Le remplacement de Jean-Christophe Rufin, ambassadeur de France à Dakar a toutes les apparences d’une succession classique. La nomination de son successeur, Nicolas Normand, a été décidée en conseil des ministres, mercredi 9 juin.
Mais le départ de l’écrivain, en poste au Sénégal depuis trois ans, traduit l’influence persistante de réseaux parallèles, une pratique connue sous le nom de « Françafrique ». Le président sénégalais Abdoulaye Wade, 84 ans, vivement agacé par la liberté de ton de M. Rufin, est intervenu avec succès auprès de l’Elysée pour choisir son successeur.
Robert Bourgi, figure de ces réseaux d’influence, conseiller officieux de Nicolas Sarkozy mais aussi de Karim Wade, fils et dauphin présumé du chef de l’Etat sénégalais, aurait lui aussi pesé dans le remplacement de M. Rufin. Il aurait même présenté Nicolas Normand au président Wade et à son fils Karim dans les locaux de l’ambassade du Sénégal à Paris en 2009.
CHOQUÉ PAR LA MANIÈRE
Le chef de l’Etat sénégalais avait été particulièrement irrité lorsqu’en décembre 2008, le contenu critique de télégrammes signés de M. Rufin lui était parvenu aux oreilles.
L’ambassadeur y déconseillait – en vain – à Paris d’accorder une aide financière massive à Dakar. Signer un pareil chèque sans demander au Sénégal de « réformer profondément son système politique », reviendrait à « fournir à un toxicomane la dose qu’il demande, mais qui le conduit un peu plus sûrement vers sa fin », alléguait alors l’ambassadeur.
A plusieurs reprises, la tête de l’ambassadeur avait été réclamée. La présidence sénégalaise vient donc de l’obtenir. Jean-Christophe Rufin ne s’est pas vu proposer d’autre ambassade. Choqué par la manière dont son remplacement lui a été signifié, il a déclaré au Monde qu’il se sentait autorisé « à décider unilatéralement de la date à laquelle [il] quitterait ses fonctions ». Ce sera le 30 juin.
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