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Sémaphore: «À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire»

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L’année 2020 a vécu. Le virus Covid-19 est toujours vivant, et s’est même mué en un variant réputé être plus létal que l’original de Wuhan.

Une année catastrophique pour le tourisme, complètement mis à genoux.

Pour l’Organisation Mondiale du Tourisme, OMT, rien que sur les dix premiers mois de l’année 2020, le niveau de pertes enregistrées dans le secteur a été au moins dix fois supérieur au total des pertes occasionnées par la crise financière de 2009. C’est-à-dire 935 milliards de dollars US, d’exportations, à quoi il va falloir ajouter 174 millions d’emplois menacés de disparition.

La même OMT, inquiète de l’effondrement de la touristicité de ses pays membres, parlait de relance responsable à Davos. Pour l’Organisation mondiale, un rebond devrait s’opérer dès le deuxième semestre 2021.

Voilà que l’actualité du Covid réduit une telle prévision à un vœu pieux, avec la deuxième vague qui fait corser toutes les restrictions, dans quasiment tous les pays.

Et le Sénégal n’y échappe pas, où le couvre-feu instauré il y a une dizaine de jours, est encore prolongé, en guise de riposte à la multiplication des contaminations et des décès.

 Pourtant en fin d’année, peu avant même la découverte de vaccins, le bilan n’était pas encore aussi macabre et l’espoir d’une reprise renaissait çà et là, avant d’être dissipé par un relâchement dans l’application des mesures barrière, combiné à une amplification imprévue de la pandémie.

 Et alors, retour aux mesures initiales de restrictions que sont le confinement, la quarantaine forcée, l’état d’urgence souvent assorti de couvre-feu…  

Voilà qui caractérise désormais le contexte global, à l’échelle de la planète.  

Et quasiment tous les secteurs d’activités se trouvent négativement (ré) impactés, même si à des degrés divers. 

Et dans ce tableau lugubre, le tourisme, complètement mis à genoux, fait figure de principale victime ; directement suivi de son frère jumeau, le secteur culturel. Il reste entendu qu’aucun des autres secteurs auxquels le tourisme_ par essence transversal_ est étroitement connecté, n’est resté indemne. Nous avons choisi de parler de secteur culturel, et de manière plus globale, de Culture. Au-delà du folklore. Allusion aux industries culturelles, sous un angle purement marchand.

Le choix porté sur le culturel parmi les secteurs dans la proximité immédiate du tourisme ne saurait être fortuit. Les deux, le Tourisme et la Culture, entretiennent une relation presque intime : le tourisme se vend par les atouts culturels du pays, lesquels en revanche, à l’exemple de l’artisanat (d’art), constituent pour le touriste, des produits de forte « consommation ».

Tourisme et Culture, même combat !   

Et dans le présent contexte de crise sanitaire et d’asphyxie économique, les deux se trouvent être comme des compagnons d’infortune.

La fin de l’année, période habituellement faste, a été, pour beaucoup de catégories socio professionnelles, l’occasion de contester les mesures restrictives imposées. Dans le vaste mouvement de contestation, les acteurs culturels se sont mis en première ligne un peu partout.

En France, ils ont même esté en justice, en saisissant le Conseil d’État. Au Sénégal, malgré l’interdiction, les acteurs culturels, confinés par décision du Protecteur des Arts, ont organisé un sit-in. Et obtenu, en lieu et place de gain de cause, une deuxième manche d’un soutien financier des pouvoirs publics. Loin du compte. Mais, les mesures restrictives imposées sinon à tous au moins à la plus grande partie de la population, sont censées juguler la propagation de la maladie. Et le Protecteur des Arts se trouve aussi être avant tout Protecteur de tous les Citoyens.

Un acteur culturel, il est facile d’en convenir, devient systématiquement un sinistré dès lors qu’on l’empêche de produire et/ou de se produire. Mais un acteur culturel est d’abord un citoyen à protéger, qui doit accepter la réalité.

