L’homme a été interpellé mercredi soir. Il est suspecté de tentative d’assassinat.
Sa cavale a duré un peu plus de 48 heures. Après avoir grièvement blessé un photographe au siège du journal Libération, tiré plusieurs coups de feu dans le quartier de la Défense, et pris en otage un automobiliste entre Nanterre et les Champs-Elysées, lundi 18 novembre, Abdelhakim Dekhar a été arrêté mercredi soir, dans un parking de Bois-Colombes (Hauts-de-Seine). Francetv info fait le point sur ce qu’on sait de lui.
Condamné en 1998 pour association de malfaiteurs
Dekhar est loin d’être inconnu des services de police. Le 4 octobre 1994, deux étudiants proches de l’ultragauche – Audry Maupin, 22 ans, et Florence Rey, 19 ans – se lancent dans une opération suicidaire. Après avoir braqué la préfourrière de Pantin, gardée par des policiers, le duo s’enfuit en prenant un taxi en otage. Place de la Nation, le chauffeur de taxi décide de provoquer un accident avec un véhicule de police. Maupin l’abat aussitôt, tue deux policiers, et repart avec une autre voiture vers Vincennes. Dans la course-poursuite qui s’engage, Audry Maupin tue un troisième policier, avant d’être lui-même abattu.
Le 30 septembre 1998, Florence Rey est condamnée à vingt ans de réclusion criminelle. Mais elle n’est pas la seule accusée dans le box. A ses côtés, Abdelhakim Dekhar, surnommé « Toumi », apparaît comme le « troisième homme ». A 33 ans, il est condamné à quatre ans de prison ferme pour association de malfaiteurs, après avoir été reconnu coupable d’avoir acheté un fusil à pompe en juillet 1994 et de l’avoir fourni à Audry Maupin et Florence Rey. Il est libéré dans la foulée, sa peine étant couverte par la détention provisoire.
Un profil insaisissable à « tendance affabulatoire »
Né le 24 septembre 1965 à Algrange (Moselle), un village à 30 km au nord de Metz, Dekhar se rapproche des milieux autonomes au début des années 1990, au moment de la guerre du Golfe. Pas réputé pour être un véritable leader, il est photographié en 1992 à la sortie d’un squat du nord-est parisien « avec des éléments violents », raconte le commissaire Bruno Laffargue, des Renseignements généraux, au cours de son procès. Dans un portrait que lui consacre L’Humanité en 1998, la journaliste Elisabeth Fleury assure que « dans le milieu des autonomes, Toumi se mouvait comme un poisson dans l’eau. Il en connaissait tous les sympathisants. Et tous le connaissaient. » Abdelhakim Dekhar masque néanmoins sa véritable identité, n’a ni numéro de téléphone, ni véritable ami… « Partout et nulle part, il cultivait son propre mystère derrière d’épaisses lunettes carrées. »
Arrêté deux semaines après la fusillade de la place de la Nation, « Toumi » assure être un indic de la Sécurité militaire algérienne chargé « par le consulat d’Aubervilliers d’infiltrer les milieux islamistes et autonomes de banlieue ». Une version qu’il n’a jamais été capable de prouver. A l’époque, une expertise psychologique pointe des « tendances affabulatoires ». « Tous ceux qui l’ont approché vous diront que c’est un garçon qui est une savonnette, qui vous glisse entre les doigts, qui est un beau parleur« , se souvient Pierre Valero, l’un des enquêteurs à l’époque, dans un numéro de « Faites entrer l’accusé » diffusé en 2003. « C’est un homme insaisissable, énigmatique, étrange », acquiesce aujourd’hui son avocate dans les années 1990, Emmanuelle Hauser-Phelizon.
En Angleterre depuis plusieurs années
Placé en détention provisoire dès 1994, Dekhar a purgé sa peine avant d’être condamné. Qu’est-il devenu après sa libération en octobre 1998 ? D’après l’ami qui l’a dénoncé à la police mercredi, il aurait passé plusieurs années à Londres. Cet ami aurait fait sa connaissance il y a treize ans dans un restaurant de la capitale britannique, dans lequel il travaillait. Selon son témoignage, Dekhar serait revenu en France à plusieurs reprises, pour de courtes périodes. La dernière remontait à juillet 2013. Dekhar aurait alors demandé à cet ami de l’héberger pour un mois de vacances, mais il ne serait finalement pas retourné en Angleterre.
Des motivations confuses
Reste à savoir pourquoi Abdelhakim Dekhar a visé BFMTV, Libération et la Société générale. Selon le procureur de Paris, deux lettres ont été retrouvées par les enquêteurs. Dekhar s’en prend violemment aux journalistes. Dans ses écrits, le tireur présumé évoque un « complot fasciste », « le capitalisme », « la gestion des banlieues » et accuse les médias de participer à la « manipulation des masses ».
Selon BFMTV, il parlerait également de la situation en Syrie, en Libye, et plus généralement la situation actuelle dans le monde arabe. Des propos qualifiés de « charabia » par une source proche du dossier, et citée par la chaîne.
Source: Francetv.info