Une sortie mal à-propos par Mohamed Gueye

Le Premier ministre a été tout sauf technique. C’était un politicien qui répondait à des critiques de politiciens. Il ne fallait pas alors lui donner un caractère solennel
On se demande ce qu’il est allé chercher dans cette galère. Samedi dernier, le Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne n’était pas dans son rôle. En voulant apporter la réplique aux accusations de l’ancien Président Wade, qui commençaient à être répercutées jusque dans son propre camp politique, le chef du gouvernement a plus porté des habits de politicien que de personnage politique soucieux d’apporter la bonne information à l’opinion publique.

Car, qu’est-ce qu’a dit le Premier ministre sur le contentieux Sénégal-Arcelor Mittal ou l’affaire Petro Tim, que son ministre des Mines Aly Ngouille Ndiaye n’avait pas eu à dire auparavant ?

Quels éléments nouveaux ont étayé son discours, qui n’avaient pas été dévoilés par ses ministres Aly Ngouille Ndiaye et Amadou Ba ?

Depuis qu’au mois de septembre de l’année dernière, Aly Ngouille Ndiaye a annoncé avoir réussi à faire condamner Arcelor Mittal à la suite du préjudice porté au pays pour la non-exploitation du fer de la Falémé, il n’a jamais cessé de fournir des explications à tout va. La dernière, et la plus pertinente de ses sorties, a été devant la représentation nationale, lors du vote du budget de son ministère.

A l’occasion, le ministre des Mines a fait la genèse du dossier, et ce qui a justifié la plainte de l’Etat contre Arcelor Mittal auprès du Tribunal arbitral de la Banque mondiale. Il a indiqué qu’aucun document n’a jamais fait état d’une quelconque possibilité de transaction de 450 milliards de francs Cfa, comme annoncé par le Président Abdoulaye Wade.

Mieux, il a rappelé que ce sont les erreurs de gestion du même Abdoulaye Wade qui ont valu au Sénégal de se retrouver dans ce contentieux, car le pouvoir sortant avait voulu faire un bébé dans le dos de Kumba Resources, premier attributaire des mines de la Falémé, et qui s’est retrouvé écarté au profit des mirages de l’Indo-britannique Mittal.

Aly Ngouille Ndiaye était même allé plus loin dans sa volonté de porter la réplique à l’ancien chef de l’Etat. Dans plusieurs journaux parus fin octobre, il ne s’est pas gêné pour affirmer que le Président Wade était atteint de sénilité, lui qui oubliait sciemment que c’est sous son magistère que fut accordée la licence d’exploration pétrolière de Petro-Tim, et ce par son propre fils de ministre de l’Energie de l’époque !

Dans ces conditions, la sortie de Mahammad Boun Abdallah Dionne samedi dernier, a été tout sauf technique. C’était un politicien qui répondait à des critiques de politiciens.

Il ne fallait pas alors l’enrober de l’apparat de l’Etat, pour lui donner un caractère solennel. En fait, le Premier ministre est tombé dans le travers qu’il reprochait à ses détracteurs : Il distrait le pays.

Au moment où on l’attend sur le terrain de nombreuses urgences qui assaillent son gouvernement, s’il a, lui, la conscience tranquille de celui qui travaille pour le bien de ce pays, quel besoin a-t-il de bloquer le pays pour des heures, pour raconter ce que d’autres, avant lui, ont déjà dit ? L’ennui est que sa sortie n’aura pas mis fin à la polémique.

Manifestement, Abdoulaye Wade est un morceau beaucoup trop dur à croquer pour ce pouvoir, qui n’anticipe pas ses sorties, et qui, à tout bout de champ, tombe dans son piège.

Macky Sall, son Premier ministre, son gouvernement et les membres de son parti, feraient mieux de comprendre une bonne fois pour toutes que ce que le Sénégal attend d’eux, ce n’est pas qu’ils le mettent au tempo de Abdoulaye Wade, mais qu’ils se taisent et produisent des résultats tangibles qui changent la face du pays en mieux. Tout le reste est, comme dit Boun Abdallah Dionne, «perte de temps».

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