Et Mbày Jèey Fày, accessoirement parolier, percussionniste de son état, pour le prendre en exemple d’acteur culturel, est bien placé pour justement ne pas comprendre tout ce qui nous arrive avec cette pandémie. Pour quelqu’un comme lui dont toute la percussion est basée, selon ses propres mots, sur le gai triptyque « mbaas, mbëpp, mbëfër », trois sonorités du mballax popularisé par son mentor, voir son quotidien désormais rythmé par un autre triste triptyque « mbas, mbëkk, mbënn », c’est-à-dire pandémie, émigration mortelle, inondation, revient à vivre avec le sentiment que « le monde s’effondre ».

De toutes façons, avec Covid-19, pour tous, le monde n’est pas loin de s’effondrer.

En nous appesantissant sur le secteur culturel et ses acteurs, nous comptons magnifier le rôle de la culture dans la promotion du tourisme de manière générale.

Beaucoup de destinations touristiques sont cataloguées « culturelles » par les professionnels de l’industrie du tourisme.

En outre, sur le continent africain et dans beaucoup de pays dans le monde, et ce n’est pas fortuit, le département en charge du tourisme porte la dénomination « Ministère du Tourisme et de la Culture » ou dans l’ordre inverse, ou même « Ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme ».

Au Sénégal, nous l’avons expérimenté par deux fois. Après 2000. Malheureusement pour un temps très court à chaque fois et sans grand succès.

Toutefois, nous n’avons point attendu cette combinaison Ministère de la Culture et du Tourisme, pour intégrer des pans de la culture dans le dispositif de promotion du tourisme. Aux actions de promotion conduites par le Département du Tourisme, surtout pour les Semaines Sénégalaises organisées alors sur les principaux marchés émetteurs, Daniel Sorano, et le Village Artisanal de Sumbejjun, et même quelques fois le Commissariat aux Expositions d’Art à l’Étranger, étaient étroitement associés à l’organisation. Avec in fine, une participation active. De même, toujours dans le cadre de la promotion, des troupes indépendantes comme le Baka Lama étaient périodiquement mises à contribution.

C’est que le Sénégal, qui a fait une option forte pour le tourisme, a su s’appuyer depuis le début sur les agents culturels, artistes et autres acteurs, pour forger une bonne image du pays et le positionner comme destination touristique.                     

Le Festival Mondial des Arts Nègres initié par le Président Senghor, constitua un tournant dans la perception culturelle de l’Afrique, confortant du coup le Sénégal dans sa vocation culturelle.

Nous ne visons pas l’exhaustivité, en mentionnant ci-après, quelques noms parmi ceux qui ont contribué, qui contribuent au rayonnement du Sénégal, destination de tourisme.

Des ténors de la chanson émergèrent : Sombel Fay, Laay Mbuup et Njaga Mbay à côté des cantatrices Maa Hàwa Kuyaate, Xàdi Juuf, Faat Caam Samb, Mbana Joob, et autre Xaar Majaaga Mbày, furent de véritables porte-voix du folklore. À côté et ensemble avec des virtuoses des cordes comme Lalo Kebaa et Sunjulu à la kora, Samba Jàbare et BuKunta au xàlam tous très souvent immortalisés par l’as de l’image, Saala Kase. À un moment où, le Théâtre National Daniel Sorano, érigé par les bons soins du poète Léopold Senghor, constituait le creuset de toutes les composantes artistiques du Sénégal dans le dramatique, dans le lyrique et autres, à côté du mythique Duudu Njaay Roos, maitre incontesté de la percussion.

De même, Ndey Xàdi Niang fut une révélation, un véritable phénomène de la nature dont les pas de danse mais surtout les déhanchements uniques très vite devinrent légendaires.              

Qui dit percussion pense danse. Et dans la foulée Mudra Afrique fut porté sur les fonts baptismaux une décennie plus tard. Un véritable temple de la chorégraphie africaine, ayant conquis une notoriété internationale.

