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Serigne Mboup, PDG CCBM: « Nous sommes méchants vis-à-vis de nous-mêmes’

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A la tête du célèbre holding CCBM, l’homme d’affaire Serigne Mboup, qui s’active dans la distribution, le commerce, l’Agriculture pour ne citer que ces centres d’activité, ne voit pas l’ouverture des frontières et l’arrivée tous azimuts d’entrepreneurs étrangers d’un œil rassurant. Autant considère-t-il que des pays comme la Chine, les Etats-Unis, la France défendent bien le business de leurs propres entreprises, autant estime-t-il que le privé sénégalais est aujourd’hui délaissé, par la faute conjuguée de l’État et des Sénégalais de façon générale. Serigne Mboup évoque la nécessaire part de marché qui doit revenir au privé local, circonscrit le rôle qu’il devrait jouer en mettant en garde contre les effets de la marginalisation des entreprises locales au profit des Chinois annoncés dans les grands chantiers à venir.

On reproche souvent au secteur privé sénégalais d’être trop faible. En tant qu’acteur économique, employeur et propriétaire d’entreprises, quelle appréciation portez-vous sur le dynamisme et le développement du secteur privé local ? 

Serigne Mboup C’est vrai que beaucoup d’observateurs disent que notre secteur privé est faible. Mais moi, je dis non, notre secteur privé n’est pas faible. Il faut plutôt dire qu’il est dispersé. Car, s’il était faible, le pays ne pourrait pas faire grand-chose, puisque c’est ce secteur privé qui alimente en recettes le budget national, à travers les entreprises sénégalaises détenues à 90% par des nationaux sénégalais.
Les entreprises étrangères qui viennent ici pour de gros projets, comme vous le savez, sont souvent totalement exonérées d’impôts. Donc, je ne peux pas dire que notre secteur privé est faible, en termes de rentabilité, de revenus et d’emplois. Le pays est construit par le secteur privé. Il suffit de promener votre regard. Si vous dites que sa représentativité dans les organisations patronales est faible, là, je suis d’accord.
On est représenté par des associations patronales, lesquelles sont traversées par des divisions, vu que personne n’a le monopole de pouvoir donner une orientation. Le deuxième aspect est que notre secteur privé n’a pas d’orientation claire qui puisse faciliter dans ses rapports avec le pouvoir public. Et quand l’État s’évertue à aider un acteur du secteur, les autres membres vont râler en disant pourquoi lui et pas nous.
C’est pour cela que l’État est même beaucoup plus à l’aise en confiant ses travaux et ses commandes aux étrangers. Et ce problème est propre aux Sénégalais, ce n’est pas une tare propre au secteur privé. Si au Sénégal, par solidarité au sein du secteur privé national, on s’insurgeait chaque fois que l’État favorise une entreprise étrangère, je pense que le gouvernement réfléchirait par deux fois avant de le faire. Bien au contraire, c’est ce qu’on confie à un Sénégalais qui constitue souvent le scandale.
Cela peut se justifier par le fait que le Secteur privé sénégalais ne semble réellement doué que

pour le commerce, d’ailleurs informel… il s’agit d’acheter  à l’étranger et de vendre au Sénégal. 

Je dis non, ce n’est pas vrai. C’est une critique que les gens font mais qui n’est pas justifiée. Je pense que le commerce, dont on dit que c’est ce que les Sénégalais maîtrisent le plus, constitue le cœur de l’économie. Acheter et vendre, c’est important. Dans tous les pays, lorsque le commerce ne marche pas, l’économie est à la traîne.
A condition que l’on vende ce qu’on produit. Mais ce qu’on voit au Sénégal, c’est que tous les produits consommés, sont importés.

C’est vrai. La raison est qu’il est plus facile d’importer et de vendre. La responsabilité en incombe à l’État, qui donne les orientations. Si la production locale avait été encouragée, les Sénégalais s’y lanceraient sans problème. Si par exemple je voulais investir un milliard dans une usine de production de jus de fruit, la matière première existe à foison, mais les problèmes seront dans l’emploi et le droit du travail, dans la fiscalité, etc.

