Titre : Black panther ou l’ode à une Afrique rêvée. (Par Isidore DIOUF)

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C’est avec beaucoup d’émotion et de tristesse que beaucoup d’entre nous ont appris le décès brutal de Chadwick Boseman, il y a de cela quelques mois, le personnage principal du film « Black Panther » qui constitue l’un des films les plus retentissants de ces dernières années tant par la qualité du film, son succès (9ème film le plus rentable de tous les temps) que les imaginaires qu’il explore, les symboles qu’il ressuscite.

Que de témoignages émouvants sur la vie de l’acteur, ses épreuves, son courage, sa détermination à réussir et à défier une maladie qui lui a accordé un sursis pour réaliser ce chef d’œuvre comme pour l’élever au sommet afin de le terrasser.

Au centre de ce film, le royaume « wakanda », pays africain fictif, un eden, un paradis caché qui possède un gisement naturel précieux le vibranium qui lui assure une avance technologique considérable et qui de ce fait, subit la convoitise de malfrats qui voit en cette matière un instrument de domination.

Le décor est une formidable synthèse de technologies Hi-tech avancées, de costumes traditionnels africains inspirés des tribus australes, subsahariennes, de marqueurs ethniques, le tout avec la formidable voix ensorcelante de baba maal qui nous transporte dans un univers quasi mystique.

Chapeau à Marvel Studios pour ce coup de génie audacieux !

Pourquoi le film a eu autant de succès ?

Parce qu’il projette l’idée d’une Afrique puissante, fière, profondément ancrée dans sa culture, assumant pleinement son identité et n’hésitant pas à détruire tout ennemi qui mettrait en péril son existence. Tout le contraire de la réalité que nous vivons, celle d’une Afrique, peureuse, dominée, technologiquement, militairement, économiquement, culturellement. Le spectateur se retrouve durant 2h affranchi de cette réalité indésirable.

Au bon et vigoureux prince T’Challa qui veut malgré tout que cette supériorité technologique ne tombe pas en de mauvaises mains, s’oppose le prince N’Jadaka, le méchant du film et cousin caché de T’Challa, venu se venger de l’assassinat de son père et qui souhaite partager la technologie du vibranium avec les peuples frères africains partout dans le monde, afin qu’ils se soulèvent face à leurs oppresseurs.

Tout spectateur dorloté et enchanté par le scénario prendrait naturellement fait et cause pour « le gardien de paix » T’Challa. C’est la logique de tout film de suggérer  au téléspectateur d’être du bon côté de l’histoire.

Mais creusons le sujet qui va au-delà d’un scénario doré de film. Il nous questionne sur notre vision du combat que nous devons mener et des moyens pour y arriver en faisant une translation de ce film sur la réalité actuelle et en convoquant l’histoire. Par projection :

  • Le wakanda serait l’Afrique d’aujourd’hui avec bien sûr toute la technologie en moins et une dose en moins d’enracinement culturel, la mondialisation et l’aliénation culturelle étant passées par là
  • Le vibranium représenterait les matières premières dont regorgent le continent et qui suscitent la convoitise des puissances étrangères
  • La dualité entre le prince T’Challa et son rival N’Jadaka représenterait l’opposition entre les tenants d’une lutte prudente, d’une émancipation douce (nos présidents) et les tenants d’une lutte radicale (La jeunesse africaine dans sa majorité avec comme porte-voix, les activistes tels que Kémi séba, Emery Mwazulu Diyabanza)

Nous pouvons, sans risquer de tomber dans l’analyse simpliste, affirmer que la domination actuelle dont fait l’objet l’Afrique est la résultante d’une incapacité multiséculaire à se défendre, à faire preuve de solidarité dans les combats et luttes contre l’oppresseur, qui ont été menés le plus souvent de manière individuelle, clanique à l’échelle du continent.

Oui ! notre échec est la résultante de nos égoïsmes, de nos  individualismes, de nos ethnicismes, de nos divisions religieuses. Et les colonisateurs ont joué sur ces divisions. En témoigne l’histoire de la pénétration coloniale au Sénégal avec les guerres fratricides entre royaumes sous fond de guerre de territoires, de guerre religieuse pendant que le péril le plus menaçant était là. Cet état de fait historique est duplicable à souhait dans plusieurs pays africains ou ce schéma a précipité la chute de grands royaumes (Le royaume du Ghana, du Wagadou, L’empire mandingue etc..)

