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Remboursement des frais de découverte de l’or de Sabodala : L’Etat crache sur 18 milliards

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Une société dans laquelle l’Etat est actionnaire avait permis de trouver et de certifier les quantités d’or qu’exploitent aujourd’hui la filiale de l’Australienne Mdl et Oromin. Pour cela, le dossier d’appel d’offres avait prévu que ces compagnies paient les coûts historiques à la Société minière de Sabodala. L’Etat du Sénégal ne semble pas pressé de réclamer ces montants. Par Mohamed GUEYE

Le gouvernement du Sénégal qui, par le biais de Global voice group, cherche à pressurer les opérateurs de téléphone de ce pays, ne semble toutefois pas pressé de récupérer un montant d’environ 18,5 milliards de francs Cfa, que lui doivent les sociétés qui exploitent de l’or au Sénégal, sur le site de Sabodala. Ce montant est l’équivalent des coûts histori­ques que les sociétés Mineral deposit limited (Mdl) et Oromin, attributaires du permis d’exploitation du site de Sabodala, devaient reverser à la Société minière de Sabodala (Sms), dans laquelle l’Etat détient des parts.
La Sms est une société d’économie mixte, de droit sénégalais dans laquelle l’Etat détient 49,4% des parts, les autres 50,6% revenant à la société américaine Newmont Mi­ning, qui a racheté les parts du Bu­reau de recherches géologiques et minières (Brgm français) en 1997. Il est à noter que Newmont Mining est l’une des premières entreprises mi­nières mondiales de par sa capitalisation boursière. Pourtant, les pouvoirs en place ont préféré mettre de côté ce partenaire stratégique lors de la relance de l’exploitation de l’or de Sabodala, pour retenir une entreprise minière d’Australie, qui n’offrait pour sa part, que 10% des ac­tions, à titre gracieux et obtenait en contrepartie les exonérations fiscales et douanières les plus larges possibles.

Un montant actualisé à 18,5 milliards de francs Cfa

La Sms écartée, les nouveaux attributaires devaient lui rembourser toutes les études réalisées sur le périmètre de Sabodala de 1983 à 2004 ayant abouti à la certification de 17 tonnes d’or exploitées aujourd’hui par Mdl. Comme l’a rappelé le Directeur général de la Sms, dans une correspondance adressée au président de la République, «le cahier des charges de l’appel d’offres prévoyait en son article 2.5.2.2, l’engagement à rembourser à l’Etat du Sénégal, les coûts historiques relatifs à chaque titre minier, dès l’octroi du titre et une rémunération des coûts historiques à un taux d’intérêt accordé par les candidats».
Les coûts historiques sont les études et frais engagés dans le cadre de l’exploration du site minier de Sabodala par la Sms, pour déterminer l’importance et la rentabilité du gisement. La compagnie semi-publique avait pu garantir avec précision l’existence d’un gisement de 17 tonnes d’or. L’actionnaire privé de la Sms, Newmont Mining ainsi qu’avant lui, le Brgm, considérait, depuis l’époque du régime de Abdou Diouf, à ce stade des recherches et au cours de l’or de l’époque, que les ré­serves certifiées n’étaient pas suffisantes pour asseoir une exploitation industrielle rentable car le cours de l’or était en chute libre et est passé de 400 $ l’once à 280 $ l’once entre 1990 et 2000. Newmont préconisait une relance des recherches afin de porter les réserves prouvées à 30 tonnes, qui étaient le seuil de rentabilité de l’époque pour un cours de l’or à 300 $. Pour des raisons diverses, selon les régimes, les autorités politiques avaient d’autres considérations et voulaient l’exploitation immédiate des 17 tonnes d’or sans tenir compte de la rentabilité économique du projet.
Quoi qu’il en soit, à cette étape de l’exploration, la Sms indiquait avoir dépensé au nominal, selon des chiffres certifiés en 2003, par le cabinet Ernest & Young, 2?021?510 609 francs Cfa, pour les frais de recherches et développement, auxquels s’ajoutent 773?324 404 francs Cfa, en frais d’établissement et charges. Ces montants devaient, bien sûr, être actualisés, et les deux repreneurs de la licence de Sms avaient proposé un taux de rémunération des coûts historiques de 6% pour Mdl et 3% pour Oromin. Les coûts historiques étaient supportés à 90% par Mdl qui bénéficiait d’un permis d’exploitation et héritait ainsi des réserves prouvées par la Sms et 10% par Oromin bénéficiaire d’un permis d’exploration. L’étude d’actualisation transmise à la direction des Mines et de la Géologie concluait à un montant actualisé et corrigé de 18,529 milliards de francs Cfa.

