La proposition de loi Les Républicains, qui a peu de chance d’être votée dans les mêmes termes à l’Assemblée, est jugée « contre-productive » par le ministre de l’éducation.
Le vote intervient dans un contexte explosif, au lendemain de l’attaque menée à Bayonne par un ancien candidat du Front national (devenu Rassemblement national) contre une mosquée, qui a fait deux blessés graves.
Le Sénat, à majorité de droite, a adopté mardi 29 octobre en première lecture par 163 voix contre 114 une proposition de loi Les Républicains visant à interdire le port de signes religieux ostensibles aux parents accompagnant des sorties scolaires.
Le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, a de son côté réitéré son opposition à ce texte, qui a peu de chance d’être voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale, dominée par la majorité présidentielle.
Avant même l’attaque de Bayonne condamnée par l’ensemble de la classe politique, la question du voile, relancée par un élu du RN prenant à partie une femme voilée lors d’une réunion publique, enflammait de nouveau les débats, alors que la droite ne cesse de presser Emmanuel Macron de s’exprimer sur la laïcité.
Une loi « contre-productive » selon Blanquer
« En allant au-delà du nécessaire, une loi serait contre-productive parce qu’elle enverrait un message brouillé aux familles. En effet, nous voulons rapprocher les familles des écoles et c’est là la meilleure chance d’accomplir le projet républicain », insistait avant l’examen de la proposition de loi le ministre de l’éducation, ajoutant qu’il était « impossible de demander à la loi de réglementer chaque aspect de la vie courante ».
« Pour moi, la situation est claire lorsque j’ai dit encore récemment : pas interdit mais pas souhaitable », a-t-il ajouté reprenant les termes qu’il avait utilisés après la polémique lancée par l’élu du RN.
Le texte examiné au Sénat vise à modifier le code de l’éducation pour étendre « aux personnes qui participent, y compris lors des sorties scolaires, aux activités liées à l’enseignement dans ou en dehors des établissements » l’interdiction des signes religieux ostensibles posée par la loi de 2004. Le rapporteur du texte Max Brisson (LR) a jugé « important que les débats se concentrent sur l’école et elle seule ».
Une proposition de loi « stigmatisante »
Le débat a démarré dans une atmosphère sereine, jusqu’à l’intervention du sénateur non inscrit Jean-Louis Masson, qui a appelé à « prendre la problématique du communautarisme musulman dans sa globalité » et a également évoqué la question de l’immigration.
Les sénateurs socialistes ont crié le décompte des dernières secondes de son intervention et tapé sur leurs pupitres jusqu’à ce qu’il se taise. Puis la sénatrice (ex-PS) des Bouches-du-Rhône Samia Ghali a pris la parole pour affirmer que « cette proposition de loi n’avait pas lieu d’être parce qu’elle stigmatise ».
Elle avait appelé le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, à renoncer à son examen, essuyant une fin de non-recevoir du sénateur de Vendée pour qui mettre le texte « sous le tapis serait la pire des choses à faire ».
« Je demanderais à être payé »
Pour la sénatrice du Val-d’Oise Jacqueline Eustache-Brinio portant la proposition de loi, il s’agit de combler « un vide juridique » afin d’éviter de laisser aux chefs d’établissement la responsabilité de trancher.
« La sortie scolaire est-elle un temps éducatif ? Oui. Celui qui accompagne une classe est donc un acteur de service public et ne peut pas porter de signes distinctifs », soutient lui-même le président LR du Sénat, Gérard Larcher.
« Je veux bien que le collaborateur occasionnel du service public soit tenu par l’ensemble des obligations de l’agent public. Mais dans ce cas, si j’étais collaborateur occasionnel du service public, je demanderais à être payé ! », rétorque un ministre.
Le rapporteur du texte soulignait que l’interdiction de tenues ou de signes manifestant « de manière ostensible » une appartenance religieuse ne s’appliquerait pas aux parents participant à la fête de l’école, qui n’est pas une activité liée à l’enseignement, ni lorsqu’ils viennent à l’école pour rencontrer les enseignants.
« Chaque fois qu’on arrive en période électorale », on réduit « les maux de la France » à « l’islam » et aux « musulmans », avait déploré dimanche Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM) et président de l’Observatoire national contre l’islamophobie.
Lemonde
Sorties scolaires : le Sénat vote l’interdiction des signes religieux pour les parents accompagnateurs
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