XALIMANEWS- Ce vendredi 16 février 2024 aurait pu, certainement, être un jour ordinaire pour beaucoup de sénégalais si d’aucuns n’avaient pas découvert, avec la vague de libération de détenus politiques, l’histoire jamais racontée des victimes de la traque populaire qui a sévi au Sénégal ces derniers temps. Des activistes, militants et sympathisants de Ousmane Sonko, des anonymes, adultes, entre jeunes gens et personnes âgées, des femmes, des moins jeunes, à peine sortis de l’adolescence ont été incarcérés, pour la plupart, entre mars 2021 et juillet 2023. Accusés d’être des terroristes, ayant attenté à la sûreté de l’Etat, appelé à l’insurrection ou participé à une manifestation non autorisée, ils ont tous attendus, résilients, un procès qui ne viendra jamais. Coup de théâtre ! L’autorité a décidé tout simplement de les relaxer.
Comme ils auraient voulu faire face à un juge, devant un tribunal rempli, pour se défendre à la face du monde et par opposition, demander des preuves pour les chefs d’accusation auxquels ils sont liés ! Comme ils auraient voulu raconter leur peine à un juge, une souffrance à la hauteur de leur dignité et attendre, sagement, le jour de la délivrance ! Hélas, ce rendez-vous n’aura jamais lieu et cette peine n’a pas de nom. « Mais non, après tout, c’est eux qui nous y avaient conduits, c’est eux qui nous y sortent », dira un jeune homme qui estime que cette libération est une grande victoire contre « son bourreau ».
Toujours est-il que, que ce vendredi de février, devant la grande porte de la célèbre prison de Rebeuss, une chaine de solidarité s’est vite constituée autour des détenus qui sortent de cellule, depuis la veille, jeudi 15 février. Alors qu’aucune mesure, en ce sens, n’a été publiée par l’autorité compétente. Jamais la fameuse prison n’a vécu une aussi grande affluence, comme dans une foire ! Avec la présence remarquée de la presse internationale. Les faits sont patents. Jamais le Sénégal n’a connu autant de libérations de prisonniers, seulement en quelques heures. Qu’est ce qui s’est réellement passé ? A cette grande question, les ex prisonniers ont bien voulu apporter des réponses. Des témoignages qui font froid dans le dos, des histoires qui font perdre le sommeil au plus brave des citoyens.
Boubacar Fofana, l’innocence volée
L’image délicate d’un jeune, au corps frêle et au visage pâle, a suscité l’indignation populaire sur les réseaux sociaux. Boubacar Fofana, arrêté en juin 2023, était en classe de seconde. Son seul tort est d’avoir trainé un jour de manifestations alors qu’il avait décidé de rentrer un peu plus tard de son petit boulot, après que tout soit calme, vers 22 h. Il raconte que les forces de l’ordre, l’ayant embarqué avec cinq autres personnes, n’ont rien cherché à savoir. Son petit bagage, qui indiquait qu’il n’est pas un manifestant, est confisqué sans suite.
« Personne parmi nous ne manifestait », dénonce-t-il, la déception dans la voix. Conduits au commissariat, ils ont tous été torturés et forcés à faire des aveux en rapport avec le motif d’accusation qu’on voulait leur coller. « Nous avons été déshabillés et laissés nus pendant 4 jours, durant la période de garde à vue », se rappelle-t-il, apparemment très secoué par le souvenir. Puis, le mal est fait. Le jeune de 18 ans, perdu et vidé de ses forces, a atterri à la prison de Rebeuss, non sans savoir réellement ce qu’on lui reprochait. Sa descente aux enfers est sans appel.
Le cas de Boubacar Fofana a d’autant plus ému que son changement est apparent. Un changement causé par les affres de la prison. Sa voix grave trahit son âge. Son regard, éteint et fuyant, interpelle les bonnes volontés dont des défenseurs des droits de l’homme, des activistes, médecins et citoyens d’ici et de la diaspora. Le jeune, à peine sorti de l’enfance, est visiblement traumatisé. Il garde, en mémoire, chaque épisode de sa souffrance.
