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Série de meurtres de malades mentaux à Tamba : Sang mystique

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La succession de meurtres, orchestrés sur des malades mentaux errants, alimente les discussions dans la ville de Tambacounda. Ici, on lie la montée de ces crimes à l’ivresse du pouvoir et de l’avoir dans cette zone aurifère.
Dans les rues de Tambacounda, la peur a supplanté la bonne humeur dans le cœur des populations. Atmosphère lourde et glaciale. Les «orientaux» sont effondrés sous la succession de meurtres crapuleux dans cette ville située à l’Est du Sénégal. Depuis quelque temps, les malades mentaux errants sont devenus la cible des agresseurs et des tueurs à sang froid, tapis dans l’ombre dans la commune de Tamba­coun­da. Près d’une dizaine d’entre eux sont passés sous l’échafaud de ces «tueurs encagoulés».
Sur un ciel dégagé trône un soleil en surchauffe dans cette contrée du Sénégal qui vit les derniers instants d’une période frisquette. Dans les rues fangeuses de Tam­bacounda, les discussions sont alimentées par cette chronique de faits divers aux accents dramatiques. Longtemps diffus, le malaise est devenu public au fil des jours et des assassinats crapuleux. In­du­bitablement, la commune de Tambacounda broie le noir par ces temps qui courent. Elle est devenue le terreau fertile des agresseurs et autres tueurs à sang froid qui, depuis quelque temps, y ont élu leur quartier général, et ont fait des malades mentaux errants, leurs cibles en les tuant de manière atroce et inhumaine. La signature des criminels ne change pas d’une scène de crime à une autre : à chaque fois, une partie de leur corps est sectionnée et emportée. Et sans doute à des fins mystiques ou magico-religieuses : tête fracassée gisant dans une mare de sang, gorge tranchée, un organe toujours emporté. Dans les chaumières, des voix s’élèvent pour parler de réseaux de trafiquants d’organes humains ou d’adeptes de mysticisme.
26 juillet 2013 : la première victime a été retrouvée égorgée et jetée dans un bassin d’eau près d’une maison en construction derrière le lycée Mame Cheikh Mbaye. Ce sont des maçons qui l’ont découvert avant d’en informer aussitôt les limiers qui rallièrent les lieux. 21 août 2013 : une autre découverte macabre plonge les populations dans l’émoi. La malade mentale nommée A. Diallo aurait été violée avant d’être tuée et abandonnée avec un organe toujours emporté. 16 novembre 2013 : un sexagénaire est froidement assassiné. Les examens révélèrent qu’il aurait été battu à mort et complètement calciné juste derrière la caserne des pompiers. 23 janvier 2014 : un malade mental âgé de 45 ans et originaire de Sinthian Koundara, dans le Vélingara, est froidement assassiné. Son corps tatoué de sévices est découvert par des talibé. Son sexe a été aussi emporté. Cette découverte va jeter l’émoi et la consternation chez les populations et provoque une dé­ferlante de réactions dans la ville. Ansoumana Dione, président de l’Assamm (Association de soutien aux malades mentaux) rallie Tamba pour porter plainte contre X devant le procureur de la République le vendredi du 31 janvier 2014. Mais cette plainte ne dissuade pas les «tueurs» qui attentent le jour même à la vie d’une autre personne. Comme si de rien n’était. Prenant les choses au sérieux, le patron du Parquet de Tambacounda transporte les forces de sécurité, les sapeurs et des médecins légistes sur la scène du crime. La victime a aussi a perdu sa… pomme d’Adam et a été égorgée de sang froid.
Le 20 février 2014 : Vers 8 heures, des talibé retrouvent le cadavre d’un autre quidam qui ne jouit pas de toutes ses facultés mentales. Agé entre 17 et 18 ans, il a subi la même atrocité. 3 février 2013 : un «malade mental errant» a été aussi ciblé par les malfrats. Héroïque, il a réussi à s’échapper avec la tête fracassée.

