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Top innovation, une reine de la culture hors sol

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Pionnière dans les filières scientifiques, première femme en Dea de chimie minérale à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Marième Sy, directrice de Top mountain reconvertie dans l’horticulture, cache aussi un passé politique, à l’heure de la clandestinité d’AJ/PADS. Portrait.

Top mountain, c’est une des merveilles de la « Fiara 2013 », temple de rencontres inédites, de déboires économiques, mais aussi d’innovation agricole. La Fiara, témoin d’une agriculture en pleine mutation, nous expose une reine de la culture hors sol, du micro jardinage et de l’horticulture. Une femme à la trajectoire exemplaire, qui, à l’heure où beaucoup se plaignaient du manque d’affluence, faisait le buzz au Cices. Marième Sy Top, directrice de la société de commercialisation, de distribution d’intrants, de matériels agricoles et d’hygiène publique, a battu les records d’audience : 50 à 100 visiteurs par jour. Aidée certainement par cette verdure étalée à quelques pas de la porte d’entrée des exposants. A l’entrée du stand, la nature décore le coin. En forme de colonne ou en pots, les légumes se libèrent. Bienvenue dans l’univers de la culture hors-sol. A l’entrée est projeté un film sur les techniques de la culture de serre ; près de l’écran est posté un mannequin qui monte la garde, dans sa combinaison verte, un pulvérisateur sur le dos, son masque et ses lunettes de protection contre les pesticides. A côté de lui, les semences de tomates, piment, chou, carotte… sont encastrées dans une vitrine et s’écoulent comme des petits pains. Sur la droite de l’homme-pulvérisateur, une machine fonctionnant à l’électricité et alimentée au liquide d’engrais, fait pousser laitue, menthe, persil, oignon… « L’eau peut durer un an, donc il n’y a pas d’influence sur la consommation. Et le système est fiable », renseigne Marième Sy Top. Cette nouvelle forme de culture est une vraie aubaine pour les urbains en mal d’espace. Sur 150 mètres carrés, on peut récolter 1000 kg de tomate. Et avec 40 m2, on peut avoir 5 lignes de 10 mètres de fraise. Avant de vanter les mérites de la semence hybride, qui augmente le rendement, la résistance aux maladies et la précocité : « Vous avez une culture rentable ». Marième donne rendez-vous dans son champ d’expérimentation de la culture sous-serre, sur la route nationale à Rufisque, au km 21, où elle tente de résorber le gap en fruits et légumes. Une nouvelle vie se dessine pour cette ancienne employée de la Senchim et de la société industrielle des engrais du Sénégal (1968-1982) où elle officiait au département de la formation et de l’exploitation des fabricants d’engrais.

Retraite verte

Marième Sy, directrice de Top mountain, développe les techniques de l’horticulture, du micro-jardinage et de la culture hors sol. A la tête de cette entreprise innovatrice depuis 2006, la retraitée des Industries chimiques du Sénégal fortifie son business et plaide pour le développement durable. La soixantaine révolue, teint clair, environ un mètre 75, débordante d’énergie, elle conforte son statut de femme émancipée. Persistant dans son rang de briseuse de tabous, Marième défriche encore les champs non explorés, en construisant sur fonds propres cette entreprise innovatrice et pourvoyeuse d’emplois dans les secteurs maraichers et fruitiers. L’horticulture peut résorber des jeunes dans les filières pépiniéristes, les traitements phytosanitaires, les artisans, mécaniciens et menuisiers dans la construction des serres. « Nous importons l’innovation et essayons de l’adopter par l’artisanat ». Pour vulgariser tout cela, la dame propose l’appui et la vulgarisation, la formation des utilisateurs et l’appui logistique (transport, stockage). Mais, elle poursuit : « Le micro-jardinage renforce la culture alimentaire, dans les centres urbains ». Dakar suffoque à cause du béton et n’offre plus d’espace agricole. Alors, avec un peu d’espace, on peut faire son jardinage et obtenir des taux de rendements alléchants. Pour une agriculture moderne et rentable, elle use du système goutte-à-goutte, plateaux d’alvéoles, la distribution d’entrants. Marième est dans le duo de tête de la fourniture en semences de tomates au plan national, membre de la Fédération des acteurs de l’horticulture au Sénégal. Hygiène publique, autre corde à l’arc de Marième : « votre salubrité, notre exigence par les 4 D (désinfectisation, désinfection, dératisation, distribution) ». Avec elle, le cadre de vie se veut aux normes environnementales. Et le développement durable a chassé de son cœur le militantisme politique.

