Le président de la République Me Abdoulaye Wade a présidé l’audience solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux pour l’année judiciaire 2010-2011 hier mercredi 12 janvier à la Cour suprême. A cette occasion, Mme Aminata Fall Cissé, juge au Tribunal régional hors classe de Dakar prononçant le discours d’usage conformément au le thème : « Le principe de l’égale admissibilité aux emplois publics », a proposé l’adoption d’une « Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique » pour l’effectivité de l’égale admissibilité aux emplois publics.
« Permettez-moi de proposer l’adoption d’une charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique insistant spécialement sur l’égal accès aux emplois publics, et sur l’égalité de traitement dans le déroulement de la carrière et de la formation ». C’est Mme Aminata Fall Cissé, juge au Tribunal régional hors classe de Dakar qui a proposé une solution pour l’effectivité de l’égal accès des hommes, des femmes et des certaines défavorisées, notamment les personnes handicapées, aux emplois publics au Sénégal. La magistrate a fait la proposition dans le discours d’usage qu’elle a prononcé hier mercredi 12 janvier à la Cour suprême, lors de la rentrée solennelle des Cours et Tribunaux sous le thème : « Le principe de l’égale admissibilité aux emplois publics ».
Selon Me Aminata Fall Cissé, dans le recrutement aux emplois publics, seules les critères de capacités, de vertus et de talents des candidats doivent être pris en compte. « C’est l’avènement du concours, la voie démocratique à même de garantir à l’administration un recrutement de qualité fondé exclusivement sur le mérite ». Pour la magistrate, ce procédé valorise la spécialisation des compétences au sein de l’administration. Il présente des avantages en terme d’équité et permet d’assurer que les candidats sélectionnés soient assez représentatifs de la société.
Cependant, le législateur peut prévoir, en outre la voie de concours, d’autres modes de recrutement. Cette faculté ainsi offerte trouve sa justification dans le fait que le concours n’a pas de valeur constitutionnel. De même, le principe ne s’appliquant qu’aux citoyens placés dans une situation semblable, lorsqu’il existe des différences de situations entre les candidats aux emplois publics, le législateur peut prévoir des différences de traitement, car l’égalité ne se confond pas avec l’uniformité. Dès lors, l’exigence de l’égal accès à la fonction publique s’accommode ainsi de certaines discriminations compensatrices qui ont pour but de remédier aux effets de certains handicaps sociaux et de santé a-t-elle précisé.
A l’en croire, il découle alors que le « principe d’égale admissibilité aux emplois publics a une portée relative. En effet, les citoyens qui postulent aux emplois publics ne sont pas toujours dans une identité de situations. Parfois, ils sont placés dans des situations d’inégalité de fait, qui les empêchent de concourir dans les même conditions ».
Pour la publication des décrets d’application de la loi sur la parité et de la loi d’orientation sociale
C’est pourquoi, pour cerner le régime juridique de ce principe, il convient d’étudier d’une part son effectivité, et d’autre part les atténuations apportée au principe. Ces dernières s’articulent autour des atténuations dites classiques qui ont trait au pouvoir discrétionnaire reconnu aux autorités publiques pour la nomination à certains emplois supérieurs et au système des emplois réservés à certaines catégories de candidats et de celles qui sont promotrices du genre dans la société sénégalaise.
D’où la nécessité de publier les décrets d’application de la loi sur la parité absolue dans les fonctions électives et de la loi d’orientation sociale pour la promotion et la protection des droits des personnes handicapées stipulant que 15 % des emplois publics seront réservés à ces derniers, votées en 2010, pour permettre leur mise en oeuvre rapide a recommandé la magistrate, forte du constat que dans certaines catégories de fonctionnaires, telles que les personnes handicapées et les femmes, « ne sont pas assez bien représentées pour certains postes de responsabilités ».
Pour l’accès à certaines fonctions jusque-là réservées, Mme Aminata Fall Cissé a invité à « promouvoir une réflexion d’ensemble, qui permettra de réglementer toutes les questions de genre comme, par exemple, l’accès des femmes aux fonctions de commandement dans les corps militarisés. A cet égard, il convient de procéder à l’harmonisation de l’ensemble des textes constituant notre législation sur les Forces armées » a-t-elle conseillé avant de proposer une revue du corpus juridique montrant l’effectivité du principe d’égal accès aux emplois publics.
Mortalité maternelle, le non accès à l’école et à la santé, les inégalités majeures
Pour Me Alioune Badara Fall, le bâtonnier de l’ordre des avocats le principe d’égal admissibilité aux emplois publics entraîne deux problématiques. D’abord ce principe d’égalité se veut un régulateur social en ce qu’il prétend offrir les mêmes chances à tous les citoyens et ce, quelles que soient leur origine et leur condition. Ensuite, il s’applique au moins autant, en dépit de la suma divisio qui distingue l’homme de la femme et aussi malgré les désavantages auxquels peut nous soumettre le handicap. Selon lui « qui prône l’égalité, proscrit l’inégalité » qui n’est pas seulement cantonnée à l’accès aux emplois publics. Et la thématique est une invitation à une réflexion plus large sur la notion d’égalité.
Le bâtonnier a noté que dans notre pays de contrastes et de clivages que la solidarité ne parvient pas à combler, « cette inégalité est aussi celle qui condamne tant de mères à une mort précoce dans les douleurs de l’enfantement, tant d’enfants à une espérance de vie limité à cause d’un déficit de nutrition ou de difficulté insurmontables d’accès aux soins de santé ».
Et de poursuivre que « l’inégalité majeure est celle de l’accès à l’école, au savoir, à la connaissance et donc à ces diplômes que l’on affecte de considérer comme le premier sésame pour l’accès à un emploi, fût-il subalterne ». Aussi le handicap, la maladie, le revers de fortune et bien d’autres facteurs très aléatoires ont malheureusement fini de nous démontrer depuis fort que « l’inégalité commence dès avant la naissance de l’individu et le persécute tout au long de sa vie ».
Favoritisme, clanisme, trafic d’influence, pratiques mystiques… plombent le principe
Me Alioune Badara Fall, dans sa dénonciation des maux qui freinent l’effectivité du principe d’égal accès aux emplois publics relevé que « le favoritisme, le clanisme, les passe-droits, le trafic d’influences et même les pratiques mystiques sont tellement présents dans notre société que certains en sont réduits à croire – faussement d’ailleurs – qu’ils ne parviendront jamais aux destinées auxquelles ils aspirent, à la justice à laquelle ils estiment – légitimement pourtant – avoir droit ».
A son avis, ceux-là partagent à tort l’intemporelle opinion que la Fontaine décline dans « Les animaux malades de la peste », en ces termes: « selon que vous serez puissant ou misérables, les jugement de cour vous rendront blanc ou noir ». Suffisant pour qu’il en appelle également à agir ensemble, pour que « l’effort, le travail et le mérite soient les seuls gages de l’accès aux responsabilités. Il faut surtout, qu’au-delà des mots, le principe d’égalité connaisse une application effective quotidienne ». Et c’est à restaurer cette image détestable d’une inégalité fondamentale des citoyens devant leurs droits, que « nous devons nous employer » pour que « le principe directeur de l’accès aux emplois publics reste et demeure l’égalité ».
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