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Un Président de la République peut-il faire dans les affaires ?

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La presse du week-end dernier a informé les Sénégalais de la tournée que le Président de la République a effectuée dans son terroir (Région de Fatick) où il possède (officiellement) des champs à Toubacouta, département de Foundiougne.

Dans un État républicain et démocratique tout citoyen soucieux du respect des principes constitutionnels, ne devrait pas être indifférent à cet état de fait qui semble participer aux ‘’agressions consolidantes’’, déjà constatées, contre nos lois et règlements et contre la bonne gouvernance. Curieusement, aucun parti politique, aucun syndicat, aucun militant des droits de l’homme ou personnalité politique, ne s’est levé pour appeler le Président au respect de ses obligations constitutionnelles. Quelles sont ces obligations ?

Notre constitution dispose en son article 38 que : «La charge de Président de la République est incompatible avec l’appartenance à toute assemblée élective, Assemblée nationale ou Assemblées locales et avec l’exercice de toute fonction, publique ou privée, rémunérée».

Nous voyons d’ici les ‘’Experts’’ qui font dans l’exégèse de ‘’la bonne gouvernance’’ et la ‘’constitutionnalité’’, nous préparer des plats, réchauffés insipides et autres balivernes sur la vision pédagogique du Président qui tient ‘’à appeler au retour à l’agriculture’’. Disons plutôt une vision dans le sens d’un racolage politicien ! Malheureusement, ces ‘’Experts’’ surtout, en Communication, font feu de tout bois pour amener le PR à faire dans ‘’l’exemple’’, dans ‘’l’exemplarité’’. Mais à chaque fois, ils aboutissent à des bourdes que des novices font vite de relever. Comme ce fut le cas, lors de son achat de mouton, en violation des principes sur la laïcité, la décence et la réserve (sutura, kersa).

«Un Président latifundiste !»

Voyons, un Président latifundiste (propriétaire terrien en Amérique du Sud), Président qui fait dans l’agro-business peut bien, demain, s’orienter dans le domaine industriel ou autre. Entendons-nous bien ! Le souci du peuple sénégalais à travers sa loi fondamentale, c’est de faire de sorte que son Président soit un Sénégalais au dessus de tout soupçon, à l’abri de tous soucis matériels, de toutes tentations et autres compromissions qui pourraient altérer, entacher la sérénité de sa fonction.

Cela, comme on l’exige des fonctionnaires de l’Etat, auxquels on interdit ‘’d’exercer à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit‘’ (art. 10 du Statut général de la Fonction publique). Un président qui fait dans l’agro-business entre derechef (directement ou indirectement, qu’il le veuille ou non) en conflit d’intérêts avec le paysan pauvre ‘’Jambaar ca waar wa’’ ou avec des groupements de paysans. La preuve, les terres, les intrants, les fonds utilisés dans ce projet (même provenant de son salaire), bénéficieraient judicieusement plus à cette catégorie de travailleurs, économiquement nécessiteux, qu’au Président de la République qui dispose de tout, pour vivre décemment.

En outre, les commandes, les prestations de service demandées par la ‘’Société Sall’’, auprès des sociétés privées seraient, inévitablement, sources de dérapages, voire de risques de trafics d’influence politicienne. C’est pour toutes ces raisons que le peuple sénégalais, après référendum, a cherché à protéger son président contre d’éventuels impairs, par le bais de la Constitution. Notons à l’intention de ceux qui cherchent à traquer la petite bête, comme ceux qui défendent le principe du cumul du mandat du Président de la République avec la fonction de Secrétaire général d’un Parti, que la notion d’‘’exercice de toute fonction publique ou privée’’, rime avec activité publique ou privée.

Pour en revenir à l’agriculture, soulignons que le Président de la République et sa Task Force doivent savoir que les services de l’ISRA (Institut Sénégalais de Recherche agricole), de la SAED (Société d’Aménagement et d’exploitation du Delta), sous la supervision des directions du Ministère de l’Agriculture, sont suffisamment outillés, dans une certaine mesure, à appeler à la promotion et non ‘’au retour à l’agriculture’’. Car, appeler les paysans à retourner à la terre est quelque peu incongru.

C’est comme faire injure à la perspicacité, à l’expérience des paysans sénégalais qui attendent plutôt du gouvernement des mesures concrètes quant à l’accès aux crédits non-oppressifs, aux matériels agricoles, aux intrants (semences sélectionnées et inoffensives), à la détermination concertée des prix aux producteurs correctement rémunérés et une prise de position non équivoque sur les OGM (Organismes Génétiques Modifiés) et pesticides polluants, assassins. Toutes choses qui menacent de mettre en péril l’agriculture fragile de notre pays et celles des autres pays du Sud.

Nos économistes bornés, frileux, conseillers (occultes ou officiels) du Président, au lieu d’esquiver les grandes questions de fond de notre développement pour se quereller autour d’une ‘’vision plagiée’’ concernant des trains ‘’à grande vitesse’’, de gros camions, d’autoroutes (sans marchandises à transporter), par une économie dominée, inévitablement en faillite, feraient mieux de conseiller leur mentor d’arrêter et de faire arrêter le gaspillage de nos recettes budgétaires.

La suppression des multitudes d’Agences clientélistes, la consolidation de tous leurs crédits inutiles et leur affectation à un Fonds de soutien à la promotion véritable de l’Agriculture sénégalaise ou à l’Education et à la Santé, c’est ça une bonne vision pérenne. Parmi ces crédits, les structures notoires les plus décriées sont, entre autres, les crédits affectés aux Fonds secrets, aux Délégations et aux Agences clientélistes telles que la Délégation à la Solidarité Nationale, l’Agence de Sécurité et de Proximité, etc.

