Le classement du Sénégal selon l’indice de développement humain suscite actuellement débats et interrogations après la publication du rapport sur le développement humain 2015 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
« Tous les indicateurs ne sont pas disponibles pour tous les pays. Les comparaisons transnationales doivent donc être abordées avec prudence » lit-on dans ce rapport.
Les comparaisons transnationales, les classements internationaux peuvent masquer en effet les progrès réels d’un pays comme le Sénégal, résolument engagé dans la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE).
Comme le souligne Fernand Braudel, « le chiffre n’est que l’indice très pauvre du réel».
La controverse relative à la notion même de développement persiste. Malgré les progrès réalisés, le « bon » indice de développement reste hélas ou heureusement une vue de l’esprit.
Il n’en demeure pas moins que des enseignements utiles et éclairants peuvent être tirés après la dernière publication des indices de développement humain.
Les approches du développement
Le concept de développement fait l’objet de diverses approches renvoyant dans l’ensemble aux écoles de pensée anglo-saxonne, francophone, institutionnaliste, celle de François Perroux et celle d’organisations internationales comme le PNUD et la Banque Mondiale, partenaires au développement du Sénégal.
L’école anglo-saxonne met l’accent sur les problèmes concernant les équilibres entre courte période et longue période, les équilibres entre les principaux agrégats de l’économie nationale comme la croissance, l’inflation, le solde de la balance commerciale et celui de la balance des paiements, le chômage, le solde budgétaire, la dette. En ce sens, l’approche de cette école est principalement quantitative, ce qui a pour conséquence de réduire l’étude du développement à l’étude du revenu, de son évolution et de sa répartition : produit intérieur brut (PIB), revenu national brut (RNB), produit national brut (PNB). De la sorte, elle confond croissance et développement. Partant de là, certains auteurs considèrent que le développement peut se réduire à l’examen du PIB par habitant, du PNB par habitant.
L’aspect multidimensionnel du développement n’est pas nié mais les auteurs de l’école anglo-saxonne considèrent que l’examen du revenu par tête reste encore le meilleur moyen d’appréhender l’ensemble des dimensions du développement.
Le Fonds Monétaire Internationale (FMI), autre partenaire au développent du Sénégal, appartient à l’école anglo-saxonne.
L’analyse de l’école francophone est un peu différente. Tout en reconnaissant le caractère fondamental de la croissance économique, elle met davantage l’accent sur l’étude qualitative des phénomènes qui concourent au développement avec prise en compte de préoccupations sociologiques, philosophiques et économiques. A l’opposé des auteurs francophones, les anglo-saxons privilégient l’étude de l’individu avec comme arrière-pensée le fait que la société correspond à la seule somme des individus.
Selon François Perroux, théoricien d’une approche du développement centrée sur l’homme, le développement par l’homme et pour l’homme, « le développement est la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître, cumulativement et durablement son produit réel global ».
L’approche institutionnaliste montre que ce sont les institutions, règles formelles et informelles, qui déterminent les performances des économies nationales. Les théories du développement et de la croissance convergent aujourd’hui vers l’approche institutionnaliste.
Le PNUD et la Banque Mondiale s’inspirent quant à elles de l’approche multidimensionnelle, plus large que celle des anglo-saxons. Ces institutions internationales privilégient une stratégie fondée sur la satisfaction des besoins fondamentaux, la réduction de la pauvreté et des inégalités, les questions politiques, sociétales et environnementales d’où la création par le PNUD de l’indice de développement humain (IDH), outil de mesure des dimensions du développement.
Il convient de remarquer qu’il peut exister une croissance sans émergence ni développement comme au Brésil dans les années 1950-1970, aux Philippines entre 1965 et 1986.
Il s’agit là d’expériences qui devraient être utiles au Sénégal dans la mise en œuvre du PSE.
L’approche du Plan Sénégal Emergent
Le Plan Sénégal Emergent (PSE), modèle de développement économique et social depuis 2014, s’inspire de l’approche multidimensionnelle du développement tout en mettant l’accent sur l’accélération de la croissance, un des principaux agrégats économiques ciblés par l’école anglo-saxonne.
Le PSE adopte une approche mixte : une partie de l’approche anglo-saxonne et surtout celle du PNUD.
En effet, le PSE vise l’émergence, étape préalable au développement, avec un taux de 7-8% au minimum de croissance du PIB réel dans «une société solidaire et un Etat de droit ».
