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Répression sanglante en Libye, Kaddafi assure être à Tripoli

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Une répression meurtrière s’est abattue sur la Libye, à mesure que la contestation gagnait du terrain. Plusieurs villes, dont Benghazi, sont aux mains des opposants. Mouammar Kaddafi, qui a démenti les rumeurs le disant parti au Venezuela, est-il au crépuscule de son règne ?

Rien ne va plus en Libye, mais les jeux ne sont pas encore faits pour Mouammar Kaddafi, qui s’est exprimé lors d’une interview surréaliste à la télévision d’Etat libyenne, lundi soir. On attendait un long discours, comme ceux dont il a le secret, mais le « Guide » libyen a juste démenti les rumeurs le disant en fuite. « Je vais voir les jeunes sur la place verte. C’est juste pour prouver que je suis à Tripoli et non au Venezuela et démentir les télévisions, ces chiens », s’est-il contenté d’affirmer, vêtu d’un manteau et s’apprêtant à monter dans une voiture, alors qu’il tenait un parapluie pour se protéger de la pluie, devant sa maison dans la résidence-caserne de Bab Al-Aziziya.

Quelques heures avant, le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Nicolas Maduro, avait passé le même message après avoir parlé à son homologue libyen, Moussa Koussa. Selon lui, Kaddafi se trouvait à Tripoli où il continuait à « exercer ses pouvoirs » et à « faire face à la situation ». Une information qui contredisait celle donnée par le chef de la diplomatie du Royaume-Uni, William Hague, qui avait déclaré plus tôt en marge d’une réunion à Bruxelles que Kaddafi pouvait avoir fui son pays et être en route vers le Venezuela.

Quel que soit le lieu de résidence de Kaddafi, il n’en reste pas moins le pouvoir de Tripoli vacille, comme le démontre l’ampleur de la répression meurtrière qui s’abat sur les manifestants. Une opération a été lancée lundi par les forces de sécurité contre les « saboteurs et (ceux qui sèment) la terreur », faisant de nombreux morts, a indiqué la télévision d’État. Lundi matin, l’organisation Human Rights Watch évoquait un bilan de 233 morts depuis le début de la contestation, mais le bilan s’alourdit d’heure en heure. La Fédération internationale des Ligues de droits de l’Homme (FIDH) a avancé de son côté un bilan de « 300 à 400 morts ».

« Massacre » à Tripoli

La contestation a pris de l’ampleur dimanche en s’étendant à la capitale, où divers lieux du pouvoir, dont des postes de police, ainsi que la « salle du peuple » qui accueille des réunions officielles ou encore le ministère de l’Intérieur ont été incendiés. Des affrontements ont eu lieu lundi dans les quartiers Fachloum et Tajoura, de la banlieue de Tripoli, des témoins parlant de « massacre ». « Des hommes armés tirent sans distinction. Il y a même des femmes qui sont mortes », explique l’un d’eux, tandis qu’un autre affirme que des hélicoptères ont déposé des mercenaires africains armés, qui ont tiré sur tous les passants à Fachoum, faisant de nombreux morts.

Ailleurs dans le pays, plusieurs villes sont tombées aux mains des opposants – comme Benghazi – ou ont sombré dans le chaos, comme Zaouia (à 60 km à l’ouest de Tripoli). « Depuis hier, tous les magasins sont fermés, une maison de Kaddafi a été brûlée, des gens ont volé les voitures de policiers, il y a des braquages sur les routes », explique un Tunisien qui a fui la ville.

Le pouvoir se délite

Le pouvoir de Kaddafi est aussi diminué par les défections de plusieurs dirigeants libyens. Le ministre de la Justice Moustapha Abdel Jalil a démissionné « pour protester contre l’usage excessif de la force » contre les manifestants, comme plusieurs diplomates en poste à l’étranger, notamment l’ambassadeur en Inde. Sur la BBC et CNN, l’ambassadeur adjoint de la Libye à l’ONU, Ibrahim Dabbashi Kadhafi, a même accusé Kaddafi d’être coupable de « génocide. (…) Je pense que nous assistons à la fin du colonel Kaddafi, ce n’est qu’une question de jours. Soit il démissionne, soit le peuple libyen se débarrasse de lui », a-t-il estimé.

Autre défection : les pilotes de deux Mirage F1, qui ont atterri à Malte, ont affirmé avoir déserté après avoir reçu l’ordre de tirer sur les manifestants à Benghazi, deuxième ville du pays et centre de la révolte depuis le 15 février. Pis, des chefs de tribus prennent leur distances avec Kaddafi, comme celui de la tribu Al Zouaya, implantée dans l’est du pays, qui a menacé sur la chaîne de télévision panarabe Al Djazira de couper les exportations de pétrole de sa région vers les pays occidentaux dans un délai de 24 heures si les autorités ne mettaient pas fin à « l’oppression ». Sur la même chaîne, Akram al Warfalli, chef de la tribu Al Warfalla, l’une des plus importantes de Libye, a pour sa part, réclamé le départ du pays de Kaddafi, qui « n’est plus un frère ».

Les religieux contre Kaddafi

En outre, de nombreux responsables religieux ont, eux aussi, lâché le « Guide ».Une coalition d’oulémas a décrété qu’il était du « devoir sacré » pour chaque fidèle libyen de se soulever contre un régime autocratique au pouvoir depuis plus de 41 ans, en raison de ses « crimes sanglants contre l’humanité » et de « l’infidélité totale » de ses dirigeants.

Par aillleurs, le très influent théologien qatari d’origine égyptienne cheikh Youssef Al-Qardaoui, véritable mentor des Frères musulmans, a émis lundi une fatwa sur la chaîne Al-Jazira appelant l’armée libyenne à assassiner Mouammar Kaddafi – rien de moins – pour « en débarrasser la Libye ». « Que quiconque de l’armée libyenne peut tirer une balle sur Mouammar Kadhafi pour en débarrasser la Libye, le fasse », a-t-il déclaré, tout en demandant à l’armée libyenne et aux diplomates « de ne pas obéir à celui qui lui ordonne de frapper son propre peuple ». et a appelé les ambassadeurs libyens à se dissocier du régime. Le 29 janvier, Youssef Al-Qardaoui avait appelé le président égyptien Hosni Moubarak à démissionner pour le bien de son pays. Et le 18 février, lors d’un prêche sur la place Tahrir au Caire devant des centaines de milliers d’Égyptiens, le cheikh avait appelé les leaders arabes à ne pas « arrêter l’Histoire » et à engager un « dialogue constructif » avec leur peuple.

Du coup, après avoir brandi dans la nuit de dimanche la menace « d’un bain de sang » et d’un risque de « guerre civile », le fils du leader libyen, Seif al-Islam Kaddafi, a annoncé lundi soir la création d’une commission d’enquête sur les violences, présidée par un juge libyen. Celle-ci, composée d’ « organisations libyennes et étrangères de droits de l’Homme » devrait être chargée d’ « enquêter sur les circonstances et les événements qui ont provoqué plusieurs victimes », a expliqué la télévision nationale. Pas sûr que ce changement de ton suffise à calmer la fureur des Libyens contre leur (ex ?) « Guide ». (Avec AFP)

jeuneafrique.com

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