La diplomatie de « proximité » menée tambours battants à l’endroit des pays voisins du Sénégal et notamment de la Gambie est-elle en train de dégarnir « Atika », la branche armée du Mouvement des forces démocratiques (Mfdc) ? Paie-t-elle plutôt le fait de s’être alliée, du moins certains membres de ses factions, à Ndour Thiam, cet officier supérieur gambien accusé d’avoir tenté un coup d’Etat contre le président Jammeh ?. Renvoyant donc l’ascenseur en fournissant gages de bonne volonté au Sénégal, ou continuant sa purge contre ses putschistes, Banjul a mis aux arrêts plusieurs éléments dudit mouvement. De sources généralement bien informées, une trentaine d’entre eux seraient encore détenus dans les geôles gambiennes. A l’exception notoire cependant de la faction de Salif Sadio, le Mfdc semble persona non grata désormais en Gambie.
« Atika », la branche armée du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) se trouve entre deux feux. Traquée sur le territoire nationale où l’armée nationale a décidé de ne plus lui laisser un seul pouce de terrain où il pourrait commettre ses forfaits depuis des mois déjà et s’attelle par conséquent à démanteler ses bases partout, elle trinque également en Gambie voisine où ses éléments croupissent en prison. La Guinée-Bissau confrontée aux narcotrafiquants et à une instabilité institutionnelle et militaire chronique ne semble plus être une destination sure pour irrédentistes casamançais. Ceci depuis même la mutinerie de feu le général Ansoumané Mané en 1998-99.
On en sait par ailleurs un peu plus sur les cinq éléments se réclamant de la branche armée du Mfdc ou supposés appartenir à celle-ci, libérés récemment des geôles gambiennes. Refoulés au Sénégal après leur élargissement, ils semblent avoir été « diplomatiquement vendus » aux autorités sénégalaises qui se sont empressés de les mettre hors d’état de nuire depuis. Ils se trouveraient logés aux frais du contribuable sénégalais à la maison d’arrêt de Rebeus en attendant d’être jugés certainement, à moins qu’ils ne servent de moyens de pression pour un assouplissement des positions d’Atika et du Mfdc dans les négociations de paix avec le gouvernement du Sénégal que tout le monde appelle de ses vœux. Auquel cas, ils pourraient être libérés sans jugement, selon la requête des camarades Jean François Biagui et de Daniel Diatta qui réclament à cor et à cri leur élargissement. « l’Etat du Sénégal y gagnerait beaucoup, quand il nous aura aidé à retrouver nos frères de guerre qui viennent d’être libérés par le pouvoir gambien », clament-ils.
La bande à Mamadou Teuw Sambou, Pape Tamsir Badji, Ansoumana Diédhiou et compagnie avait fait l’objet d’une condamnation judiciaire pour chacun des membres pour avoir certainement violé les lois gambiennes, apprend-on de sources généralement bien informées. Elle, (la bande) avait fini de purger sa peine et était ainsi libérée et « expulsée » du territoire gambien. On a certainement vendu la mèche aux forces de sécurité sénégalaises qui dès leur entrée dans le territoire nationale les ont appréhendés.
Mais si Mamadou Teuw, pas l’ancien défenseur de l’équipe nationale de football du Sénégal, coéquipier de Demba Ramata Ndiaye et de Jules François Bocandé à l’équipe fanion de la région, le Casasport et chez les Lions du foot, mais bien Mamadou Teuw Sambou dont le Mfdc exige la libération et celle de ses compagnons d’infortune à l’Etat du Sénégal, serait gardé à Rebeus à Dakar, Abdoulaye Diedhiou ainsi qu’une vingtaine d’autres éléments supposés appartenir au Mfdc sont encore détentions à Banjul. Ceux-là ne seraient même pas encore jugés, renseigne-t-on depuis la capitale gambienne. Abdoulaye Diédhiou, héritier déclaré de Sidi Badji, qui s’est autoproclamé à la mort de celui-ci, le chef du front nord du Mfdc et plusieurs de ses « camarades » détenu en Gambie sont soupçonnés d’avoir flirté avec les « putschistes du colonel Ndour Thiam que l’on continue à loger au Sénégal, on ne sait pour quelle raison, à Banjul.
Gages ou purge ?
Me Madické Niang, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères avait inauguré son ère par une diplomatie que sa cellule de communication a qualifiée de « proximité ». C’est ainsi qu’il se rendit dès sa prise de fonction dans les pays limitrophes en faisant la part belle à la Gambie notamment. Il faut dire que l’on observait une certaine tiédeur dans nos relations avec ce plus que voisin. Quelques allers-retours et deux séjours rapprochés du chef de l’Etat en personne en Gambie ont paru réchauffer les « liens séculaires d’amitié, de fraternité et de parenté » entre les deux pays. On a noté à Banjul depuis un certain zèle des autorités policières gambiennes à interpeller et à arrêter du rebelle casamançais ou supposé comme tels qui ont trouvé refuge en Gambie ou se sont simplement rendus dans ce pays pour une affaire quelconque. C’est ainsi que plusieurs d’entre eux ont été interpellés et détenus dans les prisons gambiennes. Certains ne sont pas encore jugés. C’est le cas d’Abdoulaye Diédhiou et une vingtaine d’autres éléments du Mfdc. S’agit-il là d’un témoignage de bonne volonté et d’un soutien « fraternel » à la résolution de la crise casamançaise en neutralisant les radicaux de la part des autorités gambiennes ? Pas si sur.
Il se trouve en effet, des sources au fait du dossier casamançais qui pensent que les arrestations d’éléments du Mfdc en Gambie procéderaient plutôt de la purge opérée par le président Jammeh à l’encontre de tous ceux et celles sur le territoire gambien qui sont soupçonnés d’attenter à son pouvoir ou travailleraient à saper son autorité. En ce qui concerne Abdoulaye Diedhiou et compagnie, ils seraient même accusés d’avoir travaillé dans le passé avec Ndour Thiam, l’officier supérieur que Banjul qualifie de félon. Toujours est-il qu’Atika trinque en Gambie, à l’exception notoire de la faction de Salif Sadio qui aurait encore droit de cité et libre circulation en terre gambienne. « La raison en est bien simple. Salif Sadio n’a jamais comploté contre Jammeh. Il lui obéit en tout. La preuve : il faut bien voir la main des hautes autorités gambiennes dans sa disponibilité même à négocier avec le gouvernement sénégalais ainsi qu’exprimer par son numéro 2, Ibrahima Sané sur les ondes, après l’appel au dialogue du Premier ministre lancé depuis Ziguinchor récemment », confie-t-on depuis la capitale de la région méridionale du Sénégal.
En laissant à Salif Sadio et à ses éléments une bonne marge de manœuvre tout en emprisonnant ou faisant barrage aux autres factions d’Atika, Jammeh n’en contrôle pas moins le mouvement et se donne également moyen de pression sur son puissant voisin.
sudonline.sn