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Reportage: quand le virus infecte « l’industrie des cérémonies »

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En raison de l’interdiction des rassemblements dans le cadre de la lutte contre le Coronavirus, de nombreuses cérémonies ont été reportées. Mariages, baptêmes et autres cérémonies familiales passent à la trappe. Au-delà de la frustration sentimentale des familles, ceux qui tiraient des revenus à partir de ces rencontres, une « industrie des cérémonie », enregistrent des pertes financières conséquentes. Reportage…

La déception est à la hauteur des espérances. Pour Fallou, c’est la galère par ces jours-ci. Son calendrier a subi un coup de rabais, jamais enregistré, depuis qu’il dit s’activer dans l’animation de cérémonies. L’homme qui se définit, comme artiste chanteur tirait une bonne partie de ses revenus, dans le chant et l’animation des commémorations familiales. Il a cette prédisposition à tenir en haleine les différentes assemblées qui se retrouvent dans les cérémonies, pour retracer leurs origines, à coup de chants et parfois d’éloges énumérés et se faire au passage, de l’argent. Accompagné de son troupe, il accomplissait le tour des cérémonies baptême, mariage et autres. «Tout est tombé à l’eau depuis que les mobilisations sont officiellement interdites. Certes, certaines cérémonies ont été reportées, nous allons, peut-être nous rattraper, après cette période », relativise Fallou.

Pour l’heure, le jeune homme accuse un véritable «manque à gagner». «Les cérémonies de mariage se tiennent la plupart du temps en week-end. C’est soit le samedi ou le dimanche. Il m’arrivait de me retrouver en moyenne, avec 25 000 F après une animation. Avec les jours les plus fastes mon gain peut accéder les 50 000 », renseigne-t-il. Ce gain est essentiellement acquis durant les week-ends. En jour ouvrable également, le chanteur est souvent sollicité pour animer des baptêmes. Là aussi, il dit se faire de l’argent. «C’est selon le schéma, quand on est sollicité, l’organisateur nous verse déjà une somme arrêtée à l’avance, en plus des profits que nous allons récolté, sur place, provenant des autres individus venus assister à la cérémonie».

Ndeye Fatou, 24 ans devait se marier le 13 avril. Elle était en plein préparatifs, quand du jour au lendemain, tout s’est écroule. «On se préparait depuis des mois. Tout était fin prêt, mais c’était sans compter, avec le calendrier du destin», se désole-t-elle. Le couple avait prévu la totale, sans faste, mais suffisamment pour marquer le coup: «Cérémonie, traiteur, salle de réception, photographe, tout ce qui est incontournable en pareil moment, quand on veut faire bien les choses était réglé à l’avance». Tout est à recommencer, la jeune femme espère que cette sa fête aura lieu « après le mois de Ramadan ».

Des jours difficiles…qui cachent de bien meilleurs

Au Sénégal, il est courant de constater un boom dans l’organisation des cérémonies, à quelques jours du mois de Ramadan. Cette règle ne s’applique guère cette année-ci. Le coronavirus, avec son corollaire de conséquences en a décidé autrement. Résultat : énormément de festivités sont reportées ou voire même tout simplement annulées. Mbaye Sarr est un jeune plutôt costaud. Jean, Tee-shirt, casquette à l’envers, il dégage les airs d’un rappeur. Derrière ce jeune homme ordinaire, habillé comme tout autre de sa génération se cache, en réalité, un cuisinier hors-paire. Oui, un cuistot très sollicité. La spécialité de Mbaye reste les cérémonies, avec cuisson en masse, pour de nombreux invités. «J’offre mes services de cuisinier, dans des cérémonies comme le mariage, le baptême ou les cérémonies religieuses (veillée ou journalière)», informe t-il. Avec cette activité, Mbaye subvient à ses besoins, tout en entretenant dignement, sa progéniture. «En moyenne, je demande un cachet de 30 000 F pour une cérémonie. Je prépare trois repas et lave les ustensiles marmites et autres, en fin de journée. Cela est inclus dans le contrat», souligne t-il, tout sourire. Sa zone d’évolution ne se limitait pas seulement à Dakar. «La méthode du bouche à oreille a fait son effet. Les sollicitations vont, au-delà de Dakar. On m’appelle même des régions», précise-t-il. Dans ces cas, le client paye les frais du transport, non inclus sur la somme que doit percevoir le cuisinier, en fin de journée. Certains ravis du mets qu’ils viennent de savourer n’hésite pas, informe t-il, à lui offrir de l’argent supplémentaire. «En moyenne, je suis sollicité trois à deux fois, par semaine. Je vis de cette revenue que j’essaye de fructifier, avec d’autres activités parallèles», souligne Mbaye. Mais depuis l’interdiction des manifestations avec le coronavirus, c’est la dèche, deplore t-il. Les activités sont quasi inexistantes, à l’exception de quelques baptêmes, où la quantité de la nourriture est assujettie au nombre restreint d’invités, donc l’argent perçu en devient, moins conséquent, affirme t-il.

La perspective de reporter une cérémonie n’est pas intégrée par tout le monde. Certains ont fait le choix de s’unir, mais dans la plus grande discrétion. Loin des festivités et fastes qui vont habituellement avec les cérémonies de mariage, c’est dans la plus grande discrétion que Modou et Nafi se sont dits oui. «La cérémonie a enregistré la présence de nos pères respectifs, chacun accompagné de trois autres», rigole le couple. En tout huit personnes ont scellé dans la plus grande discrétion, cette union qui était pourtant vouée, à une «grande cérémonie», relève Nafi. Covid-19 est tout venu remettre en cause, mais, ce n’est que partie remise, on va casser la baraque, à la naissance de notre enfant, une cérémonie grandiose pour se rattraper, prédit le mari serein, tout sourire dehors. Miss Thioro, femme d’âge mûr est connu à Darou Salam pour égayer les cérémonies, à travers des chansons, en hommage aux organisateurs, mais également aux différents invités. C’est à partir de ces revenus qu’elle dit entretenir sa famille. «Les temps sont durs et la situation, on ne peut plus morose», déplore, t-elle. Elle a déposé son fameux «micro haut parleur», à travers lequel elle flattait ses convives et parvenait à presque tous leur soutirer de l’argent. «Il n’y a plus de cérémonies, plus d’activités», souligne la dame qui refuse cependant de donner son gain journalier. « Secret professionnel », relève t-elle, sur un ton taquin.

En expérimentée, Miss prédit des jours prospères, avec des gains jamais égalés, après le passage du virus du Covid-19, qui, espère t-elle, va coïncider avec la fin du mois de Ramadan. «Les temps sont certes dures mais je garde espoir. Toutes les cérémonies reportées seront alors organisées, après le coronavirus, et nous assisterons à un boom des festivités, ce qui sera au grand bonheur, des animatrices et animateurs que nous sommes», espère t-elle. Parole d’expérimentée. Pour l’heure, à part croiser les doigts, il n’y a rien à faire !

Oumar BA

Le soleil

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