 Pour le poète, « je danse l’autre, je chante l’autre, donc je suis ! » 

Dans le même temps, des arts visuels confortaient leur place, le plastique s’imposant surtout avec Papa Ibra Taal. La reconnaissance fut consacrée par la naissance des Manufactures Sénégalaises des Arts. Et plus tard, le plastique fut l’objet d’un grand évènement de prestige international connu sous le nom de Biennale des Arts, rebaptisée Dak’Art , homonyme de la capitale mythique qui l’abrite.

Autre art, autre développement. Après l’ancêtre, le Festival Mondial des Arts Nègres initié par le Président Senghor, les festivals se sont multipliés en se spécialisant dans les thèmes.

À titre d’exemple, le Festival de Jazz de Saint-Louis constitue pour beaucoup de mélomanes outre Atlantique une motivation pour visiter le Pays de la Téranga.

 Jusqu’en février 2020, le pays a su se maintenir comme destination qui compte sur l’échiquier touristique africain.

  Gageons que le tourisme international survivra au Covid-19, comme ce fut le cas avec les crises qui l’ont précédé. En attendant d’autres crises car il y en aura toujours.

C’est la marche normale de l’Humanité.

D’ores et déjà, les acteurs sur le continent doivent assimiler la leçon de solidarité enseignée par la pandémie, pour réfléchir à des schémas de mutualisation de leurs actions et de promotion et de développement du tourisme.

Surtout que, cet été, tous ont pu être témoins de la campagne menée par les décideurs des pays émetteurs pour un tourisme intérieur, à l’exclusion du long courrier, c’est-à-dire des destinations d’Afrique par rapport à l’Europe ou l’Amérique.

Si tant est que la notion de « long courrier » a encore un sens.

Nous nous posons la question parce qu’au milieu de la tempête cet été, la France dissuadait les Français de se rendre au Sénégal par exemple, naguère sa première destination long courrier, à seulement 5.000 (cinq mille) kilomètres de distance. Et sans sourciller, la même France, dans le même temps, exhortait ses ressortissants à aller en Nouvelle Calédonie, territoire français situé à seulement…16.000 (seize mille) kilomètres de Paris.

Elhadji Aziz Guèye

PS : La semaine dernière, le 19 courant, s’est tenue au Siège à Madrid l’élection du Secrétaire Général de l’Organisation Mondiale du Tourisme.

Le sortant, Monsieur Zurab Pololikashvili, ressortissant de la République de Géorgie dont il était l’Ambassadeur en Espagne, était candidat à sa propre succession. Face à presque personne, même s’il y a eu au moins sept autres candidatures déclarées.

Des sept dossiers de candidatures, Monsieur Pololikashvili fit invalider six par ses services, laissant « passer » la candidature de Madame Shaikha Mai Bint Muhammad Al Khalifa du Royaume de Bahrein.

Tout en violant la date retenue pour l’élection, prévue pour se tenir en Mai pour raisons de Covid-19, le sortant a refusé le mode virtuel pour la réunion sachant que toute présence physique des Ministres du Tourisme était hors de question dans une Espagne en confinement et sous tempête de neige. En outre, la pétition invitant à la descence, initiée par deux anciens Secrétaires Généraux de l’OMT, un ancien Secrétaire Général Adjoint et un ancien Directeur Exécutif, signée de ressortissant de 125 pays membres de l’OMT et remise au Siège de l’ONU, fait état d’une promesse non tenue, faite antérieurement de réviser le processus électoral du Secrétaire Général.

Bref, la (ré)élection s’est faite de manière peu orthodoxe, même si, très fairplay, Madame Muhammad Al Khalifa qui a obtenu neuf voix, a félicité le « gagnant ».

On attend l’Assemblée Générale prévue au Maroc en fin d’Année pour être fixés.

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