Pourtant, Boubacar n’était pas le seul adolescent dans les cachots. Une mobilisation populaire, à travers les réseaux sociaux, a permis de lister un grand nombre de jeunes arrêtés, lors des manifestations, et qui sont encore dans les prisons du Sénégal. Si le cas du jeune Boubacar a attiré la masse, la situation d’autres mineurs, également libérés, est plus que jamais préoccupante. La trame a révélé que les collégiens et lycéens, sont les plus grandes victimes de cette chasse à l’homme.
Seydou Nourou Ba, co-fondateur de Kopar Express, un entrepreneur brisé
L’arrestation de l’activiste Hannibal Djim, alors qu’on lui reprochait d’avoir utilisé des fonds à la provenance douteuse pour ses œuvres sociales, le plus souvent avec de généreux donateurs dans les rangs de l’ex Pastef, était loin de présager un autre drame. L’informaticien et partenaire de Djim, Seydou Nourou Ba, allait tomber dans les geôles. Son seul tort est d’être actionnaire d’une plateforme de financement participatif, nommée « Kopar Express », que l’autorité accuse d’avoir facilité le financement d’activités de nature à troubler l’ordre public. L’ascension de l’entreprise fut aussi stoppée net. Pourtant, Seydou Nourou, en homme rangé, est surtout connu pour n’appartenir à aucun bord politique.
Aujourd’hui, ses proches parlent d’un entrepreneur brisé, un élan complètement détruit dans une affaire rocambolesque. Libéré ce vendredi soir, Seydou Nourou Ba s’est effacé…aussi vite que son nom était apparu au grand jour.
Cheikh Oumar Kassé, Cheikh Diène, Phalilou Niang, traqués jusque…
C’est un jeune homme qui parle avec assurance mais chez qui on perçoit l’amertume. Pourtant, Cheikh Oumar Kassé se dit plus que jamais debout pour son leader, Ousmane Sonko. C’est, en réalité, la seule faute qu’il a commise. Une faute lourde qui lui a valu huit (08) mois de prison. Il est arrêté alors qu’il est tranquillement dans sa chambre en train de s’occuper de ses affaires, précisément chez Maman Amy Dia, à Guédiawaye où son militantisme est reconnu. Seulement, Cheikh Oumar Kassé, qui avait une vie bien tranquille, ne s’attendait point à un tel sort. Pourtant, il est accusé de troubles à l’ordre public.
« Je n’ai jamais rien causé de grave mais je remercie Ousmane Sonko d’être une bénédiction pour nous à tout point de vue. Personnellement, c’est une grâce car j’ai appris le Coran en prison, entre autres dispositions dont je me réjouis aujourd’hui », raconte-t-il, avec un brin de fierté. Il dit, ainsi, garder son petit paquet en souvenir de ces moments de connexion véritable pour la cause patriotique.
En d’autres lieux, Cheikh Diène, habitant de la médina, menait l’opération FATTË FEEP, une campagne de sensibilisation à la faveur de Pastef, quand il a été arrêté et conduit au commissariat avec 8 autres personnes dont 4 femmes. Torturé, puis jeté en prison, il retrouve d’autres « camarades » qui sont dans la même situation. Pendant 8 mois, ce père de famille a été enfermé, laissant sa progéniture derrière et dans l’incertitude totale.
Aujourd’hui, il est porté en héros par les partisans de Ousmane Sonko pour avoir été un sacrifice probant pour « le projet ».
Serigne Fallou Mbengue devrait, peut-être, bien avoir cette même reconnaissance quand on sait que le fait de se réclamer sympathisant de Ousmane Sonko l’a conduit en prison. Pourtant, en homme pacifique, très accroché aux Xassidas, il n’a pas souvent élevé la voix, cette petite voix qui ne laisse d’ailleurs rien transparaitre. Il ne dira pas grand chose sur ses 8 mois de prison. Pourtant, dans ses habits de « Isbou », un look très apprécié des religieux, Serigne Fallou est visiblement marqué. Certainement, il se posera encore des questions sur sa posture qui, malgré tout, ne changera pas. La chose qu’il a dite : « Sant yalla ! Je continuerai à croire en Ousmane Sonko ». Sans plus !
