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Rapport du parquet de Thies sur le double meurtre de Medinatoul Salam: L’affaire Cheikh Béthio Thioune, de A à Z

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Quatre jours après l’inculpation et le placement sous mandat de dépôt de Cheikh Béthio Thioune et Cie à la maison d’arrêt et de correction de Thiès par le Doyen des juges du tribunal régional de Thiès, Abdoulaye Assane Thioune, le substitut du procureur de Thiès, Cheikhna Anne, a été désigné pour faire un rapport sur l’affaire par sa hiérarchie. Dans un document intitulé «Note sur l’affaire ministère public contre Béthio Thioune et consorts» en date du 30 avril 2012, il explique au Procureur général près la Cour d’appel de Dakar d’alors, Youssoupha Mbodji, les différentes péripéties du double meurtre de Médinatoul Salam. L’Observateur a pu consulter cette «note», qui retrace l’affaire du double meurtre de Médinatoul Salam, de A à Z.
Un rapport détaillé sur l’affaire du double meurtre de Médinatoul Salam a été adressé au Procureur général près la Cour d’appel d’alors, Youssoupha Mbodji, quelques jours après l’incarcération du guide des «thiantacounes» et de ses coaccusés. Un document intitulé «Note sur l’affaire ministère public contre Béthio Thioune et consorts» en date du 30 avril 2012, rédigé par le substitut du procureur de Thiès, Cheikhna Anne. Ce rapport explique dans les moindres détails, tout ce qui a été fait en termes d’enquête, ainsi que toutes les déclarations tenues par Béthio Thioune, ses coaccusés et les témoins oculaires de ce drame. L’Observateur qui a pu consulter ce document, vous replonge dans cette scabreuse affaire.

DIMANCHE 22 AVRIL 2012. Un peu après 19 heures, les éléments de la Brigade territoriale de Mbour reçoivent un appel téléphonique de Cheikh Faye, chambellan de Cheikh Béthio Thioune. Il informe les hommes en bleu qu’une bagarre a éclaté entre des disciples du guide des «thiantacounes» au village de Médinatoul Salam, communément appelé Keur Samba Laobé dans le département de Mbour.
Les gendarmes se rendent automatiquement sur les lieux et constatent à la devanture de la concession de Cheikh Béthio Thioune «d’importantes traces de sang sur le sol, mais également une chemise tachetée de sang et étalée par terre. A l’intérieur de la maison, des traces étaient aussi visibles. Les enquêteurs avaient également constaté du sang sur un véhicule appartenant au propriétaire des lieux (Cheikh Béthio Thioune) et conduit par Mamadou Hanne dit Pape», note le rapport du substitut du procureur, Cheikhna Anne.
Interpellé sur la présence de sang dans le véhicule, le chauffeur soutient qu’il en ignore la provenance. Quant à Cheikh Béthio Thioune, il déclare, selon le rapport, «avoir été informé d’une bagarre qui avait opposé Bara Sow et ses compagnons à ses disciples et que les premiers nommés étaient repartis».

Des crottins pour masquer la fosse commune

LUNDI 23 AVRIL 2012. En faisant son jogging matinal, un retraité (nous avons choisi de zapper son nom pour le protéger) constate des traces de sang suspectes sur son circuit de sport matinal. Il appelle automatiquement les éléments de la Brigade territoriale de Mbour. Les gendarmes se rendent dare-dare sur les lieux et constatent «des traînées de gouttes de sang longeant la piste située derrière le domicile de Cheikh Béthio Thioune jusqu’à l’intérieur d’un bâtiment en construction où d’autres traces de sang étaient nettement visibles».
L’escadron territorial est appelé à la rescousse et le secteur est bouclé. Le ratissage du périmètre suspect permet de constater la présence de crottins masquant un retournement de terre. «La fouille minutieuse de l’espace concerné avec l’aide de pelles, a permis la découverte de deux corps sans vie, superposés et croisés, enterrés dans une fosse commune avec des traces de violence occasionnée par des armes contondantes, tranchantes et à feu. Les corps se sont révélés être ceux de Bara Sow et d’Ababacar Diagne», écrit le Substitut du procureur, Cheikhna Anne, dans son rapport.
Après cette découverte, les gendarmes retournent au domicile de Cheikh Béthio Thioune où ils découvrent à nouveau «des traces de sang sur un pick-up de marque Ford immatriculé DK-2559-AN et sur le flanc droit du 4X4 Hummer immatriculé DK-9210-AF appartenant à celui-ci, avant de procéder à leur saisie.
Des opérations de détections chimiques de traces de sang opérées sur les deux véhicules de Béthio Thioune se sont révélées positives. Le Centre d’analyse et de recherche moléculaire (Cdrm) de Dakar a ainsi été saisi pour un examen biologique afin de déterminer l’origine sanguine des traces détectées. Les résultats ne sont pas encore disponibles.
Forts de ces éléments, les gendarmes, renforcés par des éléments du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (Gign) encagoulés, procèdent à l’arrestation de Cheikh Béthio Thioune et de quelques-uns de ses disciples, soupçonnés d’avoir participé à ce double meurtre. Ils sont conduits sous bonne escorte à la Brigade de recherches de Thiès pour les besoin de l’enquête. Les corps sont acheminés à la morgue de l’hôpital Aristide Le Dantec de Dakar. Une autopsie est ordonnée par le Procureur de la République de Thiès, Ibrahima Ndoye.

