La guerre Ukraine – Russie a révélé une fois de plus l’incohérence de notre politique d’autosuffisance alimentaire.
Plus de 60 ans après l’indépendance du Sénégal, l’une des céréales les plus consommées dans le pays, le blé, dépend entièrement de l’importation.
Les constats suivants peuvent être faits à partir de l’analyse des statistiques tirées de comtrade (https://comtrade.un.org/data).
1) Des importantes croissantes et une consommation per capita qui augmente
Entre 1996 et 2020, le Sénégal a importé en moyenne 396 461 tonnes de blé par an. Pendant cette même période l’importation de blé a quadruplé passant de
169 051 tonnes à 693 995 tonnes (Figure 1).
L’accroissement de la population est en partie la raison de cette augmentation de l’importation
Toutefois, on constate également que la consommation moyenne annuelle de blé par personne a augmenté de 56% entre 2002 et 2020 passant de 27 Kg à 42 Kg(
Figure 2). Cela montre clairement la transformation du régime alimentaire de la population et la place de plus en plus importante et stratégique qu’occupe cette
céréale importée dans la recherche de notre souveraineté alimentaire.
Une grande partie des importations (46 %) entre 2017 et 2019 provient de la Fédération de Russie. Ce taux est de 51 % en 2020.
En 2018, 71% du blé importé provient de la Fédération de Russie et de l’’Ukraine d’où une forte dépendance à ces deux pays en guerre.
2) Des coûts d’importations élevés et qui continuent de flamber
L’importation du blé a coûté en moyenne 109 456 251 USD (54 728 125 500 FCFA sur la base de 500 F CFA pour 1 USD ) par an entre 1996 à 2020 passant
de 54 215 920 USD à 191 875 619 USD (figure 3).
Devant la flambée du prix du blé dans le marché international qui frôle actuellement 440 euros la tonne avec une hausse de 70 % depuis le début de
l’année, le coût d’importation de cette céréale se rapproche inexorablement de celui du riz pesant une menace sérieuse sur notre sécurité alimentaire pour ne pas
dire notre sécurité tout court.
Au vu de ces constats, les propositions suivantes peuvent être faites pour réduire progressivement notre dépendance à l’importation du blé :
- Proposition 1 : Développer la filière blé au Sénégal à travers un
programme de développement de blé
Les recherches effectuées par L’ISRA en collaboration avec l’ICARDA ont
abouti à l’homologation de 8 variétés de blé.
Il est important de développer une filière blé au Sénégal, identifier les différents
acteurs au niveau de chacun des maillons de cette chaine et vulgariser les variétés
qui répondent au besoin des meuniers.
Pour booster le développement de cette filière, il sera important de créer un
programme de développement de blé rattaché à la Présidence / Primature qui
travaillera en étroite collaboration avec le Ministère de l’Agriculture et du
Développement Rural et celui du Développement Industriel et des Petites et Moyennes industries. Ce programme devrait capitaliser sur un audit des programmes, des projets sur le riz, de l’efficacité de leur mode opérationnel, de la structuration des organisations agricoles et de leur mode de gouvernance. Il devrait commencer par une opération pilote au Nord et au Sud du Sénégal et se poursuivra par une mise à l’échelle sur la base des résultats obtenus.
- Proposition 2 : Substitution des céréales et autres produits locaux au
blé
L’Institut Technologie Alimentaire (ITA) a obtenu des résultats significatifs sur
la combinaison du blé et de produits locaux (mil, maïs, manioc et niébé avec un
taux d’incorporation allant jusqu’à 15%) pour fabriquer un pain de bonne qualité
(du point de vue nutritionnel et gustatif ) afin de réduire les quantités de blé
importées.
Des taux d’incorporation plus importants avec le manioc donnent des résultats
prometteurs.
La vulgarisation de ces résultats à une grande échelle s’impose en mettant en place
des mesures incitatives pour faciliter leur adoption par les boulangers.