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Si le Président est Charlie, quid des Citoyens, du Gouvernement, de l’Assemblée Nationale et de la Nation ?

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1. Introduction

Si le Président est Charlie (en son for intérieur), il n’y a pas vraiment à redire. Car, après tout, la clause de conscience lui en donne le droit et la légitimité. Mais pour autant, n’est-il pas extravagant et saugrenu de le manifester publiquement, au risque de prendre à contrepied, et presque avec désinvolture, voire cruauté, les croyances profondes d’une République de croyants à presque cent pour cent ? Qui plus est si caricaturer Xadiim Rassóol, Seydi El Hadj Malick, Mgr Thiandoum ou Seydina Limamoulaye ou Mgr Théodore Adrien Sarr à la mode Hara Kiri – Hebdo est inadmissible à Dakar ou Banjul, Rabat ou Yaoundé et Libreville, ou Ndjamena est inadmissible, je ne vois guère pourquoi la chose serait tolérable, acceptable et licite à Paris, Copenhague ou Washington ou Bruxelles.

Soyons clairs ! Un Président s’appartient-il vraiment, qui demeure quelque part un symbole de toute une Nation dont il est la vitrine, en même temps qu’il reste la clé de voûte des institutions ? Du moins sommes-nous fondés à le croire, jusqu’à un certain point et jusqu’à nouvel ordre, par fonction et par sacerdoce.
Toutefois, en supposant que le Président Charlie soit fondé de s’engager, selon sa conscience et d’officier au nom de la République, jusqu’où cette participation remarquée à la Marche parisienne du 11 janvier 2015, pour la Défense des Droits à la Caricature du Sceau des Prophètes et la Protection des Libertés des Caricaturistes du Prophète Mahomet (PSL) a-t-elle été mûrement réfléchie, judicieusement instruite, dûment évaluée et rigoureusement jaugée, d’après les principes, le contexte et les antécédents, de même que les conséquences probables prévisibles au Sénégal même ou dans le monde au regard de la tradition sénégalaise en matière de lettres, de religion, de démocratie et de diplomatie ?

2. Président Charlie, Institutions… Charlot ?

Parlons net. La République n’est pas, jusqu’à présent tout au moins, une série d’états d’âme que l’on étale, ni des sujétions (personnelles) que l’on vante ou des obédiences (privées) que l’on revendique, mais une chose Collective Vitale qui, dans cette mesure exacte, ne devrait pas aller à Canossa, pour ces motifs-là précisément, dans ces circonstances-ci et à cette échelle ! Surtout lorsque nos priorités semblent se situer très paradoxalement ailleurs, indiscutablement.
Une Marche internationale aux côté de Benyamin Netanyahu d’Israël qui tue en permanence en Palestine occupée, aux côtés des tombeurs saccageurs de la Libye, de l’Irak, puis la Syrie à l’encontre de toute espèce de droit et de bon sens, ne serait-ce qu’au regard des situations navrantes de ces pays tantôt stables et prospères, mais aujourd’hui tragiques ! Du fait de l’égoïsme de ces mêmes impérialismes occidentaux récidivistes et goguenards qui osent nous faire encore la leçon en matière de Liberté et de Démocratie !
Et plus près de nous encore au Mali, qui n’a pas remarqué ces groupes armés qui occupent le Nord de ce pays frère avec le soutien actif des impérialismes qui convoitent nos richesses stratégiques ? Idem pour le Nigeria voisin, lorsque plus de deux cents lycéennes innocentes furent enlevées par des milices drapées du manteau de l’Islam, où donc étaient ces Cœurs Vaillants, Ames Vaillantes des Droits de l’Homme ?