La boîte crânienne de Bara Sow réduite en bouillie

RESULTATS DES AUTOPSIES – Le certificat de genre de mort de Bara Sow, établi par le professeur Victor Mendes du pavillon Bichat de l’hôpital Aristide Le Dantec, fait état de «plaies contuses au niveau frontal et occipital (…), de fractures de tous les os de la boîte crânienne, avec hématomes sous cutané et hémorragie (…) dues à des coups et blessures avec un objet tranchant, dur et contondant».
Quant à celui d’Ababacar Diagne, établi par le même médecin, il fait état d’une «plaie contuse (…) au frontal droit (…), de fracture de la boîte crânienne (…), de volumineux hématomes sous cutanés du cuir chevelu (…), de plaies pulmonaires (…)». Le médecin a ainsi conclu à «une mort à la suite de coups et blessures par arme à feu et objets durs et contondants».

AUDITION DES TEMOINS OCULAIRES- Au cours de l’enquête préliminaire, les gendarmes ont auditionné les témoins oculaires (dont nous taisons les noms pour leur sécurité). Ils ont unanimement déclaré que «le 22 avril, vers 19 heures, en compagnie des deux victimes (Bara Sow et Ababacar Diagne), ils se sont rendus à Médinatoul Salam pour effectuer la «ziarra» auprès de leur guide, Cheikh Béthio Thioune. Arrivés sur les lieux, deux d’entre eux se sont détachés du groupe pour aller aviser les responsables du protocole qu’ils souhaitaient être reçus par Cheikh Béthio Thioune. Quelques minutes après, un groupe de talibés, armés de gourdins, de coupe-coupe, de pelles et d’un fusil, s’attaquent à eux et séquestrent Bara Sow, qu’ils malmènent sauvagement à coups de gourdins de coupe-coupe avant de le jeter à la porte». Selon toujours les témoins, «quand ils sont sortis de la maison, ils sont poursuivis par les assaillants. Le nommé Khadim Seck a pris un fusil pour tirer quatre coups qui ont atteint Ababacar Diagne au niveau du thorax et des cotes. Ce dernier a crié fort, en disant : Serigne Béthio Dieureudieuf, avant de tomber à terre». Ils expliquent également que les nommés Pape Malaka, chou, Mademba, Oumar Sow, Balla Diop, Pape Ndiaye Tracteur, Khadim Seck, Pape Mal, Demba Kébé, Cheikh Berobé, Souhaïbou Dièye, Aliou dit Lindo et Cheikh Faye, font partie de leurs agresseurs.

VERSION DE CHEIKH BETHIO A L’ENQUETE PRELIMINAIRE- Interrogé par les gendarmes lors de l’enquête préliminaire, Cheikh Béthio Thioune soutient qu’il n’était pas au courant de la mort de Bara Sow et Ababacar Diagne et déclare avoir été informé par son chambellan, Cheikh Faye, des échauffourées survenues à son domicile entre ses disciples et le groupe dirigé par Bara Sow. Il n’a entendu aucun coup de feu, dit-il, ajoutant n’avoir jamais été au courant de la réaction violente de ses talibés. Il soutient qu’il a juste donné un «ndigueul» et non un ordre à ses talibés de ne pas admettre Bara Sow à son domicile. Toujours lors de l’enquête préliminaire, Cheikh Béthio Thioune a déclaré qu’après les échauffourées, il est sorti «pour faire un tour dans le village avec Cheikh Faye et le chauffeur Samba Ngom». Il est revenu sur ses déclarations, selon le rapport du substitut du procureur de Thiès, pour citer Saliou Ndour comme étant le chauffeur qui était au volant du véhicule lors de sa sortie.

L’arme du crime devait être planquée à Touba

Face aux gendarmes, Cheikh Béthio a également déclaré qu’il possède deux armes (un pistolet et un fusil de chasse) avec des autorisations administratives. Il les a confiés à Serigne Saliou Barro et à Samba Ngom, dit-il, dans sa déposition. Samba Ngom est ainsi arrêté par les éléments de la Brigade de gendarmerie de Touba et conduit à Thiès. Il est trouvé sur lui un fusil de chasse de calibre 12 mm numéro 49795. Auditionné, il a fait savoir que l’arme n’est pas celle qui a été utilisée à Médinatoul Salam. Il a révélé que l’arme du crime a été remise à Aly Diouf, chargé de la remettre à Serigne Saliou Barro. Ce dernier doit l’acheminer à Touba.
Les gendarmes se rendent immédiatement à Médinatoul Salam et après une perquisition, découvrent une arme de calibre 12/7 numéro 567540, cachée dans un vaste espace clôturé appartenant à Cheikh Béthio Thioune, sous un tas de briques, non loin du domicile d’Aly Diouf, distant du domicile du guide des «thiantacounes» de 300 mètres. Aly est arrêté. Il reconnaît avoir participé aux échauffourées et aidé Khadim Seck à dissimuler l’arme.

