xalimasn.com-Hier opposés par leur divergence d’approche de la gouvernance des Wade, les deux personnalités deviennent des alliés objectifs dans leur critique de la dérive du pouvoir sénégalais. Chacun dans son style, l’ancien ambassadeur Jean-Christophe Rufin et l’avocat Robert Bourgi, réunis dans une cause commune, vont faire mal.
Après Jean-Christophe Rufin, ex-ambassadeur de France au Sénégal, les Wade se sont mis à dos l’avocat Robert Bourgi, une personnalité influente dans l’axe Paris-Dakar. A l’académicien et écrivain de grande renommée, vient s’ajouter un champion du lobbying entre palais africains et celui de l’Elysée. Tout cela, sans compter la voix officielle de la France, celle du ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, à travers ce propos qu’il a tenu «J’espère que le président Abdoulaye Wade va s’appliquer les conseils qu’il a prodigués à Khadafi ». Du côté de l’opposition française aussi, le Parti socialiste en l’occurrence, Abdoulaye Wade et son fils ne trouvent pas non plus de crédit. Mercredi, sortant d’une séance de questions orales à l’Assemblée nationale française, le député Gérôme Quantin, membre de la commission des affaires étrangères est venu apporter son soutien aux manifestants sénégalais aux abords du Palais Bourbon. Il leur dira : « Jamais le Sénégal n’a connu autant d’enfants pauvres dans les rues que sous la présidence d’Abdoulaye Wade ».
Ainsi donc, la diplomatie officielle menée par le gouvernement français, le principal parti d’opposition dans ce pays, les amis de l’axe Paris-Dakar, les hommes d’influence de l’ombre…tous ces secteurs se sont braqués contre les dérives du pouvoir des Wade. Karim Wade, qui cristallise toutes les critiques contre le pouvoir de son père, est d’ailleurs en train de réussir à faire réconcilier Robert Bourgi et Jean Christophe Rufin dont les relations étaient viciées par leurs rapports différents à la pratique du pouvoir du fils d’Abdoulaye Wade. Il n’est un secret pour personne que c’est sa courageuse critique de la pratique des Wade dans la gestion du Sénégal qui a valu à l’académicien son poste d’ambassadeur de France au Sénégal. Et, ceci expliquant cela, l’avocat Robert Bourgi a tenu un rôle non négligeable dans la nomination de son remplaçant Nicolas Normand. Il se dit d’ailleurs, dans les milieux informés parisiens, pour illustrer la part prise par Bourgi dans cette nomination, que c’est l’avocat sénégalo-français qui a personnellement accroché la Croix de la Légion d’honneur à Normand, à son domicile de la place Panthéon. Les mêmes sources indiquent que des personnalités proches des deux hommes sont en train de travailler à leur rapprochement que devraient favoriser leur position commune actuelle sur la situation politique au Sénégal, et des dispositions favorables de l’un et l’autre.
Jean-Christophe Rufin, depuis son départ de Dakar, garde de bonnes relations personnelles au Sénégal, manifeste régulièrement sa préoccupation à propos de la marche du pays, et surtout, ne se retient jamais, à travers des tribunes prestigieuses, d’alerter sur la dérive des Wade… Voilà qu’à sa suite, mais dans un style tout à fait différent, Robert Bourgi a entrepris de démolir ce qu’il avait aidé à construire : la rampe d’ascension de Karim Wade. Un Karim Wade qui appelle Bourgi tonton, lequel à son tour appelle Abdoulaye Wade tonton. C’est le même Bourgi qui a organisé les deux audiences que Sarkozy a accordées à Karim Wade, la dernière en date s’étant déroulée à la veille des élections locales de février 2009. L’affaire de la revendication de la libération de l’otage française Clotilde Réis ? Bourgi était aussi au centre, lui qui a servi de chaperon au fils Wade toutes ces dernières années, dans beaucoup de palais africains. De Libreville à Brazzaville, de Paris à Lomé, l’avocat est habitué à introduire des personnalités et à construire des destins, dans les allées des palais. L’homme détient beaucoup de secrets, connait beaucoup de choses. Ses relations avec Karim Wade étaient très poussées. Les mots de remerciements et les photos des trois filles du fils d’Abdoulaye Wade, mais aussi de sa défunte épouse, tapissent les murs de son bureau…Utilisant à fond ses relations privilégiées avec Claude Guéant, Bourgi à su faire la courte échelle à Karim Wade. Tout ce qu’il n’a pas réussi avec lui, c’est de le faire accepter des Sénégalais. « Un jour que nous étions ici, dans ce bureau, je lui ai proposé qu’on aille manger du thiebou dieune dans un restaurant sénégalais bien connu de Paris. Effaré par ma proposition, il m’a répondu : tu n’y penses pas ! Choqué par son dédain, je lui ai rétorqué : « Chez moi, tous les vendredis, je mange du thiebou dieune, et avec les doigts».
Autant il était allé loin dans son soutien au fils d’Abdoulaye Wade, autant Robert Bourgi est maintenant engagé dans une guerre ouverte contre Karim Wade. Ses attaques vont être déstabilisatrices, lui qui a pour cela un réseau, des connexions et le carnet d’adresses fourni. Ce qui rend la situation cocasse, par ailleurs, entre les deux hommes, c’est que l’avocat de Karim Wade se trouve être Rassek Bourgi, le jeune frère de Robert.
Abou Abel THIAM, xalimasn.com