3. Valeurs, Croyances et République

En République sénégalaise, et cela, depuis les pères fondateurs Senghor, Dia Mamadou, Lamine Guèye, Abdoulaye Ly et Cheikh Anta Diop, etc., les valeurs, les croyances et les mœurs sont indissolublement liées. L’économie et le matériel, le gain et le profit, le capital et l’intérêt, etc., sans l’Ethique sont les sources principales du déclin et de la division de toute nation intégrée. Tout attentat qualifié contre les valeurs basiques est pire qu’une agression économique, une catastrophe naturelle ou une guerre commerciale. En effet, afin que nul n’en ignore, notre Nation n’est pas seulement croyante, elle est pratiquante, ce qui est très différent.
C’est pourquoi cette Manif du Président Charlie à Paris aux côtés des tenants de ce Laïcisme athéiste, récurrent et invétéré des Loges et des groupes de pression de toutes sortes connus pour leur commune hostilité à la Foi en général, et à la Religion musulmane en particulier, fait effectivement désordre au pays de Ndiadiane et de Thierno Souleymane Baal.

Mieux, à l’analyse, il y a des raisons de penser que le Sénégal aura cautionné sans y avoir regardé à deux fois, une opération anti-abrahamique et antimusulmane et anti-islamique, qui est aux antipodes de nos valeurs et de nos croyances, comme de notre Tradition républicaine en ce domaine depuis les Indépendances. Sans compter notre rôle historique mondialement reconnu dans la lutte contre l’Apartheid et pour la Défense des Droits inaliénables du Peuple Palestinien, et ce, du fait de notre ancrage stratégique dans les valeurs islamiques, négro-africaines et chrétiennes qui nous ont permis jusqu’ici d’endiguer les extrémismes symétriques d’Occident et d’Orient, l’Intégrisme démocratique euro-américain de fondement judéo-chrétien et l’intégrisme monocratique d’inspiration islamique.

4. Quid du Gouvernement, de l’Assemblée Nationale et du CESE ?

Visiblement, le Président n’a pas raison. Mais, quid du Gouvernement, de l’Assemblée Nationale et /ou du CESE ? Telles sont les questions auxquelles il sera difficile d’échapper ou de se dérober, et auxquelles il faudra répondre un peu plus tôt ou un plus tard. Et ce, d’autant que pour le Sentiment des Citoyens, la République qui peut et doit rester Démocratique et égalitaire, indépendante et sociale, est interpellée par l’Opinion, et comme telle, tenue de se dissocier clairement, par des prises de position explicites sans calembours, des actes autocritiques sans naxanté et des mesures correctives sans tarder, de rétablir le cours normal des choses : La signature du Livre de condoléances de l’Ambassade de France à Dakar était largement suffisante, en lieu et place de cette participation improvisée qui crée plus de problèmes qu’elle n’en résout, ainsi que la suite des événements ne manquera pas de le montrer. Wait and see !
Partant, il serait cohérent et logique, prudent et approprié, de la part des organes essentiels de la République (Conseil des Ministres, Assemblée Nationale, CESE) et de l’Opinion intellectuelle et civile, que ces errements manifeste du Président Charlie soient redressés, le plus tôt sera le mieux, dont la violence symbolique équivaut à un affront délibéré aux croyances et aux valeurs collectives les plus profondes du Sénégal – toutes religions confondues.
Des Sénégalais qui, après s’être élevés solennellement contre le film de triste mémoire : « La dernière tentation du Christ », puis contre Salman Rushdie et ses « Versets sataniques », puis contre les « Caricatures danoises » contre le Prophète Mahomet (PSL), ne sauraient cautionner, ni de près ni de loin, les attaques en règle contre la religion musulmane et les symboles religieux islamiques ou chrétiens et abrahamiques de manière générale par des lobbies « Judéo-maçonniques et Sionistes », « Goor Jigéen / Homosexuels», etc. Sans oublier toutes ces « Associations pour le Mariage Gay » ainsi que les Ligues du « Mariage pour Tous », etc., dont l’Agenda ne souffre d’aucune équivoque, encore moins le Projet Social terrible : la Déchristianisation et la Dés-Islamisation de la planète avec toutes les conséquences en matière domestique et matrimoniale ou dans le domaine des relations morales et politiques aux fondements de notre civilisation négro-africaine.

