SALAIRES BAS, PENSIONS DÉRISOIRES, DIFFICULTÉS POUR LA PRISE EN CHARGE SANITAIRE DES UNIVERSITAIRES

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Au delà de l’émoi qu’il a jeté sur de nombreux Sénégalais, l’appel de détresse que le Pr Iba Der Thiam a lancé à l’Assemblée nationale pour venir en aide (financièrement) au Pr Oumar Sankaré renseigne à suffisance sur la situation de précarité dans laquelle vivent les universitaires sénégalais. Malgré les efforts consentis par le régime de Wade pour revaloriser leurs émoluments, les enseignants du supérieur qui forment les plus hauts cadres du pays sont loin de bénéficier du traitement digne de leur rang. Ils touchent encore des salaires relativement bas, peinent à percevoir leurs indemnités, courent derrière leurs heures supplémentaires et au terme d’une carrière riche et fournie, ils se contentent d’insignifiantes pensions de retraite. Leur vie se résume à un quotidien à problème.

Contrairement au Sénégalais lambda qui a failli tomber des nues en écoutant le Sos du Pr Iba Der Thiam en faveur de son collègue Oumar Sankaré, le Pr Amadou Ka est certes sensible mais nullement surpris du sort de cet éminent professeur doublement agrégé (lettres classiques et grammaire) qui fait l’objet d’une mise en demeure de la part du Centre des Finances publiques de Marseille qui le somme de solder sa facture, suite aux soins de santé qu’il a reçus il y a plus de trois ans en France.

Enseignant-chercheur à l’Ufr Sciences juridiques et politiques de l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint Louis, Amadou Ka indique que les enseignants du supérieur ne bénéficient pas du traitement dû à leur rang et sont confrontés en permanence à divers problèmes d’ordre pécuniaire et social. En dehors de trois hôpitaux à Dakar, soutient-il en guise d’exemple de la précarité que vivent les universitaires, «les structures sanitaires n’acceptent pas nos dossiers et ceux de nos familles lorsque nous sommes souffrants».

QUETE POUR EVACUER MARY TEW NIANE A L’ETRANGER

Sous le sceau de l’anonymat, une source révèle qu’une quête a été effectuée il y a huit ans pour permettre l’évacuation à l’étranger du Pr Mary Tew Niane (actuel ministre de l’Enseignement supérieur) qui devait subir une opération du cœur. Alors que les enseignants avaient mis la main à la poche pour assister leur collègue, notre interlocuteur ignore cependant si l’Etat a fait ou non un geste en faveur de l’ancien recteur de l’Ugb. Exemple patent de la précarité des universitaires sénégalais!

Même si le régime de Wade a opéré une augmentation des salaires, il y a lieu de déplorer, selon le Pr Amadou Ka, le fait que cette hausse se traduise essentiellement par des indemnités. «Ce sont les indemnités qui gonflent les salaires. Et à la retraite, un enseignant peut se retrouver avec une pension de 100.000 Fcfa», explique le juriste spécialiste des collectivités locales, qui invite l’Etat à revoir le dénuement dans lequel se trouvent ces hommes et femmes qui ont pour sacerdoce de former et formater la crème de la crème du pays.

Sa position est corroborée par le Pr Moussa Diaw, enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint Louis. Joint au téléphone, M.Diaw déplore l’incertitude à laquelle lui et ses collègues du supérieur font constamment face. «Dans ce pays, la situation d’un universitaire n’est guère enviable. On parle tout le temps de l’augmentation des salaires, mais c’est une augmentation superficielle. Elle a été opérée sous forme de primes qui ne sont pas du tout calculée à la retraite. Ce qui fait qu’après la retraite, l’enseignant qui aspirait à mener une vie normale est obligé de faire des vacations pour voir le bout du tunnel. C’est inacceptable», déplore le Pr Moussa Diaw qui incite les autorités à approfondir la réflexion pour relever le statut des enseignants universitaires, en lieu et place de ce qu’il considère comme des «mesurettes».

Et de souligner : «en France, il n’y a que deux catégories d’enseignants du supérieur : maître de conférence et professeur. Au même moment, on note au Sénégal cinq catégories : assistant, maître-assistant, maître de conférence, chargé d’enseignement et professeur».
Tentant une petite comparaison dans le cadre de la réforme du statut de l’enseignant du supérieur, il affirme que même le Niger est beaucoup plus en avance que le Sénégal.

