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Sauvé par la science: l’enfer de Ndongo Fall, accusé de viol, blanchi par un test d’Adn

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L’instituteur Ndongo Fall qui, après 11 ans de bons et loyaux services dans l’enseignement s’est retrouvé au fin fond d’une cellule à Rebeuss pour viol suivi de grossesse sur une ancienne élève de 13 ans, doit une fière chandelle à la science. C’est grâce à un test d’Adn qu’il a été relaxé par le Tribunal des flagrants délits. Récit poignant d’un homme qui a touché le fond, mais qui a toujours cru que la vérité finira par éclater.

Elles m’ont dit : « jamm la dou jamm »

« Je me nomme Ndongo Fall, instituteur en service à l’école publique élémentaire Seydou Nourou Tall, Unité 2 ex-Parcelles Assainies. J’ai été accusé de viol suivi de grossesse et le Tribunal m’a relaxé après les résultats des tests d’Adn qui ont conclu que je n’étais pas le père biologique de l’enfant de mon ancienne élève. Le 21 juillet, vers 19 heures, au lendemain du démarrage des épreuves du Bfem, une dame du nom de Khady Niang, accompagnée de sa fille Maguette Sarr, est venue au secrétariat du Bfem de ladite école. Maguette, qui m’avait appelé trois fois, m’a dit qu’elle avait besoin de moi. Je l’ai reçue devant M.Guèye, Président du jury d’alors et un collègue, El Hadji Mamadou Baré Ndiongue. Je lui ai demandé de s’asseoir, elle m’a dit qu’elle doit partir. En l’accompagnant, à deux mètres des robinets, j’ai trouvé sa maman. Maguette me dit que c’est en réalité cette dernière qui a besoin de moi. J’ai voulu savoir ce qu’elles me voulaient, elles ont répondu que « jamm la dou jamm ». Je leur ai donc dit que puisque je suis dans un lieu de travail, il est préférable que l’on s’isole à la maternelle.

A l’intérieur de la pièce, la tante m’a dit que c’est sa nièce Ndèye Coura Niang, mon ancienne élève, qui est en état de grossesse de 4 mois et ½ et qui dit que c’est moi le père de l’enfant qu’elle porte. Je sentais le sol se dérober sous mes pieds, j’étais dans tous mes états. J’ai élevé la voix et le Président de Jury et Ndiongue sont venus s’enquérir de la situation. Je leur ai expliqué. Ils se sont proposés de faire la médiation auprès de la famille de la fille, je leur ai dit que ce n’est pas avec mon consentement. Puisque je vis avec mon père et ma mère, envers qui j’ai le plus grand respect, je leur ai aussitôt rendu compte fidèlement, pour qu’ils n’apprennent pas l’histoire ailleurs.

Le 2 août, c’était le deuxième tour du Bfem, deux éléments de la Brigade de recherches de la Gendarmerie de Colobane sont venus vers 9 heures et m’ont trouvé au secrétariat. L’un d’eux a sorti sa carte professionnelle et m’a dit que c’est à propos du dossier qui m’oppose à mon élève Ndèye Coura Niang. Ils étaient venus pour la reconstitution des faits. J’ai appelé mon père qui est venu sur le champ ».

« Elle a dit que je me suis assis sur ses mains et j’ai abusé d’elle »

« Ndèye Coura est venue. On lui a demandé de dire dans quelle position nous étions quand j’ai abusé d’elle pour la première fois. Nous sommes entrés dans la classe. Elle a raconté que je lui ai attaché les mains, mis des bouts de papier-journal dans sa bouche que j’ai pris le soin de bâillonner. Ensuite, je me suis assis sur ses mains et j’ai abusé d’elle. Incroyable ! Son seul témoin serait un gardien de l’école. Nous en avons deux. On est parti voir celui qui était sur place, Ndèye Coura a dit que ce n’est pas lui. Si ce n’est pas Jean, c’est Paul. Il s’est trouvé que le second gardien qui s’occupe de l’entretien était au village pour les vacances. Elle a dit que la deuxième fois, je l’ai violée chez moi à l’unité 4. L’école et mon domicile font 10 à 15 minutes de marche. Les gendarmes étaient en 4X4, mais elle leur a fait perdre du temps avant de trouver la maison. La veille, j’ai rencontré la fille de sa tutrice, Maguette Sarr qui était sans doute venue en reconnaissance. J’habite au premier étage, mais quand elle est venue, elle a fait monter les enquêteurs au deuxième où logent mes parents. On a déposé la fille chez elle et j’ai été directement conduit à la brigade de recherches. On m’a conseillé d’avouer, pour en finir au plus vite. J’ai dit aux gendarmes que même si on me mettait un couteau à la gorge, je ne reconnaîtrai jamais un délit que je n’ai pas commis ».

