir, le sauveur du peuple dont la pirogue est sur le point de chavirer dans un océan infesté de requins.

L’épée de Damoclès

Ousmane Sonko et Alfred Dreyfus (Émile Zola)

L’affaire Dreyfus : « J’accuse… ! »

« J’accuse… ! » est le titre d’un article rédigé par Émile Zola au cours de l’affaire Dreyfus.

En 1894, Alfred Dreyfus, un officier français d’obédience judaïque est faussement accusé d’avoir livré des documents confidentiels à l’Allemagne et est condamné à vie.

Mais le procès a mis au grand jour les failles de l’accusation contre Alfred Dreyfus. Quelques mois plus tard, la révision de son cas (procès de Rennes en 1899, suivi de sa grâce immédiate, et de sa réhabilitation par la Cour de cassation en 1906).

Pourquoi ce parallèle Dreyfus – Sonko?

Jamais dans l’histoire politique sénégalaise un homme n’a été aussi diffamé que Sonko à cause de son origine ethnique et de sa foi.

– Après les « financements russes »
– Après les « financements par l’état islamique »
– Après la plainte pour « diffamation » portant sur les 94 milliards »
– Après la plainte fantoche de Franck Timis et tutti quanti, ….
– Après les « dizaines de millions de Tullow oil »
– Après les mallettes de Karim Wade et Yaya Diamé. etc.

– les « liens avec le MFDC »

Après le démantèlement de certaines bases rebelles au sud du pays, la presse nous apprend que l’armée détient des documents compromettants visant des cadres casamançais dont le lien avec le mouvement rebelle est clairement établi. À mon humble avis, il serait donc prévisible de s’attendre à une éventuelle campagne de diffamation, de fabrication et de falsification de preuves fictives visant Sonko dans le but de l’inculper et de le priver de ses droits civiques au cas où la plainte pour viol ne passe pas.

Dreyfus a été accusé à tort parce qu’il était juif et Sonko est toujours soupçonné de connivence avec la rébellion parce qu’il est diola.

Comment éviter le chaos dans ce climat de tension?

Le Sénégal est assis sur une bombe atomique. Seul Macky Sall détient le code. Sa dérive totalitaire plongera le pays dans un chaos regrettable dont il sera le seul et unique responsable.

Par conséquent, pour éviter un chaos dans le pays, il doit se comporter en gentleman et respecter scrupuleusement la constitution qui interdit un troisième mandat, respecter la séparation des pouvoirs et veiller au respect des droits des citoyens peu importe leur origine ethnique, leur appartenance religieuse et leur obédience politique, car les hommes passent et les institutions restent.

« Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende » (MT 13.9).

1 COMMENTAIRE

  1. J’avais bien dit ici qu’il n’y aura aucun chaos dans le pays car, après son forfait sur une jeune fille sans défense et sachant qu’il est enfoncé jusqu’au cou, Sonko Fusilleur faisait du bluff avec ses menaces enfantines ! Il savait que les forces de l’ordre et la justice sont encore plus déterminés que lui ! Résultat ? Il s’est déculotté à la dernière minute comme un minable vaurien. C’est la caractéristique typique des yolom guénio… avoir la gâchette facile les minettes de 20 ans et toujours demander aux autres de se battre à sa place. Un vrai connard…

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

CAN 2023

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE

Radioscopie d’un fléau social le «Tokk mouy dokh»… (Par Mor Talla Gaye)

Au Sénégal de Diomaye Faye, c’est le temps des...

Parrainages maffieux (par Kaccoor Bi)

Les passations de services au niveau des départements ministériels...