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Refuser de faire de l’armée un enjeu politicien (Par Souleymane Coly)

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Le tweet du leader du parti République des valeurs (RV), Thierno Alassane Sall, sur la nécessité d’éviter de jeter le discrédit sur l’Armée, a soulevé beaucoup de passion et de déchaînements sur les réseaux sociaux, mercredi. Il a écrit, en substance, que « l’honneur d’un officier n’est pas dans la désertion devant le péril, se terrer puis se répandre en rumeurs. L’honneur de tout serviteur de l’État est de dire non, là où il faut, sans faux-fuyants. Le discrédit de la seule institution encore debout, l’Armée, serait la ruine de notre Nation ». Il n’en fallait pas plus pour faire penser à beaucoup de Sénégalais que ces propos s’adresseraient à un capitaine de la gendarmerie nationale qui vient d’annoncer sa démission de l’institution militaire, en l’occurrence Oumar Touré. Les propos de Thierno Alassane Sall sont empreints de sagesse et constituent un rappel, fort opportun et pertinent, sur la nécessité de préserver nos institutions, en particulier celle qui nous vaut beaucoup de fierté et qui incarne l’unité nationale, surtout en ces périodes troubles, l’Armée. Au regard du contexte qui prévaut, certains se sont fait le malin plaisir de sortir ces propos de leur contexte et de les dévier du but qu’ils visaient, ceci à des fins inavouables. Ils les ont analysés sous un prisme purement politique, voire politicien. À tort.

Selon Émile Durheim, un État républicain implique neutralité, moralité et universalité. Il considère que les personnes qui servent l’État, en particulier les fonctionnaires, doivent faire preuve de ces qualités. Il justifie cela par le fait qu’ils participent de l’autorité morale de l’État et qu’ils ne sont pas au service d’intérêts particuliers, mais d’intérêts publics. Par conséquent, ils ont des devoirs particuliers qui leur incombent. Parmi ces devoirs, figure la discipline, c’est-à-dire la capacité de contrôler ses conduites, ses comportements, etc. Cela est davantage vrai lorsqu’il s’agit de l’institution militaire, en particulier des soldats qui l’incarnent. C’est ce qui a amené Michel Foucault, en parlant de la discipline militaire, de dire qu’elle est à la fois collective et individuelle. Par conséquent, aucun militaire ne devrait s’y soustraire.

Il est utile de rappeler que la gendarmerie est une institution militaire. Elle est réputée pour sa rigueur et sa discipline, lesquelles reposent, en partie, sur le principe hiérarchique d’obéissance aux ordres. Ce respect de la discipline contribue, pour beaucoup, à la stabilité de l’institution. Cela ne saurait en être autrement, car, le gendarme est formé pour obéir aux ordres en exécutant des missions de protection, de surveillance, d’intervention ou de police judiciaire. Dans la réalisation de ses missions, le gendarme est confronté à des situations nettes, claires et sans ambiguïtés sur la conduite à tenir. Comme tout fonctionnaire, il peut être aussi être en face de situations moins évidentes, frustrantes, voire dangereuses. Ce qui peut l’amener, comme tout élément de la société, à être habité par des interrogations, des doutes ou des frustrations. Pour autant, ses interrogations, ses doutes et ses frustrations ne doivent jamais l’amener à se départir de son statut de serviteur loyal de la République. Il ne doit jamais oublier que l’exercice de ses missions participe à la consolidation de la démocratie. Par conséquent, il doit éviter de poser tout acte qui pourrait affaiblir l’institution ou jeter en pâture celle-ci à l’opinion publique de manière à porter atteinte à sa crédibilité. C’est sous ce rapport qu’il convient de comprendre et de replacer les propos de Thierno Alassane Sall.

En effet, lorsqu’un fonctionnaire, de surcroît assujetti à la discipline militaire, s’épanche publiquement sur le fonds d’une affaire qu’il a connue dans l’exercice de ses fonctions, ceci dans un contexte de cristallisation de passions et d’émotions populaires, alors, il a failli doublement : il viole son devoir de réserve et il ne respecte pas son obligation de garder des secrets professionnels.

Dans une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux, le Capitaine Touré a pris la parole pour appeler les populations à reporter une manifestation de contestation prévue lundi dernier à la place de l’Obélisque et de la reprogrammer à vendredi prochain afin de lui permettre d’y prendre part. Plus grave, il s’est permis, dans sa première publication, d’exiger la démission du ministre de l’Intérieur, du ministre de la Justice et du Procureur de la République. Il viole, de ce fait, son devoir de réserve, c’est-à-dire l’interdiction, pour un militaire, d’exprimer publiquement ses opinions personnelles surtout lorsqu’elles sont corrélées à une cause aux relents politiques. Par ailleurs, en exposant sur la place publique, à travers plusieurs interviews accordées à la presse, des éléments d’une affaire qu’il a connue et traitée comme enquêteur, en sa qualité d’Officier de police judiciaire (OPJ), il s’est soustrait de son obligation de garder des secrets professionnels dont il était dépositaire dans l’exercice de ses fonctions.

Ces deux manquements sont gravissimes et constituent un précédent dangereux qui pourrait porter atteinte à la crédibilité des institutions et menacer la stabilité de la République. Ne pas le reconnaître, parce que les propos du Capitaine Touré apportent de l’eau à son moulin, c’est contribuer à l’affaissement des institutions dont personne n’a intérêt. Ni le président actuel, ni celui dont le nom sortira des urnes en 2024. C’est là où réside la portée et la puissance des propos de Thierno Alassane Sall. Pour une personne qui met la République et les valeurs qui la sous-tendent au centre des actions de redressement à entreprendre pour reconstruire le Sénégal, cela est cohérent et a du sens. Cela montre aussi qu’il a du courage et qu’il est capable d’assumer ses idées et ses positions. C’est à son honneur de refuser la langue de bois.

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