5. Petro Charlie, Daaras TIM, Arcelor APE, Loi Cadre Enseignement Supérieur, Mariage Gay…

S’il se confirme que le Président est Charlie, à coup sûr, demain il signera les APE et promulguera la loi tant décriée sur les Daaras. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la participation d’un Président Charlie à la Marche de Paris, mais le rapport que soutient cette Participation avec le Projet social qui se dessine en filigrane, un Projet de société dont la batterie de mesures qui assaillent le peuple et accablent les élites précise la trame. En l’occurrence les lois relatives à la Dépénalisation de l’homosexualité, les stratégies multiples d’accréditation du Mariage Gay, la Loi-cadre portant suppression de l’autonomie des Universités, de remise en cause de l’autonomie des Daaras et des établissements d’enseignement et d’éducation religieux, l’accaparement du foncier urbain et le partage de Bouki/l’hyène du domaine public maritime, etc.
Et pour cause ! En lieu et place d’une élucidation des questions pendantes : Arcelor Mittal et Petro Tim, par exemple, la Révolution des Comportements et des Mentalités, la Gouvernance vertueuse et sobre tant vantées se métamorphoses à vue d’œil en attitudes et pratiques du type Kumba am Ndey, Kumba Amul Ndey (Mise en otage de Karim Wade et Absolution des Transhumants…), Neddo ko bandum / Népotisme, Familialisme, en lieu et place des principes républicains de recrutement et de sélection des élites, etc.
En un mot, le Plan Yoonu Yokkuté dont on ne parle presque plus ainsi que le PSE qui avaient porté tant d’espoirs jusqu’ici, pourraient se révéler, en l’absence d’une clarification paisible des actes et des mesures, des options et des pratiques du Pouvoir, un nœud coulant autour du cou des Citoyens, qui pourraient être ainsi poussés à entreprendre, dans les délais les meilleurs, une Révolution Citoyenne salvatrice, sans attendre l’option d’une Troisième Alternance pacifique, qui se révèle de plus en plus compromise, au train où vont les choses, c’est-à-dire les Jalgati et les Maa Tey, dont la présence du Président à la Marche Charlie de la République de Paris demeure la …. Caricature ! Alors que le Nigéria et le Nord Mali, de même qu’Ebola sont-là tout prêts, dans l’indifférence quasi universelle des Grands et des moins Grands de ce monde.

Conclusion

Au total, entre la République démocratique prônée par la Seconde Alternance et la République Charlie qui bégaie et pointe le nez, il va falloir édifier les Citoyens. Cela va de soi, le Président est Charlie, manifestement et incontestablement. Aussi, la balle est-elle dans le camp des institutions et du Peuple, c’est-à-dire les Citoyens républicains et les Institutions, les autorités civiles et religieuses, la jeunesse et les syndicats, les partis démocratiques et les associations, les femmes et les jeunes, les immigrés ainsi que les travailleurs des villes et des campagnes. Nul ne sait pourquoi une Alternance si prometteuse multiplie à vive allure les impairs et manques sur les affaires litigieuses (Arcelor Mittal, Pétro Tim) comme sur les questions de simple bienséance (Loi-cadre de l’Enseignement Supérieur) comme sur les équations inattendues (« Président Charlie »). Et, sans doute l’avenir proche nous dira-t-il ce que les silences du présent dissimulent. Mais, en tout état de cause, si nonobstant les rappels à l’ordre du bon sens, de la Raison ou de la simple Citoyenneté active, militante ou discrète, le Virus Charlie devait prospérer, et avec ceci, les questions de société qui vont avec, de même que les méthodes autocratiques et dirigistes de Réforme, alors il ne faudrait pas s’étonner que l’élan, les méthodes et l’inspiration des Journées de Juin 2011 frappent de nouveau à la porte de la République, et empruntent de nouveau les chemins de l’Obélisque et/ou de la Place de l’Indépendance. Dixi et salvavi animam meam ! Magum waxoon naako moo gën Magum Xamoon Naako !

