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Sans spectacle et sans sou : le roi You ou le chant du cygne

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L’image de l’encensoir traverse les époques mais, telle L’étoffe qui ne défraîchit pas, garde ses tons étincelants. « Quiconque descend de l’encensoir pour s’installer sur celui d’autrui court le risque de voir celui-ci se briser ». C’est la célébration de l’authenticité, une invite à rester sur ses valeurs et ses avoirs. Une route à arpenter afin que se réalise son destin. Youssou Ndour pourrait consacrer une chanson à cette sagesse populaire, lui, le « Gawlo », engagé dans la politique du « Yonou Yokkouté » après avoir marqué sa présence dans le camp des anti-Wade sous le cri de « Fekke ma ci boole ». Macky Sallréalise son destin présidentiel. Youssou Ndour lâche – momentanément ?- son destin d’artiste interplanétaire. L’interprète de « Wiri wiri » doit entendre résonner, au plus profond de lui, ce refrain : «So khamatoul fanga dieum, deloul fa nga diouguè» (si tu ne sais pas où tu vas, retourne d’où tu viens ». Un joli remake de «Euleuk sibir» proviendrait de l’engagement, à ses côtés, de son ancienconseiller au ministère de la Culture, Oumar Pène. L’interprète de «Reer» : «Yow da nga reer, yow,baayi nga sa yoon» (tu t’es perdu pour avoir quitté ton chemin). « Le Pays au Quotidien » répond à quelques interrogations sur la carrière de l’artiste et sur la nouvelle trajectoire de figure du champ politique et citoyen.

LE CHŒUR DU PEUPLE – Dans un Sénégal qui a été traversé par un grand vent de contestation, les attentes populaires sont très pressantes. La demande sociale est toujours la reine des arènes publiques. Elle est là, invaincue depuis le Président Diouf. Malgré ses belles réalisations en matière d’infrastructures et de soutien aux secteurs sociaux comme la santé et l’éducation, le Président Wade s’est heurté au feu ardent de l’impatience d’un peuple qui veut vivre mieux. Une situation exploitée par une classe politique qui, avant le 23 juin 2011, avait du mal à mobiliser les foules. Niasse, Tanor, Idy, Macky et autres se sont opportunément agrippés à ce train de la contestation pour rebondir. Youssou Ndour s’est illustré dans cette lutte. Porté par la poussée populaire faite d’informations crédibles comme d’exagérations politiciennes, le coefficient de bravoure nécessaire à ces leaders n’était plus élevé. Il suffisait de se laisser emmener par l’ouragan. Parader aux places de l’Obélisque ou de l’Indépendance était une question de trou dans son agenda. Et certains « leaders » n’avaient que ça à faire… Comme Idrissa Seck, Cheikh Bamba Dièye et Ibrahima Fall, You a pris un abonnement aux rendez-vous de 16-18 heures du centre-ville. Au point de ramasser et de médiatiser un bobo suite à une charge policière sur l’AvenuePeytavin. You a hésité un moment à répondre à l’appel de Macky Sall à la veille du scrutin du premier tour. Au second tour, il a apporté un soutien résolu au futur Président. Par ses propres moyens, il a tenu un forum à KharYalla puis sur sa télé, la TFM pour, enfin, visiter des villes.

LA PERTE D’INFLUENCE – Une des 100 personnalités les plus influentes au monde, selon le magazineTimes, il y a quelques années. Une influence qui se dilue, aujourd’hui, dans le flot des visages et des voix se réclamant, tous, de la légitimité des suffrages du 25 mars. La logique politique est celle du résultat. Après la victoire, les conditions de conquête du pouvoir renforcent l’impatience des Sénégalais à constater une nette amélioration de leur quotidien. L’électricité est encore un trou noir, malgré les critiques les plus acerbes sur le Plan Takkal. La consommation est un combat de Sisyphe à cause de la non-maîtrise de la structuration des prix, le mode de taxation par l’Etat et la prise d’otages avec rançon (prix majorés) à laquelle procèdent les commerçants. La santé et l’éducation sont toujours des pépinières d’agitateurs allongeant, sans discontinuer, les revendications. Le monde rural est le pays des complaintes, capable de faire et de défaire des indices de popularité. La sécurité est encore un champ de bataille contre les mauvais citoyens tentés de faire l’ordre du canif et de la machette. Dans ce flot d’urgences, You n’est pas l’icône la plus visible, d’autant que l’Etat fait de la traque des biens supposés mal acquis une priorité. L’image, même reluisante, d’un artiste mondialement connu;passe après celle d’Aminata Mimi Touré, une dame que le monde découvre à travers sa hargne à créer les conditions de recouvrement de « fonds publics ». Une dame que la plupart de ses compatriotes découvraient, surtout ceux qui n’avaient pas forcément un œil rivé sur une Gauche en mal d’assise populaire. Entré dans le Gouvernement, You est jugé, non pas sur ses beaux accomplissements d’artiste, mais sur des paramètres communs à tous les acteurs de l’action publique : le résultat et les compétences dans l’agenda de la République.