KALY NIANG, SOCIOLOGUE : «NOUS SOMMES DANS UNE SOCIETÉ DU PARAITRE»

L’affaire Oumar Sankaré traduit, aux yeux du sociologue Kaly Niang, la misère des universitaires qui sont dans une situation précaire, parce que mal payés et vivant le supplice de Tantale. Et dans son analyse sociologique de la question, Kaly Niang, qui en appelle à repenser les conditions de vie et de travail des enseignants du supérieur et à revaloriser leur statut, est peiné de voir un animateur ou lutteur gagner plus que ce que perçoit un universitaire. «C’est un paradoxe ignoble qui trace le sillon de la médiocrité», martèle-t-il avant de soutenir : «Avec l’affaire Sankaré, nous devons nous poser une question : le jeu en vaut-il la chandelle ?

Avons-nous le droit de demander à nos enfants de faire des études supérieures très poussées et d’acquérir des connaissances académiques si d’éminents professeurs agrégés sont dans une situation qui frise le misérabilisme ? Nous sommes dans une société du paraître, du «caxaan» qui privilégie les futilités, le folklore et la banalité et laisse de côté l’être. Ce sont les tares de notre société. Au Sénégal, il y a un crime du référentiel car les gens ne donnent aucune importance à l’être, au profit du paraître». Et Malheureusement pour Kaly Niang, on ne peut pas tracer la voie de l’émergence si on ne revalorise pas le statut de l’intellectuel.

DJIBY DIAKHATE, SOCIOLOGUE: «L’UNIVERSITAIRE VIT UN QUOTIDIEN A PROBLEME»

Son collègue Djiby Diakhaté ne dit pas autre chose lorsqu’il insiste sur la centralité de l’enseignement. Et dans l’optique de faire émerger le pays, cet enseignant en sociologie propose d’accorder à l’enseignement la place qu’il faut.

Et s’agissant de la précarité dans laquelle vivent ses collègues de l’université, Djiby Diakhaté explique : «la problématique de la condition enseignante du supérieur est très simple à formuler. D’une part, il y a une catégorie formée à un niveau très élevé et à qui on a donné la mission d’encadrer les jeunes, de leur inculquer le savoir et le savoir-faire les plus pointus, mais aussi de conduire la recherche orientée vers le développement de tous les secteurs de la société (économique, politique environnemental, de la vie sociale…).

Pour l’essentiel, ces enseignants ont gravi tous les échelons et en sont arrivés à un niveau appréciable en terme de formation et de préparation à la recherche». Cependant, poursuit le sociologue, «le paradoxe, c’est que cette catégorie est soumise à des conditions de vie particulièrement difficiles. La rémunération qui leur est accordée est largement en deçà de leur contribution au développement socio-économique du pays. Elle est aussi en deçà des attentes légitimes de la société sénégalaise».

Poursuivant son analyse, le Pr Djiby Diakhaté indique que dans une société, il y a ce qu’on appelle le rôle et le statut. «Le rôle, c’est ce qu’on doit à la société, le statut c’est ce que la société vous doit». La société sénégalaise, dit-il, donne un statut important à l’enseignant du supérieur, mais ce statut n’est malheureusement pas corrélé à ses revenus. «Ce qui fait qu’il y a un malaise que de voir le Pr Sankaré doublement agrégé (lettres classiques et grammaire) qui fait la fierté du Sénégal, de l’Afrique et du monde entier se retrouver dans une situation où il fait face à des problèmes financiers.

Au-delà de cette question qui touche tous les Sénégalais, c’est la condition de l’enseignant du supérieur qui est reposée sur la table. Son salaire n’est pas indexé à sa place. Il y a l’indemnité qu’il peine à percevoir, les heures supplémentaire derrière lesquelles il court. C’est un quotidien à problème qu’il vit.

Le Président Wade avait consenti des efforts en augmentant le salaire, mais cet effort reste à être complété par l’actuel régime, surtout si on tient compte de la cherté des denrées de base et des intrants de la recherche qui sont chers». Pour M.Diakhaté, le respect social doit se traduire par le respect salarial.

HAWA BOUSSO
SENEPLUS.COM / LASQUOTIDIEN

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