Une trop grande complaisance
Le Directeur général de la Sms, Guy Alain Preira, a envoyé plusieurs correspondances à toutes les autorités concernées, jusqu’au plus haut niveau, pour faire accélérer le paiement desdits coûts historiques. A un moment, le ministre des Mines lui a envoyé une mission de l’Inspection technique de son département, afin de permettre les modalités de remboursement des coûts historiques avec Mdl et Oromin. En octobre 2005, l’Inspection technique a conclu dans son rapport, que «la mission es­time que les coûts historiques at­tes­tés à dire d’experts sont de 2?851?101 612 francs Cfa, auxquels pourraient s’ajouter les prévisions de déficits de 2004?/2005 (64?000 000 francs Cfa) lorsqu’elles auront été comptabilisées et auditées». Cette évaluation ne tient malheureusement pas compte de la dévaluation du franc Cfa, ce qui entraîne un man­que à gagner de l’ordre de 15 mil­liards pour la Sms et l’Etat du Sénégal.
Mais, il semblerait que, dans l’affaire, les compagnies minières bé­né­ficient d’une grande complaisance de la part des pouvoirs publics qui rejettent le principe de l’actualisation et concèdent des délais de paiement anormalement longs pour des coûts qui étaient sensés être remboursés à la signature des con­ventions minières, sans que l’on sache pourquoi. Il faudrait tout simplement noter qu’à ce jour, seule la compagnie Oromin a payé environ 41,5 millions de francs Cfa en 2006 sur les montants qu’elle doit à la Sms. Oromin reste devoir plus de 291,5 millions si les chiffres de l’Ad­ministration sont retenus, ou 967,5 millions si ce sont les estimations de la Sms qui prévalent. Mdl n’a, à ce jour rien versé, et devrait donc, entre 3,422 milliards et 17,5 milliards selon que l’on retienne les estimations de la Sms ou des inspecteurs de la direction des Mines.
Bruno Delanoue, l’Administrateur et Directeur général de Sabodala gold opérations (Sgo), filiale sénégalaise de Mdl pour l’exploitation de l’or, estime pour sa part, que ce n’est pas à lui ni à sa compagnie de faire jouer la clause du contrat de concession sur le paiement des coûts historiques. Et aucune disposition légale quelconque ne l’oblige, selon ses termes, à «signer un chèque à une autre société», en l’occurrence, la Sms. Pour M. Delanoue, c’est aux autorités du Sénégal, à qui sa compagnie devra payer les droits historiques, de les réclamer, tel que cela est prévu dans les conventions qui lient les deux parties.
Pour lui, il ne s’agit pas d’une question d’argent, mais de principe. Il a indiqué que sa compagnie venait de verser environ 2 milliards de francs Cfa à l’Etat au titre de royalties, et qu’il ne refusait pas d’en payer plus, dans le cadre de ses obligations contractuelles. Néanmoins, indique-t-il, ce n’est pas vers sa compagnie que doit se tourner la Société minière de Sabodala, si elle veut recouvrer les frais de ses coûts historiques.
Le fait que Oromin a accepté à une époque, de verser plus de 41 mil­lions à la Sms n’ébranle pas pour autant Delanoue, qui répète n’être lié que par la convention qui lie sa compagnie à l’Etat du Sénégal. Pour­quoi donc, les autorités, qui sont à la recherche de toutes les ni­ches de profit, ne prennent-elles pas cet argent dont une partie revient au Trésor public, et qui ne demande qu’à sortir??

Les faramineux bénéfices de Mdl

Au cours actuel de l’or, à savoir 1 221 dollars l’once, Mdl réalise, rien que sur les 17 tonnes d’or prouvées par la Sms, un bénéfice de 522 millions de dollars, si l’on retient un coût de production maximum de 351 dollars de l’once, soit 286 mil­liards de francs Cfa. Mdl a déclaré publiquement que les réserves exploitées s’élèvent à 30 tonnes d’or, ce qui porte ses bénéfices prévisionnels à 921 millions de dollars américains soit 505 milliards de francs Cfa au cours actuel.
Pourquoi alors, les autorités font-elles montre de tant de complaisance au moment de recouvrer les droits que les Australiens ne rechignent pas à payer?? L’option de l’Etat, dans son idylle avec ses nouveaux partenaires, semble de mettre à l’écart tout ce qui pourrait contrarier ces derniers. En oubliant, en passant, que dans la Sms, les pouvoirs publics détiennent jusqu’à 49,4% des actions, et ont donc droit à une part appréciable des 18,529 milliards de francs Cfa investis pour mettre en évidence les premières réserves de 17 tonnes d’or de Sa­bo­dala. Et cela, ni le ministre des Mi­nes, ni le président de la République, ne peuvent faire comme si cela n’a jamais été.
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