«Kilifa du weddi boppam» !

Cela dit, le moins que l’on puisse dire, n’en déplaise aux tenants du discours soporifique sur la ‘’rupture’’ ou la ‘’bonne gouvernance’’, à nos républicains-démocrates et aux carriéristes de gauche (des partis politiques, syndicats, machins des droits de l’homme), tous les bras-ballants devant les vrais problèmes, que nous assistons devant l’acte posé par leur allié Macky, vu son incursion dans l’agro-business, à l’éternelle administration d’un Etat de non-droit, faite de violations des lois et règlements, de l’impunité à travers les marchés de gré-à-gré, le maintien des délinquants récidivistes (anciens et nouveaux) à leurs postes, malgré les recommandations des juridictions compétentes.

D’ailleurs, à l’occasion de la présentation du rapport de la Cour des Comptes aux autorités de l’Exécutif et du Législatif, le Magistrat, notre compatriote Aliou Niane, ancien président de l’Union des Magistrats, a souligné avec justesse : ‘’Il y a une récurrence d’anomalies parce que différentes anomalies relevées l’ont été dans les rapports précédents’’ (…) Les récidives veulent dire que les autorités ne prennent pas en compte les recommandations faites depuis une dizaine d’années’’. (quotidien L‘As du 12 nov. 2013)

Rappelons que dans un contexte similaire, le magistrat a eu à faire avec courage une célèbre et retentissante remarque, en janvier 2006, à l’ancien ministre libéral de la justice, M. Cheikh Tidiane Sy, qui avait renié ses engagements conclus entre lui et l’ex président du CRAES, pour lever un mot d’ordre de boycott, en ces termes : Kilifa dafay matt kilifa ! Kilifa du weddi boppam ! ‘’(Une personnalité, un homme d’Etat, doit avoir la stature d’un homme d’Etat ! Une personnalité, un homme d’Etat, ne doit pas se dédire !)

Nous pensons que tous les élèves, les étudiants et toute la jeunesse sénégalaise, devraient reprendre en cœur cette remarque et en faire un slogan, à rappeler, à certains de nos ‘’KILIFA’’ .

Dakar, le 14 novembre 2013

Ababacar Fall-Barros

Ancien Conseiller municipal Mermoz-Sacré-Cœur.

3 Commentaires

  1. Bel article , voila la raison pour laquelle Maky est attaque de toutes parts …..President de Republique , chef de parti , fermier , mediateur ….Cet homme n’a pas le temps pour les SENEGALAIS , il est distrait par tous les plats dans les quels il veut mettre les pieds .
    VIVEMENT LA FIN DE LA TRANSITION ….

  2. Article nul traduisant réellement une volonté de décrédibiliser. Aujourd’hui qu’on le veuille ou non il faut reconnaitre que l’agriculture et au déla même le monde rural est redevenu une priorité de l’Etat sénégalais. L’Ancien régime s’était illustré par des investissements massifs et surtout de prestige à Dakar mais également par des programmes sans aucun fondement rationnel destinés juste à satisfaire l’égo d’un Grand Timonnier omniscient et omnipotent (voir programme maïs, bissap, manioc, GOANA et j’en passe qui n’ont réussi aucune transformation dans l’agriculture). Durant ces deux années passées, le prix du kg d’arachide a carrément augmenté (200 frs pour cette campagne) ce qui devrait se traduire dans les revenus des producteurs. Durant cette camapgne les intrants et semences ont été distribués bien avant même le mois de juin. Aujourd’hui les efforts de l’Etat pour renouveler le capital semencier sont clairs et rien que pour cette année l’Etat achétera directement 50 000 t de la production pour les semences, ce qui ne s’est jamais fait. Je passe sur le projet des 1 000 tracteurs du Brésil (bien que je reconnaisse qu’un programme similaire a existé et même piloté par Farba Senghor et j’attend de savoir ou sont allés ces tracteurs et machines agricoles et ce qu’ils sont devenus). Toujours pour le matériel la SISMAR a reçu commande de l’Etat de 11 000 unités. Je passe sur les 100 milliards prévus pour les fermes agricoles, l’orientation claire de la BNDE, du FONSIS, du FONGIP,… à financer en priorité le secteur agricole. Je passe sur les 1000 km de pistes rurales prévues d’ici 2017 pour l’évacuation des produits du terroirs. Et on ne parle même pas de l’Acte III de la décentralisation qui va donner un nouveau statut au monde rural, des bourses familliales qui vont fortement contribuer à réduire la pauvreté en milieu rural et accroitre l’accés à la scolarisation et à la santé. Mon Cher Fall Barros, ce geste du Président est plus symbolique et est d’abord destiné à montrer la voie. La fonction d’un Président de la République dans tous les pays c’est d’abord de servir de référence, de montrer la voie. Il n’y a nulle part dans la Constitution ou il est dit qu’un Président ne doit pas posséder d’exploitation agricole. Ce qui pourrait être interdit c’est de mener une activité privée et rémunérée c’est à dire par exemple être directeur d’une ferme et percevoir un salaire. L’ancien Président avait bien une ferme à Kébémer bien que arrachée de force à des paysans du terroir emprisonnés pour avoir exigé leur du. Cela ne faisait cependant pas de lui un emplyé de la ferme.

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