Le week-end dernier, dans la plus grande discrétion, l`ancien chef de l`Etat nigérian Olusegun Obasanjo a séjourné dans la capitale ivoirienne dans le cadre de la résolution de la crise post-électoralechefs d`Etat médiateurs de la Communauté Économique Des États de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO), l`émissaire de l`Union Africaine (UA), le Premier ministre kenyan Raïla Odinga, l`ex-président nigérian est arrivé à son tour à Abidjan pour tenter un coup de grâce. A la grande différence d`un certain nombre de médiateurs proposés ou autoproclamés dans cette crise ivoirienne, l`ancien Président nigérian a la chance de bien connaître le pays et ses dirigeants. Quand l`attaque du 19 septembre 2002 survient, en effet, c`est le général Olusegun Obasanjo qui se trouve être le premier soutien diplomatique et militaire au régime du président Laurent Gbagbo dans la sous-région. L`armée nigériane enverra à Abidjan, à la suite des événements du 19 septembre 2002, 3 avions de chasse de la flotte aérienne militaire du Nigeria pour venir soutenir les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) de Côte d`Ivoire en butte à une rébellion armée venue d`un pays voisin, même si cette rébellion était essentiellement composée d`Ivoiriens. Puis, tout au long de cette crise, jusqu`en 2008, date de son départ du pouvoir, le Président Obasanjo a accompagné le processus de sortie de crise dans ce pays, apparaissant même comme étant l`un des rares chefs d`État de la sous-région à comprendre et à connaître les méandres du marigot glauque ivoirien. Le prédécesseur de feu Umaru Yar Adua et de Goodluck Jonathan à la tête du géant ouest-africain, passe pour être l`un des rares leaders sous-régionaux à pouvoir parler clairement aux dirigeants politiques ivoiriens, et à pouvoir même les raisonner. Quoi de plus normal que quand cette énième crise éclate dans ce pays, on le voit débarquer. Cette mission de «médiation» aurait pu être des plus ordinaires, si deux hic ne s`étaient pas mêlés. D`abord, la très grande discrétion – ce dont il n`a pas l`habitude d`ailleurs – qui a entouré le voyage de l`ancien chef de l`État nigérian. Le Gal Obasanjo, l`a toujours démontré, il n`est pas du genre à débarquer incognito. Hormis cette discrétion, il y a le flou, du moins pour le citoyen lambda, qui entoure encore ses mandants dans cette mission en Côte d`Ivoire, étant entendu que le président Obasanjo ne peut pas être venu à Abidjan pour son propre compte. A la différence de son homologue Thabo Mbeki et du Premier ministre Raïla Odinga mandatés par l`UA, et les 3 chefs d`État mandatés par la CEDEAO, on en est à se demander qui a envoyé Obasanjo à Abidjan. Et pourquoi? Pour comprendre cette mission secrète, il faut un tant soi peu revenir au mandat de l`ex-chef d`Etat nigérian. Olusegun Obasanjo, durant son mandat, il faut le souligner, faisait partie de ce que les Américains ont qualifié à la fin des années 1990, de « l`axe Prétoria-Lagos-Abidjan« . Lors de sa mémorable visite en Afrique en 1998 (Ghana, Kenya, Ouganda,…), le président américain Bill Clinton avait officiellement mis fin au système d`aide en direction des États africains, pour créer le concept « No aid, more trade« , c`est-à-dire plus d`aide, mais plus d`échanges commerciaux entre les USA et l`Afrique. En effet, pour sortir l`Afrique sub-saharienne de sa dramatique situation économique et propulser son développement, Washington a coopté trois capitales, les plus prospères d`ailleurs, pour servir de «Locomotives du développement». Ce sont Pretoria en Afrique du Sud, Lagos au Nigeria, et Abidjan en Côte d`Ivoire. Trois leaders africains avaient été retenus pour incarner cet axe. Ce sont MM. Thabo Mbeki en Afrique du Sud, Olusegun Obasanjo pour le Nigeria et Alassane Dramane Ouattara, qui venait de terminer sa mission en tant que 2è DG adjoint au FMI, pour la Côte d`Ivoire. Logiquement, ce plan devait commencer à être effectif à partir de 2000. Si pour les deux premiers leaders cooptés, à savoir Mbeki et Obasanjo, les choses se sont bien passées puisqu`ils ont accédé à la Magistrature suprême de leurs pays respectifs, ça n`a pas été le cas pour Ouattara qui a été écarté de la Présidentielle de 2000 par la junte militaro-civile de feu le général Robert Guéï. L`axe Pretoria-Lagos-Abidjan y perdra un pied pour finir bancale en l`absence de sa 3è roue qu`était Alassane Ouattara. Finalement, les deux chefs d`État quitteront le pouvoir sans que cet axe n`ait été véritablement effectif sur le continent. Aussi, quand le champion des Houphouëtistes se retrouve dans une sorte de pôle-position en Côte d`Ivoire, surtout au moment où le Président Barack Obama recherche désespérément la méthode pour remettre cet axe sur pied, le dossier revient sur la table de la Maison Blanche. « L`affaire Gbagbo« , cependant, tombe mal pour le nouveau pouvoir américain. Surtout que le ton volontairement musclé des premières heures semble n`avoir rien donné dans le soutien à son poulain. La mission d`Obasanjo s`inscrit dans la réactivation de cet axe que n`incarneraient pas moins les successeurs aux ex-présidents nigérian et sud-africain. Ce n`est plus un secret dans les chancellerie occidentales, Ouattara doit absolument être mis en selle en Côte d`Ivoire. Comment y parvenir face à un Laurent Gbagbo intraitable sur le sujet, malgré l`asile à lui proposé par les USA ? Voici l`exercice auquel s`est essayé M Obasanjo, reparti sur la pointe des pieds comme il est arrivé.
JMK AHOUSSOU
l’inter via abidjan.net