En tant qu’industriel, vous ne pouvez pas faire comme dans l’informel. Vous devez  payer la TVA et autre. Mais  avec mon milliard, je peux me rendre en Thaïlande dans une usine de jus de fruit et acheter une grande quantité. je pourrais m’arranger en passant par l’informel et payer moins que ce que je devais payer en taxes si l’usine était installée au Sénégal. C’est pour cette raison que tous les Sénégalais visent l’informel. Mais si on avait encouragé la formalisation et la production, il n’y aurait pas eu de problème. Donc je dis qu’on a un secteur privé local solide et fort, qui n’a qu’un problème de représentativité.
Mais est-ce qu’un secteur privé doit toujours attendre un soutien de l’État ? N’est-ce pas la meilleure preuve de sa faiblesse ?

C’est une obligation pour l’État de veiller à la bonne santé du secteur privé, qui est plus ou moins sa vache laitière. Par exemple, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’État bénéficie plus que moi de mes propres activités. De quoi vit l’État ? Nous travaillons pour l’État, au vu de ce que nous reversons en TVA, en retenues sur  salaires etc.

Ce que l’État reçoit de nous est de loin supérieur à ce que nous gagnons. Alors il a bien intérêt à nous soutenir. Dans les pays développés, l’État se considère comme sociétaire, associé dans le secteur privé, qui est un bien national, qui fournit des emplois, paie des salaires et des impôts. Par exemple, si l’administration se mettait en grève pendant cinq jours, cela n’empêcherait pas le pays de fonctionner, si ce n’est un ralentissement. Mais si les boutiques fermaient, qu’il n’y ait pas de parution de journaux, que les stations service arrêtent de distribuer le carburant, ce serait la faillite nationale au bout de deux jours.

Dans certains pays, le secteur privé impose même ses idées à l’État Pourquoi pas au Sénégal ?

Oui, mais pour cela, il faut être fort et ne pas être dispersé. La force est là, c’est nous tous, c’est le secteur privé. Mais si cette force est mal représentée auprès de l’État, et qu’elle quémande presque à celui-ci, cela ne va pas.

Le secteur privé ne doit plus quémander, il doit asseoir des orientations claires et les soumettre à l’approbation de l’ÉtatOn parle beaucoup aujourd’hui du Plan Sénégal émergent (PSE) comme d’une porte de sortie de la pauvreté et du sous-développement. Quel pourrait être à ton avis l’apport du secteur privé pour sa réussite ?

Le Plan Sénégal émergent est une bonne idée, tout le monde le reconnaît. Mais ce n’est ni une invention, ni une nouveauté. Des pays s’y sont engagés et ont réussi, nous pouvons donc le réussir et je félicite tout le monde. Mais, ce qu’il faut pour le réussir, c’est une émergence des comportements. Est-ce que le fonctionnaire – je ne dirais pas payé par l’État, mais payé par le privé, par la nation – qui doit rendre service, puisqu’on parle de service public, le fait avec le sourire, avec la rapidité et avec la transparence ? Parce que c’est cela la véritable émergence.
L’émergence, c’est que l’État soit performant dans ses actions, que le service qu’il fournit soit rapide et de qualité,  que ceux qui ont droit y accède sans difficulté et que même ceux qui n’y ont pas droit, on leur explique la voie royale pour y avoir droit.

Pensez-vous  que nous soyons vraiment sur cette voie-là ?