Pr. Malick Ndiaye, Sociologue, UCAD
Coordonnateur du Cercle des Intellectuels – CIIS
Fait à Dakar, le 13 janvier 2015.

5 Commentaires

  1. « L’islam ne peut plus lutter contre l’invasion des images »
    Le Point – Publié le 12/01/2015 à 12:11 – Modifié le 12/01/2015 à 12:32
    En 2010, Oleg Grabar, l’un des plus grands spécialistes de l’art islamique, revenait pour « Le Point » sur la question de la représentation dans la religion musulmane.
    Le roi couronné reçu par le Prophète, v. 1800, Iran. © The Art Archive / Ashmolean Museum / AFP PHOTO

    Si le Coran reste évasif sur la question des images, pourquoi les premiers musulmans se sont-ils interdit la représentation des êtres vivants ? Réponse d’Oleg Grabar, décédé en 2011, qui fut l’un des plus grands spécialistes de l’art islamique.
    Le Point : Pourquoi l’islam a-t-il interdit la reproduction des êtres vivants ? Est-ce par imitation du judaïsme ?
    Oleg Grabar : L’influence du judaïsme a peut-être joué un rôle. Mais il faut surtout se replacer dans le contexte de l’époque. Il y avait, d’une part, les empires byzantin et perse qui affirmaient la gloire impériale par le biais de monnaies à l’effigie de l’empereur ou de palais somptueux édifiés en son honneur. D’autre part, le christianisme élevait de grands sanctuaires comme Sainte-Sophie à Constantinople ou le Saint-Sépulcre à Jérusalem. Ces édifices allaient devenir les microcosmes d’une vision chrétienne du monde, où l’image proclame les concepts fondamentaux du dogme. Certaines chroniques racontent d’ailleurs que lors de la construction de la coupole du Rocher, à Jérusalem en 692, on répondait à ceux qui se demandaient pourquoi on s’activait à un si bel ouvrage que c’était simplement pour faire concurrence au Saint-Sépulcre. Et il y a une quarantaine d’années, le cheikh Ahmad Muhammad Isa de l’université d’al-Azhar au Caire affirmait que les musulmans avaient rejeté les images plus par refus de s’engager dans les discussions très complexes d’un monde qui leur accordait désormais une importance excessive que pour des raisons doctrinales. Mais on ne peut nier que les premiers musulmans redoutaient l’idolâtrie, et qu’ils préféraient ne pas avoir d’images plutôt que de courir le risque de voir se développer un culte à leur égard.
    Mais le Coran contient-il des indications précises sur ce sujet ?
    Si certains passages du Coran abordent le problème de la représentation, aucun cependant ne l’interdit clairement. Une seule chose est certaine : les idoles y sont prohibées. Dans la sourate V, le verset 90 énonce clairement : « Ô vous qui croyez ! les boissons fermentées, les jeux de maysir, les pierres dressées et les flèches divinatoires sont seulement une souillure procédant de l’oeuvre du Démon. Évitez-la ! Peut-être serez-vous bienheureux. » Si, chez les chrétiens, le Christ et Dieu peuvent être représentés en un seul corps, chez les musulmans, en revanche, il est inconcevable d’essayer d’imaginer Dieu. Insaisissable par essence, il ne peut être représenté sous aucune forme que ce soit. Mais d’autres versets du Coran évoquent la représentation. Ainsi, aux versets 43-44 de la sourate III, Jésus façonne, avec de la boue, la forme d’un oiseau, à qui il donne vie par un miracle de Dieu. Et un peu plus loin, dans la sourate XXXIV, versets 11-12, il évoque la fabrication de statues : « À Salomon [nous soumîmes] le vent. Celui du matin soufflait un mois […] Parmi les djinns, il en était qui travaillaient à sa discrétion, avec la permission d’Allah. Quiconque, parmi eux, se serait écarté de Notre Ordre, nous lui aurions fait goûter aux tourments du Brasier. » Les versets 12-13 disent aussi : « Pour lui, ils faisaient ce qu’il voulait : des sanctuaires, des statues, des chaudrons [grands] comme des bassins, et des marmites stables. »
