Ukraine : la Russie veut-elle et peut-elle poursuivre son offensive vers l’Ouest ?

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Les déclarations du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, mercredi, sur les nouvelles ambitions russes en Ukraine au-delà du Donbass donnent l’impression que l’armée russe est sur une dynamique conquérante. La réalité sur le terrain est pourtant beaucoup plus nuancée et invite à se demander pourquoi la Russie croit judicieux d’ajouter des objectifs supplémentaires à son offensive.

Le Donbass ne suffit apparemment plus. La Russie vise dorénavant d’autres territoires après 149 jours d’une guerre débutée le 24 février. “Ce ne sont plus seulement les républiques populaires de Donetsk et Louhansk (les territoires séparatistes de l’est de l’Ukraine, NDLR), ce sont aussi les régions de Kherson et Zaporijjia (dans le sud) et une série d’autres territoires” que l’armée russe a dans le collimateur, a affirmé Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, mercredi 20 juillet.
Une posture conquérante qui peut surprendre. Certes, la Russie a progressé dans le Donbass : elle a affirmé, début juillet, contrôler la totalité de l’oblast de Louhansk (la région frontalière avec la Russie au sud-est de l’Ukraine), ce que confirme l’Institute for the Study of War, un institut indépendant américain d’analyse militaire.

Mais ce n’est pas la même histoire dans le Donetsk, l’autre partie du Donbass. Des villes importantes au nord de cette région, comme Kramatorsk ou Sloviansk, échappent encore à la férule russe. “La Russie progresse lentement, et on constate qu’elle subit des pertes importantes, notamment en équipement et matériel”, résume Sim Tack, un analyste militaire pour Forces Analysis, une société de surveillance des conflits.

Préparer le terrain des référendums “truqués” d’autodétermination

Le diplomate russe jouerait sur les ambiguïtés des appellations géographiques. Il évoque, en effet, Kherson – une ville déjà sous contrôle russe – et Zaporijjia. Cette dernière n’est pas encore occupée par les Russes, mais “une partie de l’oblast (région administrative ukrainienne) de Zaporijia – qui comprend notamment la ville portuaire de Marioupol – l’est déjà”, rappelle Sim Tack.

Moscou a d’ailleurs lancé une campagne pour motiver des enseignants et autres fonctionnaires à travailler dans les zones occupées en Ukraine pour commencer à y établir un début d’administration russe, affirme le Washington Post, qui a pu se procurer des offres d’emplois assortis de généreux salaires pour qui accepterait de se délocaliser à Kherson.

Odessa à 220 km de la ligne de front

Mais, “il est tout à fait possible que l’état-major russe envisage réellement de pousser l’offensive encore plus à l’ouest”, souligne Jeff Hawn. Sergueï Lavrov a d’ailleurs laissé cette porte ouverte en terminant son énumération des “nouveaux” objectifs russes par une allusion à “d’autres territoires”.
À 220 km à l’ouest de la ligne de front, il y a la très stratégique ville portuaire d’Odessa. Mais “même si on en parle régulièrement, en l’état actuel du conflit, la prise de cette ville paraît être un objectif très difficile à atteindre”, estime Jeff Hawn.

Les Ukrainiens deviennent de plus en plus efficaces pour bombarder les lignes de ravitaillement russes, grâce aux armes fournies par l’Occident – à commencer par les lance-roquettes multiples américains de type Himars. “Les Russes peinent à remplacer rapidement le matériel perdu sur le front et doivent avancer en faisant très attention”, explique Sim Tack.
Pour cet expert, l’armée russe pourrait étendre sa ligne de front vers l’Ouest, mais cela dégarnirait davantage la défense des lignes vitales de ravitaillement. Une telle offensive aurait donc “forcément un coût humain et logistique très élevé, surtout si les Ukrainiens réussissent à couper les lignes de ravitaillement”, affirme cet analyste.

Moscou devrait donc être prêt à d’importants sacrifices ne serait-ce que pour se rapprocher d’Odessa. Et l’armée russe n’aurait alors pas encore fait le plus dur. “Cette guerre a montré qu’à chaque fois qu’il s’agissait de prendre une ville importante – comme Kiev ou Kharkiv par exemple, la Russie échouait ou avait beaucoup de mal”, rappelle Sim Tack.

Un prétexte pour continuer les combats

C’est pourquoi, pour lui, “il faut utiliser une grille de lecture plus politique que militaire pour comprendre les déclarations de Sergueï Lavrov”. Il s’agirait moins de la description du plan de bataille que “d’un discours destiné à présenter un visage conquérant à l’opinion publique russe, de manière à perpétuer le mythe d’une armée victorieuse”, décrypte Sim Tack.

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