LE CONFLIT D’INTERETS – Ministre de la Culture et du Tourisme, la chronique publique l’a plus attendu sur le premier portefeuille pour deux raisons : l’aura de l’artiste et le conflit d’intérêts. L’artiste a joui, dans de larges parts de l’opinion, d’une opinion favorable pour, enfin, donner ses lettres de noblesse à un département caractérisé par l’instabilité dans ses choix de programme comme dans la nomination des hommes et femmes chargés de l’animer. En douze années, Wade a « grillé » un dizaine de ministres ! Aucun d’entre eux n’a pu mettre en musique une politique cohérente et profitable aux acteurs. Les revendications restent importantes : un accès au crédit, un appui institutionnel plus franc à l’initiative privée, un cadre règlementaire adapté aux besoins de l’industrie culturelle, une couverture sociale et une retraite plus apaisée. Youssou Ndour a réussi à faire nommer son collaborateur au sein de son mouvement, Mounirou Sy, à la tête du Bureau Sénégalais du Droit d’Auteur (BSDA). Il était critiqué par des artistes comme Ouza avant de quitter. Le Tourisme et les Loisirs attendent un meilleur sort. Il loupe son bras de fer avec Racine Sy, boss du King Fahd Palace, sur les conditions de cession de l’ancien hôtel le Méridien Président. Il le clame : son image est utile au Tourisme. Mais suffit-il de recevoir le Président du FC Barcelone, son ami Sandro Rossell, pour que tout roule comme un ballon entre les pattes de ce diable de Messi ? Suffit-il d’avoir été à la table de Bono pour que la perception que le monde a du Sénégalchange ? Suffit-il d’avoir été au G8, comme porte-voix de l’Afrique, pour que tout ce qu’on touche soit de l’or ? Le Tourisme ne vit pas de l’aura de l’homme chargé de le réanimer. C’est un secteur éminemment économique. A l’instar de l’économie maritime et de l’économie numérique, il ne serait pas injuste que le Président Macky Sallgratifie You du titre de Ministre de l’Economie touristique pour mieux cerner le contenu. Celui-ci n’est pas que ludique. Le loisir et la touche exotique sont les ingrédients d’un secteur dont le sort est étroitement lié à la qualité des infrastructures routières et aéroportuaires, la sécurité, l’environnement, le cadre de vie, la culture, etc. Les Tour Operators peuvent adorer You l’artiste. Seulement, il faut que You-le-ministre trouve les moyens de les convaincre que la destination Sénégal est compétitive dans ses coûts comme dans ses symboles à apprécier.

LA PRESSE SOUS PRESSION – Une histoire de salaires sur un fichier introuvable comme un fantôme sur la baie de Soumbédioune ! C’est ce gros prétexte qui a envoyé les agents du Groupe Futurs Medias dans la rue, brassards rouges au poignet et mots de dégoût à la bouche. Y compris des coups au-dessus du nœud de pagne… C’est un fait inédit pour une entreprise de presse en pleine croissance depuis une dizaine d’années. « L’Observateur » est une réalité admirable dans le champ médiatique. La « RFM » est un grand forum pour politiques, intellectuels et anonymes d’un Sénégal qui a soif de transparence et de contribution populaire à la gouvernance. Puis, est arrivée la « TFM », une agora avec son large plateau d’idées (débats, entretiens, reportages) et ses coquetteries cathodiques (spectacles, talk-shows). L’enfant a grandi et devient turbulent, suscitant jalousies et rancœurs. Le bulletin de salaire est l’objet de toutes les démesures ! De quoi embarrasser l’’interprète de «Salagne Salagne». En partant au Gouvernement, Youssou Ndour a pris le soin de mettre en place une équipe dirigeante autour du duo Mamoudou Ibra Kane (Directeur général) et son fils Birane Ndour (Directeur général adjoint). Insuffisant pour le tenir à distance de cette journée noire pour son image ! La frustration est une page sombre sur l’image de Youssou Ndour, même si celui-ci observe très attentivement, et de façon éloignée, le mouvement d’humeur.

LE PRESIDENT DU MBALAKH – Qui ne se souvient pas de la boutade d’un célèbre patron de presse lorsque Youssou Ndour a rendu publique sa volonté de briguer la magistrature suprême ? « Il cherche à devenir Président de la République ? N’est-ce pas mieux d’être le Président du Mbalakh ? » Certains peuvent y voir une dérision contre la musique Mbalakh. Pourtant, il y a une belle plage de vérité dans cet avis. Il est gratifiant d’avoir à ses pieds des milliers de mélomanes à Bercy voire des centaines de millions de fans en Afrique et au moins un milliard dans le monde ! La musique est du domaine de la raison, mais elle est aussi le champ privilégié de l’émotion, dans le réconfort que les uns et les autres y trouvent. Sûr qu’en réunion du Conseil des ministres, le titulaire du portefeuille du Tourisme et des Loisirs est contraint à écouter religieusement des « personnalités » qui auraient fait des pieds et des mains pour qu’il les cite dans une chanson. La politique est noble dans la prise en charge des aspirations populaires, mais la politique politicienne est le pic rugueux des laideurs et des ingratitudes. Du jour au lendemain, le héros peut être mis à nu et démythifié. Le roi You, artiste-musicien, est intouchable grâce à son talent et ses attributs de légende. Youssou Ndour, l’acteur politique, est une cible, plus que les petits coups bas du monde de la musique et des médias. Son odyssée politique est en train d’être écrite. Pour le moment, c’est avec l’encre ordinaire des traversées périlleuses. Demain, cela peut être une épopée lorsque les Sénégalais se rendront compte que « Yonou Yokkouté » a changé leur vie. Au cas contraire, il serait l’acteur sans gloire (politique) d’une mésaventure qui aura mis entre parenthèses ses larges parts de légende. Comme réconfort, il faudra alors écouter ses « rétros » ! Les légendes ne meurent pas, ils se perdent en cours de route…

AMADOU LAMINE NDIAYE

Le Pays au Quotidien

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