DENEGATIONS ET AVEUX – Les nommés Cheikh Faye, Mamadou Hanne, Alassane Ndiaye, Samba Ngom, Demba Kébé, Aziz Mbacké Ndour et Pape Ndiaye, nient toute implication dans les faits, tandis que les nommés Mame Balla Diouf, Aliou Diallo, Mamadou Guèye, Al Demba Diallo, Momar Talla Diop, Mouhamed Sène et Adama Sow, avouent. Ils reconnaissent avoir participé à la bagarre avec leurs gourdins, car Cheikh Béthio Thioune leur a demandé de ne pas laisser Bara Sow accéder à son domicile. Ils avouent avoir caché les corps des victimes dans un bâtiment en construction avant de les transporter à bord d’une charrette conduite par Moussa Dièye pour les enterrer dans une fosse commune à huit cents (800) mètres de la résidence du guide des «thiantacounes».

VOLTE-FACE DE CHEIKH BETHIO THIOUNE – Le 25 avril 2012, le guide des «thiantacounes» subit son dernier interrogatoire. Lui qui avait soutenu n’avoir jamais été informé de la mort de Bara Sow et d’Ababacar Diagne, revient totalement sur ses déclarations. Il reconnaît avoir été informé de la présence de Bara Sow et de ses compagnons dans sa concession par Cheikh Faye, mais aussi de la mort de celui-ci et d’une autre personne juste après les échauffourées. Il ajoute n’avoir pas informé les éléments de la gendarmerie, qui s’étaient rendus chez lui, de la mort des deux «thiantacounes» car il «croyait n’être pas obligé de le faire et que les gendarmes pourraient avoir les informations (d’eux-mêmes)». Interrogé sur les raisons de sa sortie juste après les faits, il soutient qu’il «voulait se défouler pour refouler la tension, compte tenu de cette situation». Il précise qu’il est sorti de sa maison après l’enterrement des victimes, rejetant la responsabilité sur Cheikh Faye, à qui il avait demandé, dit-il, de ramener les corps. Ce qui n’a pas été fait, soit par peur, soit parce que son chambellan n’avait pas répercuté son «ndigueul», commente Béthio.

Les conclusions des enquêteurs qui ont perdu Cheikh Béthio et Cie

CONCLUSIONS DES ENQUETEURS – Selon le rapport du substitut du procureur de Thiès, «il ressort des éléments de l’enquête, notamment des déclarations des mis en cause, Mame Balla Diouf, Aliou Diallo, Mamadou Guèye, Al Demba Diallo, Momar Talla Diop, Ablaye Diouf, Mouhamed Sène et Adama Sow et de ses propres aveux, que Béthio Thioune, qui avait vivement instruit ses disciples de ne plus admettre Bara Sow à Médinatoul Salam, était sorti de sa maison à bord de son véhicule Hummer immatriculé DK-9210-AF, suivi d’un Pick-up de marque Ford immatriculé DK-2559-AN, sur lesquels des traces de sang avaient été retrouvées juste après avoir été informé de la mort des victimes».

Il ressort également de la procédure, selon le substitut, Cheikhna Anne, que «Cheikh Béthio avait passé sous silence la mort de Bara Sow et d’Ababacar Diagne et leur enterrement «dans une fosse commune». Ce, malgré la présence d’éléments de la gendarmerie dans sa concession».

«Les éléments de l’enquête ont également révélé que le fusil de calibre 12/7 utilisé par Serigne Khadim Seck lors des échauffourées pour atteindre mortellement Ababacar Diagne, lui a été remis par son guide Cheikh Béthio Thioune, qui déclare tout au long de l’enquête, détenir des autorisations administratives pour ses armes, sans être en mesure de les présenter aux enquêteurs», note le substitut Anne.

C’est pourquoi, Cheikh Béthio Thioune, Abdoulaye Diouf, Serigne Khadim Seck, Mamadou Hanne, Alassane Ndiaye, Samba Ngom, Mame Balla Diouf, Demba Kébé, Mamadou Guèye, Aziz Mbacké Ndour, Pape Ndiaye, Moussa Dièye, Aliou Diallo, Al Demba Diallo, Momar Talla Diop, Samba Fall, Mouhamed Sène, Adama Sow, Cheikh Faye, Aly Diouf et Serigne Saliou Barro, ont été déférés au parquet. Ils ont été confiés au juge d’instruction du premier cabinet de Thiès, Abdoulaye Assane Thioune, qui les a inculpés pour association de malfaiteurs, recel de cadavres et infraction aux lois sur les inhumations, meurtre et complicité de meurtre avec acte de barbarie, non dénonciation de crime et détention d’arme sans autorisation administrative préalable. Ils sont présentement sous mandat de dépôt à la maison d’arrêt et de correction de Thiès.

DAOUDA MINE ET
OUSSEYNOU MASSERIGNE GUEYE
SOURCE LOBSERVATEUR

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