Lasse de la politique

Jusqu’en 2004, elle était la trésorière d’Aj/Pads. Elle a vécu le pire en 1975, avant le meilleur de l’alternance en 2000. Mais au contact du pouvoir, Marième Top gèle ses activités en 2002 : « Je n’étais plus à l’aise, je ne m’y retrouvais plus. J’ai décroché ». Marième rouvre ce pan douloureux de sa vie. Sa convocation à la police judiciaire de Dakar, en 1975, à l’époque de la clandestinité. Son seul tort, on a inscrit dans un Pv : « Il faut que Marième vienne aux réunions à Diourbel ». Pourtant dans ces réunions, elle ne voyait même pas les participants. Elle restait à la cuisine, quand les hommes peaufinaient les plans. « C’était difficile », insiste-t-elle. Les images défilent dans sa tête. Elle revit les souffrances : son mari est incarcéré pendant un an, son fils aîné est privé de lait maternel, il est sevré à seulement 6 mois. Le nourrisson est privé de sa mère et se retrouve chez sa grand-mère à Thiès pendant deux ans. Une tension nerveuse qui appelle l’échec en deuxième année : Marième échoue à son examen au Deug. « J’ai eu un premier cycle très difficile ». Pourtant, elle n’était pas active, elle était plus la couverture de son mari. Avec le temps, elle voit clair dans le jeu, elle se rappelle qu’à Thiès, leurs maris s’éclipsaient durant une bonne partie de la soirée, avant de revenir en douce. On les croyait dans les boîtes de nuit. En fait, ils distribuaient et affichaient les tracs dans les rues de la capitale du Rail. Longtemps couverture, elle se rappelle de ces moments passés à vouloir révolutionner le Sénégal, la main dans la main. Landing, Decroix et les autres, étaient soudés. Aujourd’hui, c’est presque la voix déchirée qu’elle souligne : « En ce temps, il y avait la simplicité et la solidarité ». Il est bien loin ce tableau paisible, qui diffère de cette toile aux contours et aux couleurs de guerre judiciaire entre les deux pères « biologiques » d’Aj, suite au divorce intervenu en 2009. « Le pouvoir corrompt », conclut l’ancienne trésorière d’AJ/ Pads.

Après la détention de son mari, et l’avènement du multipartisme, elle s’engage et devient même membre fondateur de la coordination des cadres d’Aj. La dame se tient cependant loin des sunlights. Femme d’ombre, technique et efficace, la trésorière d’Aj explique : « J’étais confinée dans le rôle de collecte d’argent, j’étais technique, je ne voulais pas paraître mais j’ai encadré Safiétou Ndiaye Diop, j’assurais les meetings et j’organisais des activités génératrices de ressources. Avec beaucoup de tact et de doigté, elle actionne et réveille le leadership des femmes à Mboro et à And-Jef. Anna Dia Sakho, conseillère rurale à Mboro : « C’est grâce à elle que je suis militante à AJ (Decroix). Elle m’a formé ».

Bagarreuse

Très jeune, elle lutte pour ses droits. Dans les années 70 – 72, cette pensionnaire de l’Ecole normale en série S voit ses rêves de scientifique, hypothéqués. Leur petit nombre, trois (3), incite le directeur à les acheminer à William Ponty pour y suivre les cours avec les hommes. En terminale, elles sont renvoyées à leur école d’origine, parce que les filles influençaient la rébellion. La directrice qui ne voulait pas d’une classe de trois élèves, veut supprimer la Terminale S. Elles résistent, elles montent sur Dakar et rencontrent le directeur de l’enseignement, Yaré Fall. Elles obtiennent gain de cause, on leur ouvre leur terminale. Marième décroche le Bac C avec la mention Bien. Elle entre à l’université en Faculté de sciences, au département de chimie. Son cursus connaît une panne, elle rate ses premières années : « Je me suis mariée et cela a retardé mes études, il y a eu les grèves et mon mari qui était du parti Aj, Amadou Top, a été pris. Jusqu’au Deug, c’était difficile de bien avancer, à cause des arrestations de mon mari ». Armée de courage, aidée par sa maman qui voulait coûte que coûte qu’elle réussisse dans les études, elle prend son enfant de six mois et le comble de cadeaux pour l’encourager à persévérer. Chose faite, elle est la première femme à être inscrite en Dea de chimie minérale ; quand Moussokoy Cissokho, actuelle professeur à la Faculté des sciences, prenait la voie de la chimie biologique. Pionnière des femmes en sciences, elle entre à la Société industrielle des engrais du Sénégal, actuelles Ics, en 68. Dans ce milieu industriel, elle accomplit les tâches de formatrice du personnel dans le domaine des engrais, une technologie pointue. Et à deux ans de la retraite, elle se met à son compte. Son background dans le monde de l’horticulture connaît un pic mémorable avec la vulgarisation de la semence. Elle se fixe comme objectif d’atteindre l’autosuffisance en fruits et légumes. Gigantesque défi !

Boly BAH

LAGAZETTE.SN

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