Senelec et Itoc devant le juge dans l’affaire de la cargaison « GREEN POINT »: Révélations sur un bras de fer

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Itoc Sa et Senelec seront devant la présidente du tribunal hors classe de Dakar, aujourd’hui à 13 heures. Le contentieux a franchi le terrain judiciaire depuis avant-hier. À la suite d’une lettre de Senelec, qui révèle qu’elle ne dispose plus que d’une autonomie de 48 heures, Itoc a craché, sous la plume de son Pdg, ses vérités pour mettre en cause l’impossibilité de la Senelec de mettre en place la garantie bancaire. Non sans ajouter que le produit a été bel et bien déclaré conforme après un deuxième contrôle, et qu’elle n’envisageait pas d’affréter un nouveau bateau. Itoc révèle que le bateau est resté en mer durant 40 jours, à cause de l’impossibilité de Senelec de trouver une garantie bancaire.

Bras de fer devant le juge

La teneur du communiqué conjoint de la Société africaine de raffinage (Sar) et de Senelec instruit par le Ministère de l’Energie dans l’affaire dite de la cargaison Green Point cache mal la tension qui règne entre la tutelle et le fournisseur Itoc. La nuit du mercredi dernier a été très longue. Après une réunion dans la journée, le ministère de l’Energie a saisi Itoc pour que les trois parties (le fournisseur, Senelec et la Sar) signent le communiqué conjoint. Refus catégorique de Itoc. Le Pdg de la société le fera clairement comprendre : « C’est comme si vous vouliez mettre sur notre dos les problèmes que traverse le pays ». C’est ainsi qu’Itoc a refusé d’avaliser le communiqué, devenu conjoint et non tripartite. L’As a appris que le bras de fer est pendant devant la présidente du tribunal régional hors classe de Dakar depuis avant-hier, à la suite d’une assignation de Senelec. La société nationale d’électricité demande au juge d’ordonner une expertise de la cargaison et l’acheminement d’un nouveau bateau. Les deux parties avaient été appelées à la barre hier, mais l’affaire a été renvoyée à aujourd’hui à la demande de Itoc.

Senelec ne dispose plus que d’une autonomie de 48 heures

Le contentieux a débuté à la suite d’une lettre adressée par le directeur général de Senelec le 25 janvier au Pdg de Itoc. Dans la missive à l’origine du bras de fer et obtenue par L’As, Senelec donne une information qui fait froid au dos, en reconnaissant pourtant que la cargaison avait été déclarée conforme à la suite d’un contrôle d’après blinding. « Conformément aux termes de notre contrat tripartite Itoc-Senelec-Sar, les analyses du fuel ont été effectuées par la Sar et Sgs sur des échantillons prélevés le 19 janvier 2011 sur le M/T Green Point. Ainsi, les résultats de ces analyses sur les dix cuves font apparaître une non-conformité de la viscosité ou de la densité ». Pour autant, « après plus de vingt quatre heures de brassage du produit à bord du tanker, sous la supervision d’un expert de Trafigura, un nouvel échantillonnage a été effectué le 23 janvier 2011. Bien que les résultats de cette analyse de Sgs attestent la conformité du produit, la Sar quant à elle, émet de sérieuses réserves sur la qualité du produit et par conséquent n’a pas autorisé son déchargement », écrit le Dg de Senelec. Seydina Kane ajoute : « Nous vous demandons donc de prendre toutes les dispositions nécessaires pour remplacer cette cargaison pour que nous ne soyons pas en rupture totale de stock de fuel car Senelec ne dispose plus que d’une autonomie de quatre jours ». C’est dire que d’ici 48 heures, à moins d’une alternative, le pire est à craindre. Cette lettre de Senelec a fortement courroucé Itoc qui a rédigé une réponse à son tour, non sans vider son sac et indexer les autorités.

Itoc révèle l’impossibilité de Senelec d’émettre une garantie bancaire et déballe

