Le Président en exercice de l’Union africaine a encore pris la plume pour alerter sur la nécessité de renforcer le système sanitaire lourdement affecté par la crise sanitaire de la Covid-19. Dans une tribune ouverte Macky Sall appelle à une coopération entre l’UE et l’Afrique, rapporte Teranga news.
En 2017, le cinquième sommet entre l’Union européenne (UE) et l’Union africaine (UA) avait priorisé quatre domaines stratégiques. Aucun ne concernait la santé. Depuis, la pandémie de Covid-19 a dévasté le monde, nous rappelant une vérité que nous avions tendance à oublier : notre santé, clé de notre bien-être, est aussi le fondement de notre agenda de développement commun.
Alors que s’ouvre le sixième sommet Union européenne Union africaine à Bruxelles du 17 et 18 février, ne reproduisons pas les mêmes erreurs. Mettons la santé au cœur de notre partenariat. Depuis deux ans, la situation économique et sanitaire mondiale s’est considérablement dégradée sous l’effet de la pandémie. L’Europe et l’Afrique n’ont pas été épargnées.
De nombreux pays d’Afrique ont vu leur marge budgétaire se réduire et leurs efforts en matière de santé mis à mal. Les programmes de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, trois épidémies qui freinent considérablement le développement de l’Afrique, ont été durement affectés. On estime que les pays à faible revenu pourraient voir leurs dépenses de santé par habitant fondre jusqu’à 12 %, mettant en péril deux décennies de progrès durement acquis en matière d’accès aux soins de santé.
Renforcer nos systèmes de santé
Or, sans sécurité sanitaire, la relance économique est impossible. La crise du Covid-19 le prouve, de même qu’elle a prouvé l’interdépendance entre nos deux continents. Pour que la relance se concrétise et que nos économies puissent se prémunir des conséquences d’une future pandémie, notre partenariat UE-UA doit reconnaître l’urgente nécessité de renforcer nos systèmes de santé et en faire un domaine d’investissement prioritaire.
Malgré les difficultés, l’Afrique est à pied d’œuvre pour montrer l’exemple. La Réunion des dirigeants africains (ALM) de l’Union africaine a réaffirmé son engagement pour une mobilisation accrue des ressources nationales pour la santé, en invitant notamment le secteur privé à explorer et saisir les opportunités d’investissement qu’offrent les enjeux sanitaires.
Mais si nous voulons à terme assumer pleinement la responsabilité financière de la santé des peuples africains, nous devrons accélérer la mobilisation de nos ressources nationales et continuer de tendre vers les objectifs d’Abuja visant à allouer 15 % du budget national à la santé. Nous créerons ainsi un cercle vertueux avec les partenaires multilatéraux via le mécanisme du cofinancement, permettant de mobiliser des ressources accrues pour renforcer nos systèmes de santé.
Une part active de l’Europe
Sur la question de l’accès aux médicaments, l’Agence africaine du médicament (AMA) nouvellement créée permettra à notre continent d’harmoniser ses régulations, négocier les achats groupés, et fabriquer ses propres médicaments. Cette impulsion africaine s’est encore renforcée au cours de la crise sanitaire. Dans l’adversité, Afrique et Europe ont travaillé ensemble au développement d’industries pharmaceutiques, biotechnologiques et médicales sur le sol africain.
L’Europe soutiendra le transfert de technologies et le développement de plusieurs centres de production régionaux en accord avec l’Union africaine et les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique), qui ont récemment lancé les partenariats pour la production de vaccins en Afrique (PAVM).
Associée à ses partenaires africains et internationaux, l’Europe prend déjà une part active à des projets prometteurs sur l’ensemble du continent, et peut compter sur la participation renforcée des CDC Afrique, que l’Union africaine vient d’ériger au rang d’agences de santé autonomes, une réforme cruciale pour améliorer la réactivité régionale lors d’épidémies et renforcer les systèmes de santé nationaux.
Recul du VIH, de la tuberculose et du paludisme
Pour concrétiser ses projets, son ambition et sa vision en matière de santé publique, l’Union africaine doit désormais continuer d’affirmer son engagement et sa détermination dans le cadre de la relation euro-africaine. Dans cet esprit d’engagement et de responsabilité, cinq pays membres de l’Union africaine – l’Afrique du Sud, le Kenya, la République démocratique du Congo, le Rwanda et le Sénégal – lanceront officiellement dans quelques jours la campagne de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont la levée de fonds prévue à l’automne 2022 constituera sans doute, pour notre continent, l’événement le plus important de l’année en matière de financement de la santé publique.
Ensemble, la Commission européenne et les Etats membres de l’UE représentent près de la moitié du financement total du Fonds mondial. Grâce à l’importante contribution de l’Europe au Fonds mondial, le nombre de décès causés chaque année par le VIH, la tuberculose et le paludisme en Afrique a été réduit de 41 % en vingt ans. Le Sénégal, qui s’est déjà distingué comme un modèle en Afrique de l’Ouest en devenant contributeur du Fonds mondial et en augmentant les financements nationaux pour la santé, a vu ses investissements récompensés par des avancées notables dans la lutte contre les trois maladies.
Nous avons ainsi, entre 2015 et 2019, placé 77 % des personnes vivant avec le VIH sous traitement antirétroviral, et réduit les décès dus au paludisme et à la tuberculose de respectivement 51 % et 15 %. Ce sommet qui s’ouvre aujourd’hui à Bruxelles sera crucial. Il donnera le ton d’une année décisive pour la santé mondiale, au cours de laquelle nous devons à la fois accentuer nos efforts pour venir à bout du Covid-19, tout en continuant à lutter pour mettre fin au sida, à la tuberculose et au paludisme, assurer la relance de nos économies et renforcer nos capacités de préparation aux futures pandémies.
Ce sommet sera aussi celui qui changera, pour de bon, le paradigme de la coopération entre l’UE et l’Afrique, que nous souhaitons voir fondée sur une relation de partenariat entre pairs, sur la base d’objectifs partagés. La santé en est un.
En qualité de président de la République du Sénégal et président de l’Union africaine, et coorganisateur de la réunion préparatoire de la septième Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial, j’appelle l’Union européenne, ses Etats membres et la communauté internationale à renforcer sa collaboration avec le Fonds mondial et l’ensemble des organisations multilatérales de santé afin que nous puissions, ensemble, continuer à sauver des vies et préserver nos perspectives communes de développement équitable et durable.