    Ces versets ne semblent pas hostiles à la représentation…
    Certes, mais ces deux Révélations ont pourtant été rapidement interprétées comme une condamnation des arts plastiques, de la peinture et de toute technique qui permettait la représentation de la réalité, car pour les exégètes, seul Dieu peut être Créateur et donner la vie. Un hadith célèbre, mais tardif stipulera même que tout artiste doit être châtié s’il ne peut donner vie à l’être qu’il a tenté de créer. Si les textes de la Révélation ne comportent nulle part une interdiction formelle, ces prises de position seront largement reprises au VIIIe siècle dans les hadiths, et bien plus tard, au XVIIIe siècle, par le wahhabisme.
    Sans contestation ?
    Il existe des Traditions du Prophète, qui sont autant d’exception à la règle générale. A’isha, par exemple, la plus jeune des épouses de Mahomet, possédait des tissus couverts d’images. De la même manière, on sait qu’il était permis de décorer les bains de pavements et d’images, que les représentations réalistes n’étaient pas prohibées, tant que les animaux étaient figurés sans têtes ou les têtes sans corps… De grands érudits comme, au Xe siècle, l’exégète Abu ‘Alî al-Fârisî ou, au XIIIe siècle, le théologien al-Qurtubî ont admis l’idée d’une prohibition des représentations, mais ils ont essayé d’introduire dans le débat une distinction entre celle de Dieu et les autres images.
    Il existe pourtant des représentations de Mahomet…
    En effet, mais elles sont très peu nombreuses. Les musulmans ont toujours évité de le représenter. Malgré tout, très rapidement, on le retrouve en illustré dans des textes, sans visage ou recouvert d’un voile qui dissimule ses traits. À mon sens, l’intransigeance sur ce sujet des fondamentalistes musulmans est parfaitement hypocrite. Mahomet est certes le Messager de Dieu, mais il n’en reste pas moins homme, et le croyant a besoin de se représenter les choses. Pour moi, la polémique sur la représentation du Prophète est inséparable du débat sur la représentation en général. Derrière certaines mosquées, notamment en Iran, les petites boutiques qui vendent des souvenirs religieux n’hésitent pas à proposer, par exemple, des images d’Alî. Et les familles se prennent en photo. L’islam ne peut plus lutter contre l’invasion des images par la photo, le film, la télévision ou l’Internet. Le monde change et la société s’adapte à son temps.
    Vous évoquez les représentations d’Alî. Chiites et sunnites n’ont donc pas la même doctrine sur le problème de la représentation ?
    Aujourd’hui, en Iran, Alî et Mahomet lui-même sont très souvent représentés, alors que dans les régions majoritairement sunnites, et particulièrement en Arabie saoudite, c’est impossible. Dans le chiisme, plus mystique et plus ésotérique, les choses et leurs représentations possèdent différents niveaux de sens, d’où une approche plus nuancée de la Tradition. Cela peut expliquer que, dès le XIe siècle, les souverains de la dynastie fatimide en Égypte n’aient pas hésité à multiplier les représentations.
    Si l’image est interdite, comment évoquer les idées, les concepts ou même les sensations ?