On est loin d’être sur cette voie, c’est clair. Et nous sommes tous responsables. Souvent, on dit que c’est le gouvernement, mais ce dernier n’est composé que de Sénégalais, c’est vous, c’est nous. C’est un problème de comportement. Nous du privé avons beaucoup de défauts, chacun regardant ce que fait l’autre, s’évertuant à lui mettre des bâtons dans les roues et pensant qu’il est le seul à avoir le droit de vivre.
Et le jour où nous comprendrons que le monde, c’est du gagnant-gagnant, que chacun voit son intérêt à côté de celui de l’autre, que l’État assure le service public, nous pourrons alors parler de PSE. Car le PSE est couché sur papier, mais on ne sait pas encore comment le mettre en œuvre, comment l’appliquer. Tout cela requiert une bonne information, une bonne communication et un dynamisme qui mettra tous les Sénégalais dans le bain. Il faudrait pour le PSE qu’au sommet de l’État, on sente que la production locale est encouragée, qu’on encourage le privé local, que le service de l’État soit rapide, efficace et transparent.
Pour la réalisation du PSE, on demande une contribution du secteur privé en termes d’investissements à hauteur de mille milliards cent millions. Est-ce que le secteur privé local a cette capacité financière ?

Aucun secteur privé d’aucun pays ne peut le faire. Ce sont les institutions qui financent. Prenons le cas des Chinois. Aucune entreprise chinoise, qui construit une autoroute ou un chemin de fer, n’a investi un sou. C’est le gouvernement chinois qui finance sous la garantie de l’État sénégalais. Aucun privé ne prend mille milliards pour l’investir quelque part, ce sont les banques qui sont derrière.
Est-ce que le privé local a la crédibilité nécessaire pour lever ces fonds-là ? 

Oui. Et de la même manière, si l’État du Sénégal essayait avec les banques locales, avec les banques de l’UEMOA, de soutenir son secteur privé, il serait possible de le faire. Parce que ce qui manque au sein de l’UEMOA, ce n’est pas les liquidités. On m’a dit récemment qu’il y a 10 000 milliards qui dorment dans les banques de la zone. C’est vrai que l’État du Sénégal cherche toujours moins cher, disant que les Chinois prêtent avec 1% d’intérêt. Mais
les motivations des Chinois ne sont pas de développer l’Afrique, mais d’encourager leurs propres entreprises à travailler.

C’est ce qui fait qu’ils sont prêts à donner l’argent presque sans intérêt, tout en disant que leur entreprise est là pour faire le travail. Et c’est cette entreprise-là qui gagne, en termes d’emplois, de retour sur investissement, d’expérience et en termes de références. Puisque l’entreprise chinoise qui est déjà là a gagné la construction d’une autoroute de 400 km, il est certain qu’elle va rafler tous les appels d’offres du même type à l’avenir. Parce qu’elle a l’expérience, les références et le dispositif technique qu’il a déjà amorti. Donc elle gagne à tous les coups. C’est la nationalité qui fait le lit de la ségrégation économique.
Vous êtes donc pour qu’on exclue les entreprises étrangères ? 