Les populations transies de peur
Bien sûr, ces meurtres laissent enfler la rumeur de sacrifices rituels qui visent ces marginaux qui ne jouissent d’aucune mesure de protection dans ce pays. Dans cette ville, il faut savoir que religions traditionnelles, sociétés secrètes et cercles initiatiques constituent un monde parallèle dont les liens avec les politiques sont à la fois complexes, étroits et souvent intéressés. Stupéfaites et abasourdies par cette spirale de tueries des malades mentaux, les populations cherchent à trouver une explication rationnelle à ce phénomène. La réponse épouse presque l’évidence dans cette zone aurifère. «Les organes humains emportés des victimes serviraient à avoir une promotion sociale ou à attirer l’or ou détenir un pouvoir sur terre», explique un «féticheur» qui connaît les arcanes de ce monde interlope. Un autre renchérit : «Jusqu’à preuve du con­traire, les travailleurs des (diouras), lieux où l’on recherche l’or, ne sont pas épargnés. Gé­né­ralement, les dieux des diouras demandent des humains comme sacrifice.» «Au­jourd’hui, les gens n’ont plus foi en Dieu et sont prêts à consentir à toute action ou pratique pouvant leur permettre de réussir ici-bas. Pour la promotion sociale, pour le pouvoir, pour trouver l’or, ils sont prêts à tout, même sacrifier une vie humaine. Et c’est seulement pour ces raisons évoquées, que ces fous sont la proie des malfaiteurs», regrette-t-il. «Qu’Allah les maudit et les livre aux forces de sécurité. Il faut que les gens retournent à Dieu et sachent que le pouvoir et l’argent sont éphémères sur terre», chiale un marabout qui s’est engagé dans la traque des meurtriers.

Sacrifices rituels
Aujourd’hui, les populations ont du mal à digérer le silence «troublant» des hommes politiques. Poids lourd du mouvement hip-hop local, Omzo le Berger a pris son bâton de pèlerin pour dénoncer le comportement des responsables locaux. «Depuis l’avènement de ces tueries, aucun d’eux n’a daigné lever la voix pour fustiger ce qui se passe ou essayer d’esquisser une quelconque solution. Nous dénonçons leur comportement. Les députés, qui devaient être nos porte-voix, se sont emmurés dans un silence coupable, faisant fi de toutes nos craintes», dénonce-t-il avec fracas.
A Tambacounda, les hommes religieux ont, à l’unanimité, organisé des journées de prières dans les mosquées de la ville pour exorciser le mal et mettre hors d’état de nuire les malfrats. En attendant, les Forces de l’ordre bûchent pour démanteler ce réseau. Evidem­ment, il faudra de l’abnégation, des nerfs et de la patience pour mettre la main sur les délinquants. Jus­qu’ici, les nombreuses opérations de sécurisation de la ville combinées entre la police et la gendarmerie n’ont encore rien donné, malgré leur volonté de traquer jusque dans leurs derniers retranchements ces malfrats. Ces derniers temps, les patrons de la Police nationale et la Gendarmerie nationale ont séjourné respectivement dans la ville de Tamba­counda pour apaiser les populations.
Anna Sémou Faye et Mamadou Guèye Faye ont affiché leur intransi­geance et leur détermination à arrêter les auteurs de ces crimes «odieux». Mais, cette succession de «tueries» accable les forces de sécurité qui écarquillent les yeux pour trouver des pistes. «Nous avons des pistes et comptons bientôt démanteler le réseau. Nos forces sur le terrain abattent un énorme travail qui bientôt va porter ses fruits. Nous regrettons ce qui se passe mais pour autant, nous rassurons les populations que nous sommes à leurs côtés et veillons scrupuleusement sur elles. Seulement, nous souhaitons davantage bénéficier de leur collaboration qui sera déterminante dans le processus enclenché», demande un haut responsable de l’appareil sécuritaire de Tamba. «Je viens de discuter longuement avec le commandant de la brigade de recherches de Tamba­counda, qui est maintenant impliqué dans ces enquêtes, je pense qu’il est sur la bonne voie», rassure le général Faye. Relevant que tout le monde est concerné par ce «phénomène qui commence à prendre de l’ampleur dans la ville» de Tamba­counda, le chef de la Gendarmerie nationale a assuré que ses hommes étaient «déterminés» sur le terrain de l’enquête. «Je pense qu’avant longtemps, on pourra trouver une solution à ce problème», a réitéré le général Mamadou Guèye Faye qui a démarré sa carrière de gendarme dans la région orientale.
Pour l’instant, l’attente et la peur pèsent sur les «Tambacoundois» pressés de retrouver le calme d’antan. Dans la périphérie de la capitale de l’Est, les activités nocturnes sont réduites à la satisfaction de simples besoins vitaux : «Au­jourd’hui, aucune activité n’est envisageable dans la périphérie voire dans le centre de la ville au-delà de 21 heures. Les populations ont peur, malgré le fait que les forces de défense et de sécurité tentent de les rassurer par leur présence», regrettent les populations. Mis en supplice, les malades errent néanmoins dans cette ville en toute innocence. Comme si de rien n’était.
Correspondant

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