Le Pdg d’Itoc enfonce le clou dans la lettre obtenue par L’As : « (…) Le M/T Green Point est resté en rade de Dakar pendant environ 40 jours après votre demande de livraison « fourchette 20 décembre 2010 » du 02 décembre 2010. En effet, le bateau n’a pu tendre sa « Notice Of Readiness (Nor) » que le 10 janvier 2011. Ce long délai en rade est dû à l’impossibilité constatée de la Senelec d’émettre la garantie bancaire contractuelle, avec paiement à 90 jours, date de chargement. Ce délai anormal est à comparer au délai de 42 heures maximum à Dakar pour la livraison d’une cargaison de 33000 tonnes si toutes les conditions sont réunies ». Le fournisseur se braque et déballe : « Nous avions accepté de fixer et programmer ce bateau avec nos fournisseurs pour ne pas voir une situation de rupture totale de fuel oil 380 s’installer dans le pays ; malgré notre notification précédente de cessation de livraison notifiée par notre lettre numéro 0231/12/Pca/Asd/10 du 21 décembre 201 ; il est à noter qu’en dehors des problèmes de qualités rapportés par votre lettre nous n’avons reçu à ce jour aucune contrepartie financière pour décharger ladite cargaison, a fortiori l’autoriser à être utilisée,la Senelec restant devoir au 25 janvier 2011 environ 2,8 milliards de Fcfa sur la précédente déjà consommée ». Le Pdg d’Itoc dans tous ses états poursuit : « En dépit de cette situation anormale d’attente de 40 jours et pour les raisons précédentes, nous avons accepté de laisser le navire tendre sa Nor finale le 10 janvier 2011 et permis les premières prises d’échantillonnages par les laboratoires de la Sar et de la Sgs. Il est primaire de constater dans la profession sur une telle cargaison restée 40 jours en rade de Dakar, que les premiers résultats d’analyse obtenus montrent une densité et une viscosité non conforme, avant recirculation de la totalité de la cargaison. C’est pourquoi, après ce constat sur ces deux spécifications non conformes sur dix-sept, nous avions demandé à notre expert de venir assister à la recirculation de la cargaison et à son homogénéisation sur le bateau pour permettre les secondes prises d’échantillon ».

Le Pdg d’Itoc se braque : « Votre demande de prendre les dispositions nécessaires pour remplacer la cargaison n’est pas envisageable »

Aussi, « les analyses faites sur cette deuxième prise d’échantillons ont abouti à l’émission par les laboratoires de la Sar et de la Sgs de deux certificats de qualité séparés attestant de la conformité contractuelle du produit comme exigé par le décret 2003-415 en vigueur au Sénégal : les résultats d’analyses de la Sgs nous ont été transmis directement par cette société et ceux du laboratoire de la Sar par le consignataire du bateau. Ce n’est qu’aujourd’hui, 25 janvier 2011, soit environ 15 jours depuis que la Nor a été tendue que nous avons été informés par votre lettre que la Sar (malgré le constat fait par votre société que les résultats d’analyses de la Sgs attestent la conformité du produit) n’autorise pas son déchargement. Nous avons noté dans votre lettre la bonne foi de la Senelec et souhaitons en retour qu’elle en fasse de même pour nous ». Enfin, Itoc assène ses vérités : « Nous réfutons donc les réserves de la Sar qui n’ont pas pour nous de fondements techniques et suggérons que la Tutelle organise sous son autorité une réunion des experts de la Sar, de la Senelec, de la Sgs et de Itoc Sa, afin d’éviter au pays une possible rupture des livraisons de combustibles, rupture qui serait indépendante de la volonté de nos deux sociétés : nous dégageons notre responsabilité et réservons d’ores et déjà nos droits. Votre demande de prendre les dispositions nécessaires pour remplacer la cargaison n’est pas envisageable car nous n’en voyons ni la raison ni la possibilité ».

Manœuvres pour propulser Dangoté

Le message de Itoc est clair. Depuis des mois, les relations entre Senelec et son fournisseur se sont sérieusement détériorées. Itoc qui avait suspendu ses livraisons, avant de les reprendre sur sollicitation du Président Wade, s’était ensuite vu dire que son contrat, qui se termine en mars, ne sera pas renouvelé. En vérité, de fortes négociations sont en cours pour mettre en selle la société Dangoté dans la fourniture de fuel. Mais des sources autorisées croient savoir que les propositions de Dangoté n’arrangent pas les autorités. Est ce la raison pour laquelle le ministère de l’Energie, qui émet des réserves sur le fuel certifié conforme après un second contrôle, a saisi Itoc pour avoir 10.000 tonnes afin d’éviter une rupture du stock qui se traduirait par un black out ? Hier soir, le trader refusait cette éventualité. Sous la présidence de Cheikh Tidiane Mbaye, le conseil d’administration de Senelec s’est réuni le même jour pour se pencher sur cette situation qui pourrait déboucher sur les ténèbres.

C.M.G

Wade assène : « la meilleure communication, c’est de mettre fin aux délestages »

Hier encore, le président de la République a abordé les délestages tous azimuts à la suite d’un exposé du ministre de tutelle, Karim Wade. La campagne de communication déclenchée pour expliquer aux populations les raisons des délestages ne semble pas trop intéresser le chef de l’Etat. « La meilleure communication, c’est de mettre fin aux délestages », a-t-il asséné. Lors de l’avant-dernière rencontre du conseil des ministres déjà, Me Wade était encore revenu sur les délestages pour dire clairement qu’il ne pouvait plus demander aux Sénégalais de patienter.

C.M.G

lasquotidien.sn

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