Non pas du tout. Au contraire, à mon avis, si le Sénégal voulait soutenir le secteur privé local dans le cadre du PSE, ce ne serait pas d’exclure les Chinois et les Américains. Il faut faire exactement comme eux, comme ce que les Chinois ont fait dans les années 60.
Ils n’avaient pas assez d’experts, mais assez d’argent, pas assez d’infrastructures. Ils ont donné le financement à des entreprises chinoises. Et on les a couplées avec les entreprises étrangères pour travailler ensemble. Et une fois les chantiers finis, les entreprises chinoises avaient acquis l’expertise et le savoir-faire nécessaires. Et puis il y a un point sur lequel je voudrais quand même insister.
Le Sénégal doit aller chercher à l’extérieur autre chose que des entreprises de BTP pour faire des routes. De l’Afrique de l’Ouest jusqu’en Angola, nos entreprises construisent des infrastructures. C’est de financement dont il faut parler,
car une entreprise comme la CSE n’est pas en mesure de financer l’autoroute Dakar-Touba, l’entreprise chinoise Henan Chine, non plus. Mais cette dernière voit son gouvernement lui offrir le financement. Je pense que le Sénégal aurait pu utiliser les mêmes mécanismes, aller chercher de l’argent au sein de l’UEMOA ou dans les banques locales, et confier des travaux aux entreprises sénégalaises.
L’intérêt qu’il va payer ne va pas quitter son espace économique et il aura le choix de désigner une entreprise privée sénégalaise pour lui donner le marché. Autrefois, on parlait de ségrégation raciale, mais dans cette affaire-là, on peut parler de ségrégation économique, nous ne sommes pas sur un pied d’égalité. Même si c’est le Chinois ou l’Américain qui finance, leurs entreprises ne doivent pas être favorisées et c’est ce qu’eux-mêmes réclament au niveau de l’OMC, le droit de subventionner leurs produits.
Vous dénoncez beaucoup, mais vous restez encore dans les généralités. Des exemples concrets ? 
Par exemple, on est un peu étonné de voir un marché de 800 camions vouloir être attribués directement à des entreprises chinoises. Le projet, c’est celui du renouvellement du parc des camions. On dit qu’il y a 3 000 camions à renouveler et la première phase, ce sont 800 camions. C’est un marché de 50 milliards de francs Cfa. Pourquoi ne désigne-t-on pas par exemple une entreprise sénégalaise pour travailler avec celle chinoise dans la phase par exemple d’importation ou de distribution.
Tout cela est possible. Nous comprenons bien que le gouvernement chinois finance à condition que les matériels soient de provenance de la Chine. Mais nous ne pouvons pas comprendre que l’importateur, le monteur et le distributeur soient aussi des Chinois. Les textes chinois ne prévoient même pas cela parce que la loi chinoise dit que le matériel peut provenir de la Chine mais les autres aspects peuvent être gérés par d’autres entreprises autres que chinoises.

Nous vendons ce matériel-là à un prix moins cher alors même que l’État le subventionne. On peut trouver les fonds en Chine, l’importer et le commercialiser localement. Je ne vois pas pourquoi on doit forcément passer par des entreprises chinoises pour gérer toute la chaîne de cette affaire.
Quelles sont entreprises dont vous parlez ? 

Il y a CMC qui est intermédiaire, SINO-TRACK. Il y a une entreprise chinoise qui veut même s’implanter à Dakar pour la distribution.
On a l’impression que les entreprises ne s’adossent à rien de bien solide pour défendre leurs intérêts. Pourtant il y a le CNP, la CNES qui sont des organisations censées les défendre …

Les organisations patronales comme la CNES ou le CNP n’existent pas depuis très longtemps. Avant les Indépendances, les Chambres de commerce étaient puissantes. Et même dans les pays où il y a d’autres organisations patronales comme la France, les Chambres de commerce jouent encore un rôle important. Toute l’économie a toujours reposé sur les Chambres de commerce.
Etant des Chambres de commerce, d’industrie, d’agriculture et de service, ces dernières ont toujours polarisé toutes les activités et défendu les intérêts de tous les acteurs. Donc chaque association peut défendre ses intérêts propres, mais nous devons tous nous retrouver au niveau de la Chambre de commerce, nous entendre sur une stratégie, puis aller vers l’État pour parler d’une même voix.
Cela aurait été facilité si l’État demandait à l’institution consulaire de chapeauter des élections patronales unitaires d’où sortiraient des représentants, qui seraient les interlocuteurs exclusifs de l’État Mais on est arrivé à un point où l’État a oublié la Chambre de commerce pour ne convoquer que des associations et souvent, certaines de ces associations sont laissées en rade.
Or, étant toutes membres de la Chambre de commerce, ces associations devaient la renforcer pour en faire leur porte-voix. Et à partir de ce moment, l’implication dans le PSE ne souffrirait d’aucun manquement. Ce ne serait plus à l’État d’aller chercher des fonds, mais ce serait le travail du secteur privé. Parce que la Chambre de commerce a des correspondants partout dans le monde et que ses membres, ce sont les banques, les institutions financières et autres.
Ce n’est pas non plus à l’État de transporter des privés pour des missions, ce sont plutôt les privés qui doivent prospecter des pays et orienter les missions officielles. Parce que les relations économiques sont beaucoup plus solides que les relations diplomatiques.

