À la tête du gigantesque projet Tnt d’un coût de 40 milliards Cfa, Sidy Diagne du groupe Excaf télécoms promet que d’ici janvier à février, les Sénégalais pourront bénéficier intégralement du fruit de leur travail.
Source: La Tribune
Comment votre groupe est-il arrivé à diriger ce vaste projet de l’État ?
On ne nous a pas choisis par pur patriotisme .L’État avait lancé un appel d’offre où il y avait 23 postulants dont des multinationales. Mais, notre dossier était le plus complet. Avec nos 15 ans d’expérience dans ce domaine, nous avons les compétences pour le mener.
Qui sont des compétences de cette équipe que vous dirigez ?
Nous nous appuyons sur des jeunes sénégalais aux compétences avérées pour accomplir ce travail. Je profite de l’occasion pour préciser qu’aucun membre de ma famille ne travaille dans ce projet. Pour éviter de considérer qu’il est familial. C’est pour ces mêmes raisons que nous n’avons pas logé ce projet dans les locaux d’Excaf télécoms.
Où en est-on aujourd’hui avec ledit projet ?
Le projet a évolué à plusieurs niveaux. Dans le cadre de l’installation des infrastructures, nous pouvons dire que nous avons couvert toutes les régions du Sénégal, à l’exception de Kolda et de Sédhiou. Mais, nos équipes sont actuellement sur le terrain pour finaliser ce travail et assurer à 100% le signal de la Tnt. Concernant les régions qui sont déjà couvertes, nous couvrons au moins 90% de la population.
Y-a-t-il des télévisions qui ne captent pas votre signal ?
Aujourd’hui, toutes les télévisions sont capables de recevoir le signal de la Tnt. Mais, les meilleures images seront sur les téléviseurs de dernière génération. Il faut dire que n’est pas au niveau de la chaîne télé que ça peut causer problème. Il en va surtout de la nécessité d’avoir un décodeur qui transmet au téléviseur.
Aujourd’hui peut-on considérer que le basculement dans la Tnt est effectif ?
On ne peut pas le dire pour le moment. Le basculement vers la Tnt signifie qu’on coupe le signal analogique pour que l’ensemble des Sénégalais puisse uniquement avoir les chaînes nationales à travers le signal numérique. Le basculement dépend de plusieurs niveaux. On ne peut pas aujourd’hui décider d’un basculement immédiat et intégral sur le territoire. On pense que le basculement devra se faire région par région. Et, il ne faut pas faire dans la précipitation. Il y a des priorités, à commencer par la distribution en nombre suffisant de décodeurs au niveau des populations et de la manière la plus souple parce que personne ne doit être laissé en rade.
Y-a-t-il alors une région qui a basculé ?
Pour le moment, toutes les régions, à l’exception de Sédhiou et de Kolda reçoivent le signal. Encore une fois, le mot basculement relève de la décision de l’État. Mais les infrastructures sont bâties. Nous avons un taux de couverture qui est assez satisfaisant, mais ce n’est pas dans l’infrastructure qu’on va décider de basculer. Il faut assez de décodeurs pour que l’État décide de ce basculement sans créer des problèmes.
Qu’est-ce qui bloque au point de ne pas avoir assez de décodeurs ?
Nous avons choisi un modèle de décodeur qui fournissait tous les services en choisissant un décodeur relativement cher. Mais, nous avons accepté un prix de vente inférieur au prix d’achat. Nous les prenons à près de 25 mille pour les revendre à 10 mille. Dans chaque décodeur nous perdons 15 mille francs. Mais, notre modèle économique nous permet de subit cette perte. Nous avions également respecté le souhait de l’État de ne laisser aucune famille en rade. Parce que c’est une transition obligatoire pour tout le monde. Et nous savons que le pouvoir d’achat des Sénégalais est assez faible.
Voulez-vous dire par là que l’État n’a pas subventionné ce projet ?
L’État ne nous a pas remis de l’argent ni pour l’achat des décodeurs ni pour la perte que nous enregistrons. Mais, effectivement, le soutien de l’État est ailleurs. Nous en mesurons l’importance.
Avez-vous l’impression d’être sur la bonne voie ?
C’est vrai que nous avons démarré le projet vers la fin 2014 ; nous sommes dans le dernier virage. Nous avons bâti l’infrastructure et c’est dans ça que nous mesurons l’impact de tout ce qui suit. Le décodeur n’est que le réceptacle qu’on a fait en amont. C’est la face visible de l’iceberg. Il y a des gens qui sont dans les régions en train de construire les infrastructures Tnt pour permettre à toutes les populations sénégalaises de bénéficier des mêmes services que ceux qui sont à Dakar. Aucune région ne sera laissée en rade.