Pour Phalilou Niang, commerçant, accusé de faire partie d’un groupe de terroristes avec des financements de cocktails Molotov, les sept (7) derniers mois qu’il vient de passer à la prison n’ont pas suffi pour briser son élan. Son « délit d’opinion » aurait pu encore le perdre. Traqué depuis toujours, il ne se cache plus. Malgré son état, il s’est empressé sur les réseaux sociaux, quelques heures après sa libération, ce vendredi, pour dire que « le combat continue » !
Serigne Bassirou Diagne, au nom de la répression populaire
Après sept (7) longs mois dans la prison de Rebeuss, Serigne Bassirou Diagne se désole des raisons pour lesquelles il a été arrêté et enfermé. Ce tradipraticien, qui fait des vidéos pour ses services, était loin d’imaginer que le fait d’avoir donné « son avis » sur la situation de Ousmane Sonko, alors que ce dernier venait d’être arrêté, allait le conduire en prison.
« Alors que je discutais avec mes clients qui ont soulevé le sujet dans mon live, j’ai juste dit qu’on a fait du tort à Ousmane Sonko, qu’il n’était coupable de rien DANOUKA TOGN… », explique celui qu’on surnomme Serigne Bassirou Ahmad. Un homme qu’on décrit comme un « allié de Dieu » et dont la parole, en bandoulière, est toujours bienveillante.
Ibrahima Barry, Tidiane Sabaly, Khadim Guèye, Daouda Kalora…des victimes de la grande traque dans la rue
Au plus fort de la crise, entre juin et juillet 2023, la chasse à l’homme, dans les rues de Dakar et ailleurs, par les hommes du général Moussa Fall, a semblé prendre des proportions inexpliquées. Ibrahima Barry, guinéen de nationalité et vivant à Dakar, devait être embarqué et connaitre le même sort que des soi-disant terroristes. Le malheureux père de famille a eu la malchance de se trouver au mauvais endroit et au mauvais moment alors que, revenu fraîchement de la Guinée où sa femme venait d’accoucher, il devait reprendre ses affaires dans son atelier de couture. Il officie en qualité de sous-traitant pour de grands couturiers de ce pays. Ce jour-là, raconte-t-il, il avait même fermé boutique et avait décidé de rentrer lorsque les forces de l’ordre lui sont tombés dessus. Ils l’ont dépossédé de tout, ses deux téléphones et son argent, avant de l’embarquer.
« J’étais venu franchement, comme d’habitude, pour faire affaires et m’occuper de ma famille. Comment pourrais-je participer à des manifestations dans un pays où je n’ai même pas la nationalité ? », explique Ibrahima, qui regrette d’avoir tout perdu.
Mais sa peine n’est rien comparée à celle de ce jeune homme dont on ne connaitra, peut-être, jamais le prénom. Sorti en larmes, apparemment très meurtri, il n’a pas pu prononcer un mot. Son histoire est rapportée par ses amis qui ont tellement attendu ce jour. Parti récupérer de l’argent, envoyé à sa maman malade qui devait faire ses soins, ce jeune sénégalais est marqué à jamais. Lui qui, d’après son ami, ne pensait jamais fréquenter le genre d’endroit. Il a été pourtant, arrêté, délesté de l’argent puis conduit manu militari dans les geôles…pour troubles à l’ordre public. Son désespoir ne connaitra pas de suite. Sa thérapie ne se fera, peut-être, jamais. Hélas !
Khadim Guèye, marchand ambulant de son état, a subi le même sort, lorsqu’il a été aussi embarqué pour troubles à l’ordre public. Dépassé, le jeune d’environ 25 ans, esquisse un sourire contraint devant son sort inattendu. Il a connu 8 mois de prison. sans suite !
