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Qui voudrait parler «économie» avec Macky Sall ? par Madiambal Diagne

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Le Président Macky Sall a adressé une supplique à toute la classe politique pour demander d’occuper le débat public par des discussions portant sur l’état de l’économie sénégalaise. Le chef de l’Etat songerait à changer les paradigmes du débat politique au Sénégal pour que les acteurs ne s’échinent plus à entretenir des débats stériles pour ne pas dire politiciens.

Le constat est unanime, au Sénégal on parle de tout sauf de l’économie. Les acteurs publics se plaisent à relever que dans les journaux, les radios et les télévisions du pays, on met l’accent systématiquement sur des sujets politiques ou sportifs et pratiquement jamais sur les sujets économiques. A son corps défendant, la presse peut répondre à de telles critiques en relevant : «Diantre qui est intéressé par les débats économiques ?» Notre expérience d’éditeur renseigne à suffisance que les sujets de prédilection des Sénégalais tiennent plus aux débats politiques et sociaux ou sportifs qu’aux questions purement économiques. Quel est véritablement le sort des publications à caractère économique au Sénégal ? Tous les journaux spécialisés en économie font systématiquement long feu et n’importe quel éditeur peut montrer, chiffres à l’appui, que la titraille sur des questions économiques révèle les plus mauvaises ventes. Et puisqu’il faut naturellement chercher à survivre, le choix est vite fait.
Pour en revenir à l’invite du Président Sall, on peut observer que sa préoccupation peut paraître légitime. En effet, depuis son accession au pouvoir, le Président Sall a pu réaliser sur le plan économique des résultats qui peuvent constituer de réelles prouesses. Il suffit simplement de comparer les données macroéconomiques du Sénégal entre le 2 avril 2012, date de sa prise de fonction, et celles de 2015 pour se convaincre que Macky Sall devrait être à l’aise dans un débat économique. Les chiffres de la Banque centrale, du Fmi et de la Banque mondiale, toutes institutions internationales que nul ne pourrait soupçonner d’un parti pris quelconque en faveur de Macky Sall, parlent d’eux-mêmes. On constate par exemple que la situation économique du Sénégal au 2 avril 2012 témoignait d’une dégradation de tous les indicateurs macroéconomiques. Ainsi, le taux de croissance du Produit intérieur brut (Pib) de l’année 2011 était de 1,7% alors que le taux de croissance démographique était de 2,8%. A l’analyse, pris individuellement, chaque Sénégalais a vu ses revenus baisser. Dans le même temps, le déficit budgétaire était arrêté par tous les partenaires financiers à 6,7% alors que la norme communautaire fixée par l’Uemoa est de 5%. Le taux d’inflation était à 3,4%, ce qui restait supérieur à la norme de 3% fixée par l’Uemoa. En outre, l’encours de la dette publique qui était de 1 022,7 milliards de francs Cfa en 2006 était passé à 2 741 milliards au 31 mars 2012 et le service de la dette était insoutenable, car engloutissant 44% de nos recettes fiscales. Les tensions de trésorerie étaient réelles et caractérisées notamment par des arriérés de paiement de la dette intérieure avec 150 milliards dues aux entreprises. La position nette du gouvernement au niveau de la banque centrale était caractérisée par un excédent de dette de 166 milliards de francs. Il faut ajouter à tout cela des comportements traduisant un certain «gangstérisme budgétaire», avec des dépassements budgétaires de plus de 170 milliards de francs. Une telle situation avait failli compromettre les relations entre le Sénégal et les institutions de Bretton Woods. Qui ne se souvient pas de tout cela ? Abdoulaye Wade savait si bien dire quand il affirmait haut que la situation était telle que son successeur, au bout de trois mois, ne pourrait plus payer les salaires des fonctionnaires. Le Sénégal vient de loin.
En 2015, la croissance économique projetée est de 5,4% et les résultats du premier semestre attestent d’une tendance lourde d’atteinte de tels objectifs. Déjà en 2014, la croissance était de 4,7% contre 3,6% en 2013 et 4,4% en 2012 au moment où le taux de croissance démographique est tombé à 2,5%. En d’autres termes, pris individuellement, chaque Sénégalais s’est enrichi. La perspective semble favorable et les projections indiquent une croissance du Pib de plus de 7% à l’horizon 2018. Dans le même temps, le déficit budgétaire rapporté à la richesse nationale tend à être maîtrisé avec un déficit prévu de 4,5% en 2015, contre 5,1% en 2014, 5,5% en 2013 et 5,8% en 2012. Quid du taux d’inflation ? Il est tombé à -1,1% en 2014 contre 0,7% en 2013 et 1,4% en 2012. Une idée reçue voudrait que l’argent ne circule plus dans le pays, mais les chiffres des institutions internationales disent le contraire. La banque centrale révèle une croissance de la circulation fiduciaire de plus de 65 milliards de francs en 2014 et cela, «malgré les mesures prises par les autorités monétaires pour renforcer la bancarisation». Globalement, la circulation fiduciaire était de 588,1 milliards en 2010 contre 584,6 milliards en 2011 et 619,9 milliards en 2013 et 685,1 milliards en 2014. Dans le secteur de l’électricité, le temps annuel de coupure est passé de 588 heures en 2010 à 915 en 2011 pour se stabiliser à 25 heures au 31 mai 2014. Peut-être que la situation s’est plus ou moins dégradée. Allez savoir. Et puis, tout le monde s’accorde sur le fait qu’il y a maintenant moins de scandales économiques et financiers.
Sur un autre registre, on constatera qu’au mois de juin de chaque année, les Sénégalais vivaient avec une certaine peur au ventre. Le débat ne porte plus sur les inondations, car des ouvrages de drainage des eaux pluviales ont été réalisés dans de nombreuses localités depuis 2012; cela à la faveur de la conception et de la mise en œuvre d’un programme décennal de lutte contre les inondations. Aussi, les préoccupations du monde rural ne sont plus la hantise des intrants agricoles. La question des semences et autres intrants agricoles n’est plus aussi accrue dans le monde rural. Le budget du ministère de l’Agriculture est passé de 42 milliards en 2011 à 70 milliards en 2015. Mieux, un de mes oncles, Ousmane Diop du village de Mbagame dans le Walo, qui doit tout aux casiers rizicoles, se demandait si nous autres de Dakar, on a bien conscience des réalisations de Macky Sall dans la vallée du fleuve Sénégal, avec les milliers d’hectares de terres rizicoles aménagées. Nous autres de Peckesse, de Mbellacadio ou de Ngayène Sabakh, qui n’avons pas attendu la soixantaine passée pour découvrir que les populations rurales mangent encore de la bouillie de mil avec du tamarin, nous pouvons aisément mesurer l’impact de la politique des bourses familiales. Les attentes sont encore et encore plus fortes et les réalisations perfectibles, mais force est de dire qu’il y a pour le camp de Macky Sall matière à donner dans des débats économiques. Seulement, au lieu de défendre un tel bilan dont ils ne devraient pas avoir honte, ce sont les partisans de Macky Sall qui suscitent et entretiennent des débats futiles, liés à qui va rester au gouvernement, qui sera candidat à la prochaine Présidentielle ou quel nombre de députés faudrait-il pour constituer un groupe parlementaire et je ne sais quoi encore.

Madiambal Diagne
[email protected]
lequotidien.sn

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