Franchement! Jusqu’au bout, tu as réussi à nous tenir en haleine, et, donc, à nous secouer. Sommes-nous pour autant sortis de notre torpeur? Avons-nous vaincu notre léthargie, sortons-nous enfin de notre longue nuit de passivité ? Et, tu dois être pressé de savoir, si notre émotion collective de ces derniers jours était profonde, durable? Ou n’était-ce que feu de paille? Qu’un autre de ces moments feints, passagers, ces instants fugaces, exprimant notre manque de rigueur, où, pour se donner bonne contenance et conscience, notre peuple se mobilise ponctuellement comme pour signifier qu’il ne faut jamais minimiser sa capacité à marquer l’histoire?
Ta lettre pré-outre tombe a fait le buzz. Dans les chaumières, on ne parle que de ça! De ta causticité envers la fatuité de notre société qui ne reconnaît les mérites des gens qu’une fois leurs paupières définitivement closes. Mais tous sont ravis de la foudroyante feinte que tu as faite à tous les troubadours de ce pays. Notamment à ce pouvoir politique delégitimé, au point de s’accrocher aux dépouilles de ses critiques, et que tu as privé de ces cérémonies funéraires, lieu de retrouvailles de tous les faux culs de la nation, où les officiels, sur leur 31, QUI-tu-sais en tête, aiment tant s’afficher, regards rivés sur les cameras, ton empesé, faussement affligé, dans le seul but non pas d’honorer la victime mais de marquer des points politiques. Souvent, ça frise l’indécence. Souviens-toi: Macky Sall n’avait pas eu assez de retenue lors des obsèques du magistral guitariste, Habib Faye, pour nous débiter ses sornettes, en évoquant, frimeur en diable, les artistes comme Johnny Coltrane. Ce jour-là on eut dit une hyène avec un paquet d’allumettes dans une zone Savaneuse aux herbes desséchées. Prêt à mettre le feu partout pour être illuminé.
Tu n’as pas non plus oublié tout le pataquès autour de Bruno. Meme certains de ses louches amis étaient de la partie…
On a tous donc compris le sens de ta lettre posthume: un cinglant pied de nez pour remettre les points sur les i et barrer les t. Marquer, en clair, ton refus, ton éternel refus, d’être une arme pour ces croque-morts dont la période de traite la plus prisée est celle coïncidant avec les décès de personnalités populaires.
Les avoir empêchés de se réunir autour de ta dépouille, quel formidable but!
Tu as fait mieux: en rappelant les points sombres qui obstruent l’horizon de ce pays mais surtout en offrant à un peuple forcément orphelin une unique occasion de montrer, dans la douleur, où se trouve son cœur.
Mort, tu as été le meilleur indicateur, le sondage, en temps réel, de ce que pense ce peuple sénégalais dont on a jusqu’ici tenté vaille que vaille de limiter l’expression de sa parole démocratique.
C’était beau à voir. Par grappes humaines, au siège de ton groupe de presse, sur les routes, sur les ponts, entourés par les mythiques motocyclistes Kaolackois, à pied, bref à flux continus, le cœur lourd, les sénégalais sont sortis pour non seulement te dire merci mais brandir par leur présence le carton rouge qu’ils réservent à un pouvoir faisant pipi dans ses couches à mesure que montait cette émotion totalement différente de celle payée cfa-sur-l’ongle, pour les faire venir, profitant de leur paupérisation, dans cette arena ou l’autre, l’impopulaire usurpateur de leur volonté, tenait il y a quelques jours son abject meeting d’investiture avant la lettre. Quelle différence avec cette spontanéité populaire autour de ton corps inerte et étalé dans cette ambulance où il faisait les 192 kms de Dakar à Kaolack pour y être finalement enterré au milieu d’une compacte foule hystérique. Comme si tu étais devenu soudain une mega-star hollywoodienne.
Qui n’a pas pu laisser s’échapper de sa poitrine un hurlement de béatitude quand, dans une mêlée générale, ton frêle corps, dans son cercueil, était soulevé pour être conduit à sa dernière demeure. C’est à cela qu’on reconnaît les êtres exceptionnels. Ceux dont le départ vers le ciel résonne comme un séisme de haute magnitude, un tremblement de terre.
Maintenant que tu es dans ta tombe, conversant avec ton Seigneur, lui rendant compte, laisse moi te mettre à jour sur ce qui se passe ici depuis ton départ.