Pareil pour Ass Malick Diakhaté. Laissant échapper un petit rire qui cache mal son traumatisme, le maître coranique raconte, après 7 mois de prison, le film de son arrestation. Alors qu’il prenait tranquillement son petit déjeuner dans une gargote avec d’autres personnes, ils ont été cueillis. Sans ciller, renseigne-t-il, les forces de l’ordre les ont embarqués, ce jour-là, pour manifestation non autorisée. Le regard vide, il essaie encore de voir où est ce que les choses n’ont pas marché.
Les sorts de Daouda Kalora et de Tidiane Sabaly étaient, tout aussi, scellés par l’administration pénitentiaire. Respectivement de Keur Massar, à Dakar et de Médina Yoro Foulah, Daouda et Tidiane ont connu les affres de la prison de façon inattendue. Si le premier a été embarqué en marge du « grand meeting de Keur Massar », alors qu’il était venu assister en tant que sympathisant, le second, pour sa part, est arrêté dans son village où une certaine source signalait le leader de Pastef lorsque ce dernier avait quitté Ziguinchor pour Dakar, en prenant un chemin « mystérieux ». Tidiane Sabaly était revenu, fraîchement, de l’Espagne et était de passage en Gambie pour ses affaires. Il était sur point de rallier Dakar… lorsque sa vie a basculé.
Nani, c’est le prénom, seul, qu’on retiendra puisqu’il ne parle que la langue créole, est un Cap verdien qui a aussi subi la loi de la rue en ces temps troubles. Ayant hélas manqué de goûter à la téranga sénégalaise, il a été accusé de terrorisme et de troubles à l’ordre public. Le regard hagard, on tente de lui expliquer ce qu’il ne comprendra, sûrement, jamais.
Au même titre, Ibrahima Sory Sow, en provenance de la Guinée, il y a 08 mois, n’a pas eu le temps d’apprendre la langue locale, au Sénégal. A peine a t-il foulé du pied le sol dakarois, qu’il a été arrêté dans un tohu bohu dont il se souviendra toujours. Libéré, il ne s’est pas où aller. Certainement, depuis qu’il a été signalé à Dakar, ses proches ont perdu l’espoir de le retrouver alors qu’il croupissait dans les geôles…pour troubles à l’ordre public.
A Liberté 6, de braves femmes reviennent de loin…
Du côté de la MAC de Liberté 6, où sont emprisonnées les femmes, une vague de militantes de Pastef sont aussi libérées. Elles sont appelées, désormais, les amazones de Pastef pour avoir payé, très cher, leur militantisme, le plus souvent pacifique… au prix de leur liberté, de leur stabilité familiale, celle de leur progéniture et encore au prix de leur travail.
Les plus téméraires ont vécu cette épreuve avec des bébés de 8 mois et 2 ans. D’autres ont dû sevrer leur enfant pour « goûter », seules, à la guillotine de Antoine Diome, alors ministre de l’intérieur, parce qu’elles ont osé braver l’interdit : Être militant ou même sympathisant de Pastef.
Au Camp pénal, l’ambiance est moins tendue. A la suite de la ténacité de Falla Fleur, de la résilience de Maman Amy Dia, les désormais ex détenues ont fait éclater leur joie de retrouver leurs proches. Pour la plupart, les amies sont aussi là. Des embrassades de longue haleine donnent, à ce lieu, une ambiance de fête. Qui disait que c’est ce qu’elles savent le mieux faire? Leur présence à la prison ne souffrirait elle pas alors d’un paradoxe ? Toujours est-il qu’elles sont, pour la plupart, incarcérées pour des délits d’opinion. Mais dans les procès verbaux, elles ont encore appelé à l’insurrection et ont espéré bruler le pays.
Libres après plusieurs mois de détention, ces amazones ont encore le mot à la bouche. « On ne nous voit nulle part mais on ne ferme pas notre bouche et si c’est un délit que de défendre ses positions, alors on ne devrait jamais sortir d’ici », dira l’une d’elles dont nous préférons garder l’identité.
Diouma SOW
manchala c’est trés intéressant malheureusement le pays de la teranga est devenue pays de la tortue est d’imuliation