« Je n’avais que mes sous-vêtements à la gendarmerie »

« On m’a enlevé tous mes habits. Je n’avais que mes sous-vêtements sur moi. Je me suis senti humilié. On a commencé l’audition entre 9 heures 30-10 heures. Je suis sorti de la gendarmerie à 21 heures. Les enquêteurs m’ont demandé ce que je propose, je leur ai suggéré que l’on fasse des tests d’Adn à la naissance de l’enfant. S’il s’avérait que j’étais le père, j’étais prêt à croupir en prison le restant de ma vie. Puisque l’enquête suivait son cours, ils m’ont dit de les avertir même si je me déplace à l’intérieur du Sénégal. Chaque fois qu’il y avait un élément nouveau, on m’appelait. C’est dans le cadre de l’enquête que j’ai fait la connaissance d’Almamy, lors de la confrontation. Il serait le petit ami de Ndèye Coura et serait venu plusieurs fois la chercher à l’école. Je parle au conditionnel, parce que je n’ai pas la preuve. Le dimanche 13 décembre, après la prière de 14 heures, mon téléphone sonne. C’était la gendarmerie qui me convoquait pour le lendemain. Je m’attendais aux tests. Quand je suis arrivé, on m’a déféré devant le Procureur. C’est comme ça que je suis allé en prison. Je ne suis rentré chez moi que le 1er mars, quand les résultats des tests d’Adn m’ont blanchi ».

« La science qui m’a sauvé »

« La première audience, prévue le 15 décembre, a été renvoyée. Il y a eu d’autres renvois. On a fait deux heures de débat à une audience, avant que le Tribunal ne décide de convoquer un témoin clé. Finalement, la dernière audience s’est tenue mardi 28 décembre à huis clos. On a mis l’affaire en délibéré et je suis resté 77 jours en détention. Devant la barre, l’élève a dit qu’elle n’a jamais connu aucun autre homme que moi. Devant mes dénégations, les tests ont alors été effectués. J’ai appris les résultats depuis ma cellule. Les spécialistes ont clairement dit que je n’étais pas le père de l’enfant. (Ndlr : il nous remet les résultats). J’ai aussitôt dit que c’est la science qui m’a sauvé. Ma famille s’est aussi investie dans cette affaire et nous avons tous souffert. Ce qui m’a fait le plus mal dans cette affaire, c’est qu’en tant que jeune, on ne peut dire qu’on ne commettra jamais d’erreur dans sa vie. Ma sœur travaille dans la même école que moi. La « ndieuké » de ma femme, qui est une collègue, y est aussi. Si je devais perdre la tête au point de violer une de mes élèves, je ne l’aurais pas fait dans cet établissement. Pareil pour chez moi ».

« C’est Taïb Socé qui a dirigé ma dernière prière de Takoussan à Rebeuss »

« Un collègue m’a raconté que la tante de la petite lui a dit qu’elle était prête à renoncer à sa plainte si j’acceptais de baptiser l’enfant et d’épouser sa nièce. J’ai refusé de céder à un tel chantage. J’ai eu très mal, en voyant mon nom traîné dans la boue dans la presse. Pour ce qui concerne mon boulot, mon directeur a saisi l’autorité départementale ; l’inspecteur a avisé l’inspection d’Académie, qui a transmis au ministère. Mais depuis les faits, puisque la procédure était enclenchée, je reste chez moi, en attendant le certificat de prise de service. Mon directeur, dès ma sortie, a pris le certificat d’élargissement et les rapports de l’Adn pour rectifier le tir. Je ne souhaite la prison à personne, même pas à mon pire ennemi. Il n’y a rien de plus dur, surtout quand on n’est pas coupable ».

La vie en prison

« A l’arrivée, on nous met tout nu, c’était des moments terribles ! Il y a des choses que je n’ose même pas raconter. J’étais dans la chambre 42, Modibo Diop et Taïb Socé sont dans la 43. C’est Taïb qui a dirigé ma dernière prière de Takoussan à Rebeuss. Ils ont l’air d’aller bien. En tout cas, aussi bien qu’il est possible de l’être entre quatre murs. La première nuit était la plus terrible et la plus longue de ma vie, malgré le conseil de l’assistance sociale. J’ai passé la nuit avec mon costume que j’avais porté pour aller au travail. C’est comme si j’étais dans un autre monde. Ces moments resteront à jamais gravés dans ma mémoire. Aux acteurs de la justice, je demande humblement de faire plus attention dans les cas de viol, parce qu’on peut bousiller la vie d’un honnête citoyen sur la base des accusations d’une personne. Ce qu’on a l’habitude de dire, c’est que si la plaignante désigne quelqu’un parmi des centaines d’individus dans son entourage, c’est que c’est lui. Ce n’est pas toujours le cas, qu’on fasse attention ».

Propos recueillis par Hadja Diaw GAYE

lasquotidien.info

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