L’Afrique en est réduit à être une mosaïque de peuples, balkanisés, qui bien que fondamentalement présentant des cultures similaires,  peine à construire une communauté de destin qui verrait éclore un altruisme vivace. La solitude du peuple malien face à son combat pour déloger son président aux ordres des puissances étrangères en est une preuve. A part un soutien sur les réseaux sociaux, aucune manifestation de soutien dans les villes africaines ! Idem lorsque le vaillant peuple guinéen affrontait les balles des militaires à la solde du président dictateur Alpha condé en quête d’un 3ème mandat de trop.

Ne parlons pas des luttes locales ! : Ndingueler, les multiples sévices et tortures envers les citoyens sénégalais par la police, le délogement des 79 familles de terme sud qui ne sont que des micro-exemples d’injustices parmi tant d’autres qui se passent sous nos yeux sans que la population réagisse. Ce qui confirme que nous souffrons d’un vrai syndrome de passivité absolue dû à une anesthésie générale des consciences et un manque profond d’exigence de justice et d’équité qui ne s’expliquent pas seulement par un déficit d’éducation de la masse. Le fatalisme et l’acceptation de l’inacceptable ont des soubassements culturels mais aussi religieux (ne dit-on pas chez nous que Dieu a créé les hommes inégaux comme les 5 doigts de la main ?)

De rares âmes comme Guy Marius Sagna ont cette générosité, cette conviction, cet esprit de sacrifice pour se dresser contre ces injustices et appeler tels des prophètes à une lutte collective

Au-delà de cette inactivité locale, Se posent de façon plus globale à l’échelle du continent plusieurs questions :

  • La posture des tenants d’une Afrique humaniste et réconciliatrice des nations est-elle réaliste ? Ne serait-ce pas faire preuve d’incrédulité que d’espérer de la part des dominants un sursaut bienveillant tout en sachant que leur position dominante est intrinsèquement liée à leur mainmise sur les richesses du continent. A-t-on déjà vu un fort négocier avec un faible ?
  • N’est-il pas temps d’ouvrir les yeux et de voir les hostilités grandissantes, les sursauts nationalistes qui se dressent aux USA, en Europe, en Asie.

Notre conviction est celle-ci : seuls les rapports de force prévalent !

Il ne faut pas être un expert en géostratégie comme Pascal Boniface pour savoir que ce fameux « ordre mondial » ne s’est pas bâti sous l’arbre à palabre mais par le sabre et le canon.

 La Corée du nord, La chine, la Turquie l’ont bien compris. Malgré que ces pays ne soient pas des modèles de démocratie, ils sont arrivés à tenir tête à cet « ordre mondial » et a passer d’une posture passive à une posture active grâce à :

  • Une exaltation de la fierté nationaliste et patriotique avec un adossement à une histoire et une culture magnifiée
  • La dilution du citoyen dans un grand ensemble qui met l’appartenance à une nation au-dessus des appartenances ethniques, religieuses
  • La promesse d’un avenir meilleur conditionné par le travail et le sens du sacrifice afin de combler le Gap technologique et économique

L’idée n’est bien sûr pas d’adopter un modèle prêt à porter qui nous permette d’avoir un sursaut d’orgueil mais de démontrer preuve à l’appui qu’il y a des impondérables pour prétendre à bousculer « l’ordre mondial ». Et pour le coup, nous sommes loin du compte : les cohésions sont intracommunautaires, intra ethniques et religieuses et nos dirigeants selon les intérêts électoralistes surfent sur ces fibres de la division pour se maintenir au pouvoir.

C’est à mon sens le prisme par lequel on peut décrypter et comprendre la posture de N’Jadaka dans le film et son invite à utiliser le vibranium pour soutenir le soulèvement de ses frères face à leurs oppresseurs. A quoi bon disposer d’un avantage si on ne l’utilise pas pour les siens ?

Entre le prince Tchalla, et N’jadaka, mon choix bascule sur le second

Vivement un nouvel opus ou le fils de N’jadaka tué par T’challa suivrait les traces de son père. Cet imaginaire projeté nous montrerait si cette posture serait une porte de sortie ou une impasse…

La réalité étant inconfortable, laissons-inous porter par nos rêves !!

                                                                                                                                                                               Isidore Diouf

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