C’est cela le problème de fonds du secteur privé, c’est-à-dire son unité et sa cohésion. Et même pour conduire le PSE, l’État aura des problèmes pour trouver l’interlocuteur dans le privé. Qui l’Etat va appeler ? Si on veut nous donner une participation dans le capital du port, qui va prendre ça en charge ? Si on voulait confier l’autoroute à un privé local, ce serait qui ? On n’est pas organisé.
Avec la présence massive des Français, des Chinois et autres sur les pans les plus stratégiques de notre économie, n’êtes-vous pas pessimiste quant à l’avenir du secteur privé local?

Certainement. Car leurs marchés étant saturés, c’est vers nous qu’ils se tournent (…).
Tout le monde s’accorde à dire que l’Afrique est le seul marché qui reste. Mais à vous entendre parler, on a l’impression que ce n’est pas vraiment une opportunité ?

Si les Chinois sont épaulés par leur pays pour venir chez nous, il est certain que si notre pays en faisait de même, aucun Chinois n’entrerait ici. Non qu’on  interdirait l’entrée aux Chinois mais il n’y aurait aucune possibilité pour eux de faire des affaires chez nous. Aujourd’hui, quel que soit le soutien que nous accorderait l’État, nous ne pourrons jamais pénétrer le marché chinois sans l’aval de l’État chinois. Donc je pense que les Chinois sont là parce qu’ils ont l’aval de l’État sénégalais. Et on veut prendre prétexte sur un déficit de compétence des entrepreneurs locaux pour justifier cet état de fait.
On dit aussi que les privés sénégalais ne font rien dans la transparence, qu’ils surfacturent etc. ?

On met en exergue nos défauts tout en couvrant de pudeur ceux des autres.
Les plus gros scandales relevés depuis 1960 en Afrique, ce ne sont pas le fait d’Africains, mais plutôt des sociétés étrangères. La vérité, c’est que nous sommes méchants vis-à-vis de nous-mêmes. 

Est-ce que ton discours-là est connu des autorités ?

Mais si je vous le dis, j’espère bien qu’ils l’entendront. Quand je m’entretiens avec vous, ce n’est pas à EnQuête que je m’adresse, mais je veux qu’on me lise et me comprenne. Je ne parle ni pour critiquer, ni pour montrer que je détiens une vérité. Je répète que ce n’est ni le président de la République, ni ses ministres qui peuvent changer les choses, ce sont les Sénégalais eux-mêmes qui peuvent le faire, en donnant des orientations à l’État et en disant non quand il le faut.

Mais quand l’État, dans ce cadre, décide de soutenir son secteur privé, en donnant à tel ou tel autre un marché, ce sont ces mêmes Sénégalais qui s’insurgent contre cela. Alors l’État est obligé de reculer. C’est donc très difficile.
On va changer de cap pour parler des marchands ambulants. Parmi les contre-exemples à l’Émergence, on parle justement des ambulants, de l’occupation anarchique de l’espace…