Avez-vous l’impression, à cause de la concurrence, que des gens tirent le projet vers le bas ?
C’est un projet vital pour l’avenir de l’audiovisuel. Aujourd’hui, il n’y a plus de frontière entre les télécoms et l’audiovisuel ; c’est tout un environnement qui est en train de changer. Et, effectivement, on a l’impression que la réussite d’Excaf peut déranger pas mal de gens. Aujourd’hui on en est conscient. Ce n’est pas Excaf en tant que société. Mais c’est même l’expertise sénégalaise. Nous, on a un grand respect et une reconnaissance envers l’État du Sénégal qui nous a fait confiance en tant que société locale. Il fallait avoir un courage politique pour le faire. Et il nous faut mériter cette confiance. Si Excaf réussit aujourd’hui cette transition, beaucoup de pays voisins pourront s’inspirer de notre modèle. Nous avons reçu récemment la visite de certains pays qui veulent s’inspirer de ce que nous avons fait. Et ce n’est pas tout le monde qui le souhaite. On a des concurrents qui sont là, qui ne veulent en aucune manière que ce projet réussisse.
Qu’attendez-vous de la part de l’État ?
Au Sénégal, tout le monde connaît notre principal concurrent. Les multinationales en place n’ont aucune envie que ce projet de Tnt aboutisse parce cela dépend de leur survie en Afrique. Aujourd’hui, si Excaf réussit, cela veut dire que ce modèle pourrait se reproduire dans tous les pays africains. Je pense qu’on doit revoir nos lois pour casser cette ingérence qui est sous nos yeux, lorsqu’on procède dans les choses sans autorisation. Il faut que l’existence même de ce concurrent au Sénégal puisse être vérifiée. Ça fait plus de 15 ans que nous demandons aux autorités de veiller à une saine concurrence. Nous pouvons prouver que nous sommes en règle. Canal ne peut pas le faire par rapport à nos lois et par rapport au règlement en cours. Et ils sont les premiers à crier au voleur. En vérité, ces gens profitent des défaillances et des lois incomplètes qu’on a au Sénégal dans ce secteur.
Qu’en est-il de vos supposés démêlées judiciaires qui vous ont annoncé en prison ?
Non, c’est vrai que nous avons quelques différends avec certains commerçants qui nous avaient commandé des décodeurs que nous n’avons pas totalement livrés. À la vérité il faut reconnaître que nous avons acheté des décodeurs à 25 mille alors que les commerçants nous les ont payés à 9 mille. À un moment, on n’a pas pu honorer notre engagement. Mais, on est en train de négocier pour trouver un terrain d’entente avec ces gens-là. Je n’ai jamais été ni inculpé ni passé sous mandat de dépôt encore moins mis en liberté provisoire, parce que je n’ai pas encore été entendu par la justice.
Comment les Sénégalais peuvent-ils vous faire confiance sur ce projet ?
Nous sommes convaincus, au vu de notre expérience, que nous allons réussir notre mission. L’installation des infrastructures est pratiquement achevée. Il n’en reste pas beaucoup pour qu’on en termine. Nous pensons à l’horizon janvier-février pour terminer totalement le projet en termes de couverture géographique, en termes de couvertures avec les décodeurs. Et l’État verra qu’il a eu raison de nous faire confiance. Ce sont uniquement des Sénégalais qui l’ont fait. Nous pourrons ainsi faire savoir que nos entreprises locales sont capables de réussir ce type de projet.
Après la mission qui vous est impartie que deviendra ce projet ?
Nous travaillons pour le compte de l’État en tant que partenaires techniques. À la fin de la convention, l’ensemble des infrastructures reviendra à l’État. Nos retours sur investissement viendront de la qualité du bouquet qu’on offrira aux Sénégalais avec les abonnements.
Mais, qu’est-ce qui fait que certaines télévisons n’émettent que sur Dakar ?
Aujourd’hui, nous supportons le transport de ces chaînes dans les régions. Toutes les télés qui sont visibles à travers la Tnt dans les régions ne payent aucun franc de redevance. Mais l’État va mettre en place une structure qui va gérer cette partie-là. Que chaque télévision participe à son extension dans les régions.
Qu’en est-il au niveau des emplois créés ?
Le projet de la Tnt a créé deux cents emplois directs. Il y a le centre d’appel, les techniciens que nous formons. Nous avons l’accord avec nos partenaires pour assurer la formation des techniciens à Dakar et dans les régions pour ce qui concerne la maintenance, les décodeurs. Au moins, il y a 500 emplois indirects qui sont en train d’être créés. Nous sommes en train de former un réseau pour que chaque association de quartier puisse prendre les problèmes techniques dans leurs zones.