    L’art islamique a su contourner le problème. D’abord par la calligraphie. Dans l’art musulman, on remplace facilement une image par une lettre ou un mot. Et la calligraphie a pris d’autant plus d’importance qu’elle était un instrument stratégique pour le développement de l’islam. Dès le VIIIe siècle, avec l’expansion rapide de cette religion, il a fallu instaurer une unité afin que, de l’Andalousie jusqu’aux frontières de la Chine, il soit possible de lire le Coran en évitant les querelles et les hérésies. Au fil des siècles, différents styles calligraphiques ont acquis ainsi un statut canonique. Mais l’art a aussi utilisé un deuxième procédé, qui est la géométrie. La coupole du Rocher à Jérusalem, la mosquée d’Ibn Tulun au Caire, ou encore les mosaïques et les panneaux en plâtres de Khirbat al-Mafjar à Jéricho en offrent de superbes exemples. Mais l’apogée de son utilisation est atteint à mon avis au Xe et XIe siècle, avec l’apparition en Iran du « brick style », l’utilisation de briques de construction dans l’agencement de panneaux à la géométrie souvent extrêmement savante. C’est environ à la même époque d’ailleurs qu’apparaissent en Iran ainsi qu’en Irak des manuels de mathématiques qui décrivent les différentes combinaisons pour produire des formes. Peu à peu, la géométrie va ainsi devenir le moteur principal de la décoration des édifices islamiques.
    Mais comment les dynasties persane et moghole vont-elles justifier l’art de la miniature et ses représentations, souvent très sensuelles ?
    Elles n’ont ni souhaité ni eut véritablement besoin de se justifier. Aucune doctrine, d’ailleurs, n’a été élaborée sur l’art des miniatures. Je pense que ces princes aimaient les belles choses, c’est tout. À l’inverse de la chrétienté où l’art religieux a dominé jusqu’à la Renaissance, l’islam, en Perse ou en Inde notamment, a préféré très tôt l’art profane. Les princes moghols, qui ont régné en Asie centrale et dans le sous-continent du XVIe siècle au XIXe, étaient des Turcs d’Asie centrale qui n’avaient pas les mêmes préjugés que les peuples de la méditerranée en ce qui concerne les représentations.
    L’architecture des mosquées varie beaucoup d’un pays à l’autre. Entend-elle, comme celle des églises chrétiennes, évoquer l’ordre du monde ?
    Les premiers plans proviennent directement de la maison du Prophète à Médine, qui fut vers 650 sous le califat d’Uthmân, agrandie et transformée en mosquée. Une cour, des salles avec des colonnes : on ne sait finalement que très peu de choses de son architecture. Les chroniques de Tabarî et de Waqidi, notamment, racontent que c’est Al-Hajjaj, gouverneur d’Irak sous le califat d’Abd al-Malik, à la fin du VIIe siècle, qui aurait décrété qu’il fallait un espace pour que les musulmans puissent se retrouver et prier ensemble. Les plans qu’il aurait proposés et qui ont permis l’édification de la Coupole du Rocher à Jérusalem étaient cependant largement inspirés de la maison du Prophète. Mais le Coran lui-même ne précise à aucun moment la nécessité d’un lieu de culte, quel qu’il soit. Il indique seulement que le croyant fera sa prière à l’endroit où il est lorsque retentit l’appel à la prière. La mosquée évoquée dans le Coran n’est rien d’autre qu’un édifice administratif : c’est l’endroit où une fois par semaine, le vendredi à midi, le Prophète, puis plus tard le calife, réunit les hommes non seulement pour prier, mais aussi pour informer, décider des impôts et prendre des décisions collectives.
    Oleg Grabar, décédé en 2011, était historien et archéologue, professeur émérite de l’Institute for Advanced Studies à Princeton. Il est l’auteur, entre autres, d’Images en terre d’Islam (RMN, 2009), La formation de l’art islamique (Flammarion, 1987), de Penser l’Art islamique. Une esthétique de l’ornement (Albin Michel, 1996) et de La peinture persane (PUF, 1999).