Il faut se rappeler que CCBM a été la première entreprise nationale à avoir construit un centre commercial plusieurs niveaux (Touba Sandaga). Mais est-ce qu’on a été encouragé ou motivé ? Non, parce que ce n’est pas l’intérêt des ambulants, ni celui de la mairie. Le rôle de la mairie, ce n’est pas de construire des marchés, mais plutôt d’en fixer le lieu et laisser un privé construire et gérer. C’est ce qui se passe partout. La mairie ne gère pas, se limitant à son rôle d’encadrement. Concernant l’ambulant, je vais dire quelque chose qui va peut-être choquer.
L’ambulant ne doit pas être encouragé, mais on doit le gérer. Son intérêt n’est pas dans la rue, puisqu’il y dévalorise le produit qu’il vend, que ce soient des portables, des chaussures ou autres. Mais l’ambulant n’existe pratiquement plus. Celui qui va de maison en maison proposer son produit, il ne dérange pas. C’est le tablier qu’on appelle ambulant, qui est installé dans la rue, qui dérange. Dans les autres pays où ces derniers existent, ils sont organisés, placés dans des endroits bien spécifiés et bien aménagés.
Mais la manière dont évoluent nos ambulants dérange tout le monde. Ce que devraient faire les collectivités locales, c’est de déterminer des artères sur lesquelles les tabliers s’installeront, avec des normes et des aménagements adéquats, mais leur rôle n’est pas encore une fois de construire des marchés ou des centres commerciaux. Car l’important, ce n’est pas la construction, l’édifice, mais sa gestion.
Le marché Sandaga était à l’origine un marché modèle, il n’y avait pas cette pagaille-là. Et s’il y a cette pagaille-là, aujourd’hui, c’est dû à la gestion. A Touba Sandaga, il n’y a pas cette pagaille, parce que c’est une gestion privée, personne ne peut y faire n’importe quoi. Il faudrait que chacun retourne à ce qu’il sait faire, que l’État et les collectivités ne se mettent pas à construire pour des ambulants ou tabliers.
On a l’impression que vous voulez devenir maire…

Moi, ce que je dis, c’est qu’il faut que la population s’intéresse à ce que font les maires de manière générale. Je ne parle d’ailleurs pas seulement de mairie mais de la collectivité locale. Ce n’est pas une affaire seulement des politiques. Personnellement, je ne suis pas candidat à la mairie de Kaolack. Mais on a besoin de savoir qui va nous diriger sur le plan local.
Notre intérêt aujourd’hui à Kaolack, c’est d’avoir un maire compétent qui puisse travailler sans être bloqué par le pouvoir central. C’est une réalité dans nos pays que si on a contre soi le pouvoir, c’est difficile de travailler. Si le parti au pouvoir propose quelqu’un de compétent, rien n’exclut que nous essayions de travailler avec ce candidat pour avoir la mairie avec lui.
Qu’est ce que vous entendez par  »travailler avec lui »: participer à la campagne, la financer, soutenir… 

On peut avoir les yeux des populations. Ce sera sans doute difficile de faire des choses si celui qui est choisi n’a pas un bon profil aux yeux des populations. Mais si le candidat est bon, rien ne nous empêche en tant qu’hommes d’affaires et leaders d’opinion de le soutenir. Ce n’est pas être partisan, mais soutenir quelqu’un qui peut faire quelque chose, conformément à la vision déclinée par le Président lors de la réunion du Conseil des ministres décentralisée de Kaolack. C’est toujours  plus simple ainsi. Sinon ce sont des bras de fer interminables, préjudiciables aux populations.
Vous étiez très proche de Me Abdoulaye Wade. Quelles relations entretenez- vous avec le nouveau régime ?
Nous avons les mêmes relations avec le nouveau régime, rien n’a changé.
Vous n’avez pas de difficulté dans vos relations d’affaires ?
Non, non, au contraire. Rien n’a changé, je ne vois aucune différence.
Vous, hommes d’affaires, vous vous accommodez pourrait-on dire de tous les régimes.

Non, ce n’est pas ça. Nous ne sommes partisans de personne, mais je vous ai dit que nos sociétés appartiennent à l’État. Nous, nous avons droit au bénéfice, nous avons un droit de regard, nous pouvons décider, mais nous ne pouvons être ni des socialistes, ni des libéraux, ni des militants de  l’APR, nous sommes là pour notre business.
C’est un débat qui doit être définitivement clos. D’ailleurs une entreprise qui roule pour un parti politique devrait être dissoute. L’entreprise doit être là pour la nation et son propriétaire doit en être écarté s’il ne se plie pas à cette exigence.

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