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Que les vainqueurs gouvernent, que les battus s’opposent

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Lettre ouverte au Président élu

Monsieur le Président, par la grâce de Dieu, le peuple sénégalais vient de vous porter à la magistrature suprême. Tous nos vœux de réussite vous accompagnent. Que le Seigneur, vous inspire et vous éclaire, pour que vous puissiez répondre aux aspirations du peuple.

J’ai été étonné, monsieur le Pré­sident, de voir vos partenaires exécuter une danse endiablée quand des tendances lourdes ont montré que votre victoire était assurée. Je me suis dit, au fond de moi, que le temps n’est pas à la liesse, mais plutôt à la prière et au recueillement tant notre pays a été abîmé par les tenants de l’Alter­nance. Je me suis demandé si ces compatriotes ont une claire conscience de l’étendue des tâches qui vous attendaient.
J’ose espérer monsieur le Président, que cette liesse ne traduit pas un sentiment exprimé par quelqu’un en 2000 : «Dieu merci, notre tour est arrivé, nos soucis financiers sont maintenant derrière nous.»

Monsieur le Président, le jour de votre prestation de serment, je vous invite à penser au moment de votre sortie car, inéluctablement, ce jour-là viendra. Je vous dis cela car selon moi, aucun de vos trois prédécesseurs  n’a eu une sortie véritablement honorable. Mon­sieur Senghor a certes volontairement quitté le pouvoir, mais son départ a été entaché par le fameux article 35 qui a consacré une dévolution peu démocratique du pouvoir. Monsieur Diouf, après une Présidence presque aussi longue que celle de son prédécesseur,  a voulu un autre septennat, ce qui s’est révélé être la candidature de trop.
Monsieur Wade, après avoir dé­libérément  violé la Constitution, a eu la sanction qu’il mérite. Faites en sorte, monsieur le Président, que le jour où vous devrez quitter le pouvoir, le peuple n’ait pas envie de traîner une marmite sur vos pas. Votre sortie sera une réussite si le peuple dit non pas : «Bon débarras et sans regret», mais plutôt : «Dommage qu’il ne puisse pas rester encore un peu plus.»

Monsieur le Président, le peuple place beaucoup d’espoir en vous. Faites en sorte que cet espoir ne soit pas déçu. Evitez de répéter l’erreur grossière commise par votre prédécesseur qui a consisté, dès son avènement,  à se préoccuper que de sa réélection. Pour ce faire, il a tenté de neutraliser tous ceux qu’il considérait comme des rivaux potentiels. Pour élargir sa base sociale, il a recyclé la plupart  de ses plus farouches ennemis d’hier. Sa réélection obtenue en 2007 dans des conditions douteuses pour certains, sa seule préoccupation a été d’organiser une succession dynastique, ce que le peuple sénégalais a refusé.
Monsieur le Président, vous avez aujourd’hui une base sociale suffisamment large, vous avez autour de vous toutes les compétences nécessaires pour diriger ce pays et lui faire faire des progrès à pas de géant. De grâce, ne soyez pas tenté de recycler les battus d’aujourd’hui. Qu’ils s’opposent, s’ils veulent continuer à faire de la politique. Pour une moralisation de la vie politique, pour une meilleure lisibilité du paysage politique, il est bon, monsieur le Président, que les vainqueurs gouvernent, et que les vaincus s’opposent.

Notre pays a souffert, depuis son accession à l’indépendance, de l’action de prédateurs qui n’ont eu pour seul souci que d’accumuler, encore accumuler, toujours accumuler. La politique est perçue comme le moyen le plus rapide pour s’enrichir. Les douze ans de l’Alternance ont vu ce phénomène s’accentuer de façon inquiétante. Des individus qui n’avaient même pas le prix du billet de car rapide, se sont enrichis à force de détournements et de prévarications.
Je voudrais vous suggérer monsieur le Président,  pour le choix de vos futurs collaborateurs, de vous inspirer de ce sultan dont nous parle Voltaire dans son conte Zadig. Ce souverain avait l’habitude, quand il devait choisir des collaborateurs, d’organiser un test. Il consistait à organiser un bal. Toutes les personnes invitées à cette fête,  devaient emprunter un corridor où étaient entreposés des objets de très grande valeur. Quand commençait le bal, très peu d’invités étaient capables de danser d’un pas alerte, le buste droit.

Tous ceux qui n’avaient pas pu résister à la tentation de se remplir les poches, étaient purement et simplement éliminés, parce qu’ils n’avaient pas les mains nettes. Faites en sorte que vos compatriotes aient le culte du respect des deniers publics.

Travaillez monsieur le Président, pour que tout effort soit équitablement rétribué, mais que personne n’ait plus  que ce qui lui est dû.
Je ne vous apprends rien, monsieur le Président, en vous disant que le pouvoir grise celui qui l’exerce, et attire les foules comme le miel attire les mouches. Vous verrez bientôt converger vers vous toutes sortes d’individus. Je vous invite à prêter une oreille plus attentive à ceux qui critiquent qu’à ceux qui vous flattent.

Je termine mon propos en vous répétant les paroles d’une sage qui disait qu’un «roi» doit avoir deux conseillers : – son propre père, car un père digne ne flatte jamais son fils ; un homme de Dieu, car ce dernier méprise les biens matériels et n’est mû que par la crainte de son créateur.
Nos prières vous accompagnent, monsieur le Président.
Magaye SALL
Professeur de lettres à la retraite 
Quartier Diamaguène /Thiès

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