  2. Il sera difficile de comprendre ce que nous vivons tant que nous n’aurons pas intégré cette vérité qu’il s’agit d’un face à face entre la Religion révélée et la religion cachée. Le Coran parle de waliyu’l Lah et de waliyu Seytaan. Il y a ceux qui œuvrent pour la religion, il y a ceux qui combattent la religion. Les premiers affichent ce qu’ils font. Les seconds agissent en niant. Et dans les agissements niés des seconds, il y a l’arme stratégique qui consiste à faire le mal (en étant masqué) et à accuser la religion de l’avoir fait.
    Il faut donc savoir écouter le travail de leurs médias pour détecter les failles de leurs stratégies. Dans le cas des attentats de Charlie Hebdo:
    – Après avoir tuer les présumés accusés, les médias sont lancés sur des « révélations » toutes allant dans le sens de confirmer que ce sont des musulmans qui ont tué. Et parmi les « preuves », des « interviews » de preneurs d’otage au moment de la prise, reconnaissant tout; des enregistrements vidéos de « revendications » des attentats enregistrés avant acte. Seulement, les tireurs se sont présentés masqués, devant le siège de Charlie. Pour des musulmans, heureux de mourir et aller au Paradis pour avoir « venger » le prophète, et heureux de montrer à tout le monde que ce sont eux, et personne d’autre, la cagoule fait tache dans le scénario.
    – Tout musulman, bon ou mauvais, sait que tout acte musulman a deux dimensions baatin ou zaahir (intérieur ou extérieur). Tout musulman sait que tout acte musulman est meilleur en baatin (intérieur) qu’en zaahir (extérieur). Tout musulman sait que que tout acte musulman perd de son mérite (et du gain que l’acteur en aurait tiré) lorsqu’il est zaahir, quand il lui est possible d’être baatin. Dés lors quel est le sens, pour des « musulmans » qu’on veut nous présenter comme à cheval sur les principes islamiques (ce qui aurait justifié leurs actes), de crier « Allahou Akbar » nous avons vengé le prophète ! », quand il était plus facile de se taire, ne serait ce que pour économiser son souffle pour pouvoir courir au besoin ? Par ces cris (s’ils existent tels quels) ils perdent du mérite de leur acte (s’il était islamique), mais aussi ils multiplient les chances d’être pris. Puisqu’en affichant tout de suite que ce sont eux, musulmans, ils éliminent plusieurs voies qu’auraient pu pendre les enquêteurs. On le voit là encore, il n’était pas nécessaire qu’ils prennent des cagoules.
    Marketing politique macabre, diabolisation de l’Islam en sus.
    Maintenant, il sont morts, et les médias parlent pour eux. Disons le plus exactement: les médias avouent pour eux.
    Et pourtant, si l’on lisait ce qui se passe aujourd’hui par ce qui s’est passé hier, on aurait pu se rappeler du cas Merah. Lui aussi tué, les médias ont tout avoué à sa place. Mais il y a eu un autre cas plus parlant.
    Le tireur officiel qui aurait tué Kennedy a été lui aussi tué par un autre qui a pu le trouver dans les sous sol du commissariat. Celui qui aurait tué ne l’a pas fait avec pour programme de mourir après. Si non, il aurait utilisé la même arme pour se suicider. Ceux pour qui il travaille avait du lui assurer d’une impunité. Mais, il se retrouve tuer. C’est dire qu’il était un acteur d’un programme dont il ignorait la totalité. Il n’avait qu’une partie du plan. Un autre avait reçu une autre partie du plan qui consistait à l’assassiner, lui l’assassin.
    Cela me faisait dire, dans un précédent texte, que ceux qui reçoivent des financements occultes, contre des actions anodines, sont des maillons d’une chaîne dont ils sont loin de mesurer la longueur et les imbrications. La chose anodine qu’on leur fait faire n’est qu’une infime partie de la chaîne. Ils ne savent donc pas, à quelle sauce ils seront mangés. Les journalistes même de Charlie Hebdo ont eu tout le soutien du pouvoir durant tout leur travail de caricature de la religion jusqu’au jour où le même pouvoir décida de réduire leur protection à quelques jours de l’attentat.
    On le voit. Les choses sont loin d’être ce que la presse est chargée de répéter.

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