Ainsi, le PSE «met l’accent sur la création de richesses et d’emplois, le renforcement de la gouvernance, le développement des secteurs stratégiques ayant des impacts significatifs sur l’amélioration du bien-être des populations particulièrement à travers la protection des groupes vulnérables et la garantie de l’accès aux services essentiels ».
Utilité des outils de mesure du développement
Pour en revenir à l’IDH et aux autres outils de mesure du développement, disons que leur utilité se situe essentiellement au niveau de la mise en place de la politique économique et du classement des pays.
La politique économique a intérêt, pour son efficience et son efficacité, à s’inspirer des enseignements fournis par les trajectoires du développement obtenues à partir de ces outils.
Le classement des pays constitue un enjeu géostratégique, politique, économique et financier : acceptation ou exclusion de nations lors de certaines réunions, comme le sommet du G8 ; répartition des pouvoirs au sein d’une organisation internationale d’où l’explication de la direction du FMI et de la Banque Mondiale par un ressortissant d’un pays disposant du revenu parmi les plus élevés au monde; répartition de l’aide internationale, comme avec l’initiative PPTE (pays pauvres et très endettés) ; évolution de la côte d’un pays auprès des bailleurs de fonds, des investisseurs, des agences de notation.
Depuis 2014, après deux ans environ de mise en œuvre, le PSE a produit des effets, des résultats, sources enseignements dont certains peuvent être tirés après la publication du rapport sur le développement humain 2015 par le PNUD.
Principaux enseignements
– Le rapport sur le développement humain 2015 confirme que le Sénégal est bien sur la bonne voie de la réduction de la pauvreté au vu des données positives relatives à l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) qui mesure les divers aspects de la pauvreté : revenu, conditions de vie ou d’existence, potentialités ou capacités. Voir ma contribution du 05 novembre 2015 titrée « Le Sénégal, un pays sur la bonne voie de la réduction de la pauvreté ».
En effet, le PNUD dans son rapport sur le développement humain 2015 soutient que l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) est de 0,278 après l’enquête démographique et sanitaires (EDS) en 2014 contre 0,390 suite à l’EDS en 2010/2011 et 0,436 après l’EDS de 2005.
Ainsi, entre 2010/2011 et 2014, on a un différentiel d’indice de pauvreté multidimensionnelle égal à -0,112, synonyme de réduction de la pauvreté en 2014, première année de mise en œuvre du PSE. Par rapport à l’EDS 2010/2011, il apparaît un différentiel près de 3 fois supérieur à celui réalisé par l’ancien régime libéral en 2010/2011 comparativement à l’indice de pauvreté multidimensionnelle de 2005.
Ces résultats reflètent les réalisations de Son Excellence Monsieur le Président de la République Macky Sall: logements sociaux au Pôle urbain de Diamniadio, amélioration de l’accès à l’eau, à l’énergie, à la santé, à l’assainissement, projet d’urgence de développement communautaire (PUDC) confié au PNUD avec la mobilisation par l’Etat de 113 milliards de FCFA sur la période 2015-2017, création d’emplois, amélioration du pouvoir d’achat avec la baisse de la fiscalité sur les salaires couplée avec la faiblesse du taux d’inflation, atteinte en 2015 de l’OMD-1 visant la réduction de moitié du nombre de personnes victimes de la faim, par rapport à l’année de référence 1994.
– La valeur de l’IDH du Sénégal est en baisse : 0,466 en 2014 contre 0,485 en 2013.
Le Sénégal passe de la place 163 en 2013 à la place 170 en 2014 dans le classement selon l’IDH, au lieu de 118 à 170 comme l’ont écrit des sites de presse.
L’explication semble être liée notamment à la croissance peu inclusive du Sénégal, aux insuffisances du cadre institutionnel insuffisamment favorable à un développement humain soutenu, aux difficultés dans l’exécution des politiques publiques à fort impact sur le développement humain, entre autres.
Pourtant, au Sénégal, le revenu national brut (RNB) par habitant en dollar international de parité de pouvoir d’achat (PPA) progresse en 2014 selon le World Development Indicators du mois d’octobre 2015 du FMI : 2130 en 2011 ; 2180 en 2012 ; 2220 en 2013 ; 2270 en 2014.