RAS, rien d’extraordinaire à signaler, en vérité, les choses de la vie alentour continuant, sans les changements que tu souhaites.
Sans même la décence d’une période minimale de deuil que ton combat imposait à bon droit.
Non, les irresponsables, ils ont tenu, révisionnistes, à inaugurer le Musee des Civilisations noires, en omettant, les salauds, le nom de son concepteur: Abdoulaye Wade!
Ils n’ont pas pu décrocher Erdogan dont on avait pourtant annoncé la venue pour l’inauguration d’un…marché, le 4 décembre. Ont-ils préféré se retrouver en catimini avec leurs partenaires pour se partager les commissions sur ces…marchés bizarrement attribués aux têtes de Turcs?
De leurs chapeaux de prestidigitateurs, en perte, ils ont sorti la visite d’une présidente de l’Estonie, can you imagine?
L’irréelle pre-campagne électorale bat son plein avec des parrainages livrés à tour de bras par des acteurs de la République réduits à les collecter sans savoir que, bientôt, ils seront les prétextes à une annulation de ce processus politique mal goupillé. Question: veulent-ils empêcher l’élection présidentielle du 24 février 2019? Pas impossible !
À vrai dire avant ta mort, et depuis que tu l’as quitté, le pays marche sur la tête, et y règne davantage ce que tu dénonçais en vain.
C’est le triomphe du déni: pas question d’évoquer les fractures ethniques qu’ils ont exacerbées; ni de l’endettement public qu’ils ont creusé; encore moins de l’impéritie d’un État devenu néant.
Ils se taisent pendant qu’écoles, services de santé, institutions démocratiques et societales s’affaissent.
Sidy, je n’étais pas ton ami. Nous avons même failli nous retrouver face à face dans un prétoire avant que tu ne renonces. Mais, suivant Beaumarchais, rappelant que :”sans liberté de blâmer il n’est d’éloge qui soit flatteur”, je suis à l’aise pour te rendre l’hommage mérité qui te revient sans aucune forfanterie.
Ce que je veux répondre à ta lettre est ceci: hier par tes prêches et postures politiques tu savais haranguer les foules sénégalaises, certes, mais elles n’avaient pas toujours fait ce que tu souhaitais: passer aux actes. Comme les gilets jaunes en France !
Mais en s’agglutinant autour de ton corps, toute la symbolique de leur communication non-verbale, encore plus puissante que tes incitations verbales, était de te dire qu’elles votent avec leur cœur. Comme naguère les Allemands de l’Est le faisaient avec leurs pieds quand 40 ans après son erection le mur de Berlin s’écroulait en novembre 1989.
Je te transmets donc avec plaisir le message de l’immense majorité des sénégalais: ta mort, loin d’être la fin de ton combat, n’est que la continuation de la vie par d’autres moyens. Ils te le prouveront en février prochain lorsqu’ils éjecteront du pouvoir les souillures qui rendent invivable notre pays. Tu les connais: ce sont les mêmes qui abrègent les vies de tant de nos belles élites en les harcelant fiscalement et en transformant en enfer leurs fins de mois, dans le souci d’étrangler leurs entreprises parce qu’elles sont iconoclastes.
Remercie alors le Seigneur, en notre nom collectif, pour t’avoir donné ce feu sacré indispensable aux combats démocratiques et à la rectification sociale des normes défaillantes gouvernant nos relations humaines.
Enfin, Sidy, coïncidence divine, me trouvant ce jour dans cette Egypte où tu as fait tes humanités avant d’aller à la conquête des cœurs du peuple sénégalais, je te dis à haute voix: ton combat sera perpétué jusqu’à la victoire finale.
Nous prions tous pour que Dieu, par le paradis suprême qu’il t’offre, t’en fasse sentir, dès à présent, la douce saveur…
Adama Gaye
Sharm El Sheikh, Egypte,
8 décembre 2018.
Très beau texte Adama. Merci pour tout.
Rancunier, ADAMA Tu vas suivre SIDY donc n’exagere pas.
trés beau hommage MR Adama Gueuye
macky en complicité avec ahmed khalifa niasse a liquidé le très honorable sidy……..et il devient le mec qui se bunkérise le plus sur terre……conséquence de son impopularité dans son propre pays…………..et sidy était partout avec le peuple comme vous adama gaye.