Conflits entre milices, terrorisme, divisions politiques : la Libye est plongée dans une crise profonde depuis la chute de l’ex-dictateur Mouammar Kadhafi en octobre 2011. Pour Abdusslam al-Busaïri, un coureur de marathon originaire du sud du pays, ce n’est pas une raison pour céder au désespoir. Depuis 2015, il n’a cessé de parcourir le pays en courant pour inciter ses concitoyens à se réconcilier. Et là où il passe, il suscite de l’enthousiasme.
Entre le 15 et le 20 août 2017, Abdusslam al-Busaïri a couru plus de 430 kilomètres en plein désert. Parti du village de Tijari, à la frontière avec le Niger, dans le sud-ouest de la Libye, il a rallié la ville de Sebha, capitale du Fezzan, en huit jours.
Sous des températures avoisinant les 40 degrés, il a donc couru en moyenne… 75 kilomètres par jour. Le tout avec un drapeau qu’il tenait constamment à bout de bras, sur lequel il est écrit : « Réconcilions-nous, échangeons une accolade ».
Abdusslam a participé à plusieurs courses, notamment le grand marathon du sud libyen où il a décroché la première place en 2007, et le marathon de Zentane en 2016 . Il est aujourd’hui sponsorisé par plusieurs entreprises telles que la compagnie de téléphonie mobile Libyana. Il a contacté la rédaction des observateurs de France 24 pour expliquer sa démarche.
« Je suis entré dans des villes où il y avait des affrontements et j’ai été très bien accueilli »
« Cet été, mon initiative a été très bien accueillie par la population. Dès que j’arrivais dans un village, tout le monde se précipitait pour me féliciter : le maire, les notables locaux, les représentants des clubs de foot, les associations. Ça faisait chaud au cœur !
C’est la sixième fois que j’effectue une telle course.
En 2015, j’avais couru 150 kilomètres entre Gragra, ma ville natale, et Sebha. L’enthousiasme des gens m’a poussé à poursuive sur cette lancée, et l’année suivante j’ai recommencé. J’ai couru cette fois 370 kilomètres à partir de Ras J’dir, à la frontière avec la Tunisie, jusqu’à Misrata, sur la cote méditerranéenne. Puis, j’ai couru depuis la frontière égyptienne jusqu’à la capitale Tripoli, plus de 1 000 kilomètres. »
« Les Libyens veulent la paix avec le monde »
« Je suis même entré dans des villes où il y avait des affrontements armés. En février 2016, j’étais passé par deux villages qui se livraient bataille près de la ville de Zaouia [nord-est]. Et j’avais été chaleureusement accueilli et félicité des deux côtés.
En mars 2017, j’ai pu entrer dans la ville de Derna où les combats faisaient pourtant rage [l’Armée nationale libyenne (ANL), conduite par le général Khalifa Haftar, imposait un siège à la ville pour tenter de la reprendre aux combattants du Conseil de la choura, une coalition des milices qui contrôlaient la ville, ndlr], et j’y ai été accueilli par des associations locales et des habitants qui ont même organisé une cérémonie en mon honneur, en dépit du contexte difficile.
Malgré l’image du pays renvoyée par les médias, je suis convaincu que les Libyens ont soif de paix. Certes, le pays est en crise, mais le citoyen ordinaire n’aspire à rien d’autre que de mener une vie tranquille, comme tous les peuples du monde. »
« Dès que j’aurai terminé ma tournée en Libye, j’irai en Europe. Et de là, je courrai jusqu’en Russie avec mon drapeau de la paix. J’espère y être pour la coupe du monde de football en 2018 pour y faire entendre mon message : que les Libyens veulent la paix avec le monde. »