Le RNB/habitant a ainsi augmenté de 140 dollars de PPA en 2014 comparativement à 2011.
Pour rappel, le RNB par habitant est la composante « revenu » de l’IDH formé aussi de la composante « santé » avec l’espérance de vie à la naissance et de la composante « éducation » avec la durée moyenne de scolarisation et la durée attendue de scolarisation.
La santé et l’éducation ont enregistré d’importantes réalisations : couverture maladie universelle (CMU), soins gratuits pour les enfants de 0-5 ans et les personnes âgées, hémodialyse et césarienne gratuits, création d’hôpitaux et de centres de santé, construction d’écoles et recrutement d’enseignants et d’autres investissements massifs dans l’éducation et la santé.
Soulignons que le RNB par habitant aurait encore plus augmenté avec un impact conséquent sur la valeur de l’IDH si la croissance sénégalaise était plus inclusive.
Une inflexion de la politique de croissance au Sénégal est donc une priorité absolue.
– Le profil actuel de la politique budgétaire du Sénégal semble avoir une incidence limitée sur le développement humain. Des réformes sont recommandées dans le secteur de l’énergie et dans les dépenses courantes et les dépenses en capital aux fins d’assurer une croissance beaucoup plus rapide et soutenue. L’Etat pourra alors dégager plus d’épargne publique pour financer les priorités du PSE et moins recourir aux financements extérieurs. Néanmoins, le plus sûr moyen de progresser l’épargne publique est de promouvoir la croissance inclusive car croissance inclusive et épargne se renforcent mutuellement : une croissance inclusive forte engendre une épargne forte qui à son tour mène à une croissance inclusive forte.
Rappelons la nécessité d’intégrer davantage les facteurs institutionnels et qualitatifs dans la gestion opérationnelle du PSE : instauration d’un cadre institutionnel favorable au développement humain, rôle accru de l’Etat pour une économie mixte, soutenabilité politique et sociale des réformes.
Ces facteurs déterminent fondamentalement les succès escomptés du PSE.
– Valeur de l’IDH ajusté aux inégalités : 0,305 en 2014 contre 0,326 en 2013 soit une baisse de -0,021, synonyme d’impact négatif des inégalités sur le développement humain.
Il y a donc des efforts à faire encore pour une meilleure répartition des fruits de la croissance, dans la lutte contre les inégalités de revenu, de conditions de vie en particulier.
– Indice de développement de genre : 0,883 en 2014 contre 0,864 en 2013 soit une progression de l’indice de 0,019 traduisant une baisse de l’écart entre hommes et femmes.
– Indice d’inégalité de genre : 0,528 en 2014 contre 0,537 en 2013 soit une baisse de l’indice de -0,009 indiquant moins d’inégalité entre les hommes et les femmes.
Ces indices de genre, favorables, illustrent les acquis enregistrés depuis l’arrivée au pouvoir de Son Excellence Monsieur le Président de la République Macky Sall à savoir la modification du code de nationalité sénégalaise autorisant la femme sénégalaise à transmettre la nationalité sénégalaise á ses enfants, la parité effective dans les assemblées.
Autre résultat : le code de la famille autoriserait la femme sénégalaise à être chef de famille.
– L’essentiel se trouve dans la pertinence de la trajectoire suivie aux fins d’atteindre l’émergence économique avec un développement humain conséquent. Cette trajectoire est bien spécifiée dans le PSE.
Dr Omar NDIAYE
Économiste
Convergence des Cadres Républicains / CCR-France
Coordonnateur Adjoint de la section APR de Tours
Email : [email protected]
merci, Mr N’Diaye pour cet article fort instructif, mais le Sénégalais ne sait plus dire: sa seule source de référence reste les boites à image où des politiciens démagogues déversent leur contre_ vérités.
merci, Mr N’Diaye pour cet article fort instructif, mais le Sénégalais ne sait plus lire: sa seule source de référence reste les boites à image où des politiciens démagogues déversent leur contre_ vérités.
Les chiffres sont une vue d’esprit mais la réalité et les faits sont têtus, le pays va de plus en plus mal et dans ce cas de figure nous « peuple » vivons notre pauvreté tout les jours! Alors quittais votre belle France et venais faire un tour dans notre enfer sénégalais avant de l’ouvrir! Mais comme c’est dans l’air du temps APR, les contributions pro Macky pleuvront et le peuple pleurera!!!