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Système corruptogène et incongru par Abdoulaye Thiam

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Une élection locale est considérée comme un rendez-vous d’un leader avec sa base. C’est un moment où les populations décident de qui doit présider aux destinées de leur commune et de leur département pendant cinq ans.

Seulement, le patron de l’exécutif local est élu au suffrage universel indirect. En un mot, le maire et le président du conseil départemental ne sont pas choisis directement par les populations. Mais plutôt via un système de «grands électeurs». Ce qui laisse libre cours à toutes sortes de tentations.

Manœuvres, par ci ; alliances contre-nature par là. Sans occulter la corruption passive voire active à laquelle s’explosent les conseillers municipaux et départementaux appelés à désigner l’édile de leur localité. A Dakar par exemple, les populations ont clairement manifesté leur désir de voir Ababacar Khalifa Sall poursuivre son travail. D’ailleurs, à tort ou à raison, il est dit que certains maires de communes longtemps décriés à cause leur gestion, ont pu rempiler parce qu’ils figuraient sur la liste Taxawu Ndakarou, dirigée M. Sall. Un système «Yobalema» qui aurait donc permis à certains de sauver leur tête.

Ce que Khalifa Sall attend d’eux, c’est de la loyauté. Mais, rien ne dit, a priori, qu’ils vont tous porter leur choix sur le maire que les Dakarois ont choisi.
L’hypothèse de ne pas voir Khalifa Sall reconduit parait certes très improbable. Mais, le simple fait que ce soit possible, pose véritablement un sérieux problème pour notre démocratie. Notamment son système, qui fait que la volonté populaire pourrait, ne pas être respectée.

A Guédiawaye, c’est le «tout sauf Alioune Sall» qui est lancé. Pourtant, les populations ne semblent pas rejeter le petit-frère du président de la République, qui a remporté l’élection haut la main.

Mais, les grands électeurs peuvent en décider autrement.
Partout, les prétendants aux fonctions de maire ou de président du conseil départemental, sont obligés de négocier. En amont ou en aval. Le vote des conseillers étant secret, on ne peut jurer de rien.

Incongruité d’un mode de scrutin

Le scrutin majoritaire est le mode qui est pratiquement utilisé dans toutes les élections organisées au Sénégal. Qu’il s’agisse d’une élection présidentielle, des élections législatives ou locales.

Seulement, il diffère d’une élection à une autre. S’il s’agit d’une présidentielle, le mode de scrutin est à deux tours.

En revanche, pour les Locales et les Législatives, il est à un seul tour. Ce qui constitue une première incongruité et crée la disparité entre les dirigeants, censés tirer leur légitimité d’un même et unique corps électoral.

Curieusement, les acteurs «acceptent» une légitimité populaire pour le Chef de l’Etat et un «Raw Gaddu» pour les députés et autres élus locaux.
Autrement dit, au Sénégal, seul le président de la République est assuré d’être très bien élu.

Sa légitimité ne souffre d’aucune ambigüité d’ailleurs. L’article 33 alinéas 2, 3 et 6 de la Constitution règle le problème. «Nul n’est élu au premier tour s’il n’a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés». «Si aucun candidat n’a obtenu la majorité requise, il est procédé à un second tour de scrutin le troisième dimanche qui suit la décision du Conseil constitutionnel». «Au second tour, la majorité relative suffit pour être élu». Tel est l’avantage de ce mode de scrutin.

En revanche, celui dit scrutin majoritaire à un tour est caractérisé par une très forte tendance à mal traduire en nombre d’élus, le poids réel de leur représentativité sur l’électorat.

Ce, à cause d’un système du Raw Gaddou, qui octroie la victoire à la formation politique arrivée en tête, lui attribuant, du coup, une part des sièges bien supérieure à sa valeur représentative réelle.

Par exemple, dans une commune où il y a 50 sièges à pourvoir. On se retrouve avec trois listes en compétition. La liste A obtient 10.000 voix avec 40%, la liste B recueille 9.999 voix avec 39,9% et la liste C bénéficie 7.000 voix avec 21%.

Le système majoritaire voudrait alors que la liste A rafle l’ensemble des sièges. Or, on n’a pas besoin d’être mathématicien pour comprendre qu’elle est loin d’être majoritaire.
Pourtant, notre mode de scrutin, tel qu’il est conçu aujourd’hui, permet à ce candidat de gouverner pendant cinq ans, alors que la majorité de ses concitoyens n’est pas d’accord avec son programme. Aberrant !

Dans toutes les démocraties modernes, ce mode de scrutin est banni. Le Sénégal ne peut plus se permettre d’être à la remorque.

Les acteurs politiques, les membres de la société civile, doivent s’asseoir autour d’une table pour rectifier cette incongruité, sujette à la corruption. D’autant plus qu’elle est décriée par tous. Ou presque !

sudonline.sn

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