Le bureau de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) est engagé à entreprendre toute action pour le renforcement de l’indépendance de la Justice et la lutte contre l’impunité. Ce qui laisse à Abdoulaye Bâ et ses camarades assez de marges de manœuvres pour mûrir un second plan d’action, pour les semaines à venir. L’indépendance ne se donne pas, elle s’arrache. Les magistrats semblent faire leur cette conviction, dans le bras de fer qui les oppose à l’Etat. Réunis en Assemblée générale extraordinaire au Palais de justice de Dakar, samedi dernier, ils en sont sortis ragaillardis, à la lecture de la résolution parvenue au journal Le Quotidien.
Ledit document, après plusieurs considérations, relève ceci : «L’Assemblée générale engage le Bureau exécutif (de l’Union des magistrats du Sénégal) à entreprendre toute action pour le renforcement de l’indépendance de la Justice et la lutte contre l’impunité.» Ce qui veut dire, en d’autres termes, que l’Ums a désormais, les coudées franches, pour durcir le mouvement, afin de briser les chaînes qui lient les magistrats au pouvoir exécutif. Les responsables de l’Ums sont ainsi engagés, par la base, à orienter le mouvement entamé depuis quelques semaines et qui a entraîné quatre jours d’inactivité, dans les juridictions.
Ce passage du document traduit une certaine détermination qui augure des relations heurtées entre les deux pouvoirs. Il ne sera pas, en effet, surprenant demain, de voir les magistrats surseoir à toutes leurs activités professionnelles, dans le cadre d’un 2e plan d’action, si l’Etat persiste à vouloir maintenir le lien ombilical. D’autant plus d’ailleurs qu’ils disent ressentir «l’aspiration légitime du peuple sénégalais à une Justice forte et indépendante, gardienne des droits et libertés et arbitre neutre du jeu démocratique». Aspiration à laquelle, s’est jointe leur volonté d’honorer leur serment et les espoirs d’un peuple soif de justice. Sous ce rapport, le document indique que l’Assemblée générale «réaffirme l’attachement indéfectible de l’ensemble des magistrats au principe de la séparation des pouvoirs, clé de voûte de l’Etat de droit».
A propos de la posture que doit adopter le chef de l’Etat à leur endroit, les magistrats disent attendre de Me Wade, «un traitement diligent et satisfaisant des préoccupations légitimes de tous les acteurs judiciaires». Et non des «tentatives d’instrumentalisation, de pression et d’intimidation» qui, de toute façon, réaffirment-ils, ne passeront pas.
Pour les magistrats, il n’est plus question de courber l’échine face au manque de considération à leur égard et l’Ag dit, dans ce sens, attacher «le plus grand prix au respect dû par tous à l’institution judiciaire et à ceux qui l’incarnent».
Aussi, dans la résolution qui a sanctionné leur rencontre de samedi dernier, les magistrats disent être conscients du «rôle central que doit jouer le pouvoir judiciaire, pour un fonctionnement équilibré des institutions de la République, la préservation de la paix et de la concorde nationales». Et dénoncent dans la foulée, «le traitement discriminatoire dont fait l’objet le pouvoir judiciaire, par rapport aux autres pouvoirs institués par la Constitution».
Appréciant également la dynamique unitaire dont les magistrats ont fait montre ces derniers jours, l’Ag «se félicite de (cette) forte présence des magistrats et les exhorte à rester mobilisés dans la poursuite des actions, pour relever les défis qui nous interpellent». Tout en les invitant néanmoins «au respect scrupuleux de leur serment en toute circonstance».
Au cours de cette rencontre qui a réuni tous les magistrats, des confidences nous renseignent que les chefs de Cour se sont abstenus de prendre la parole, de peur de susciter la colère des jeunes magistrats.
MALGRE LA TENTATIVE DE MEDIATION DE ALIOUNE TINE : L’Ums s’en tient à sa résolution
Le président de la Rencontre africaine des droits de l’homme (Raddho) a (re)pris son bâton de pèlerin, pour éviter une éventuelle «confrontation» entre les magistrats et l’Etat. Alioune Tine s’est, en effet, longuement entretenu hier avec le président de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums), afin d’éviter des relations tendues entre les deux pouvoirs.
Des sources bien au fait de cette conversation entre les deux hommes indiquent que le président de l’Ums a bien accueilli cette démarche de Tine, mais a rappelé à celui-ci, la décision d’arracher leur indépendance. En effet, Abdoulaye Bâ a signifié au président de la Raddho, la détermination des magistrats à faire respecter le pouvoir qu’ils incarnent. Tout en l’invitant à sensibiliser le chef de l’Etat sur la légitimité de leurs revendications et l’intérêt qu’il a de réagir positivement à celles-ci.
Le matériel est certes une chose, reconnait M. Bâ, faisant allusion aux parcelles et autres indemnités qu’ils réclament, mais le respect de leur statut et la lutte contre l’impunité demeurent des principes non-négociables. Surtout que le bureau de l’Ums a reçu l’onction de la base, pour mener le combat, jusqu’à la satisfaction des points de revendications.
Bref, le président de l’Ums renvoie Alioune Tine à la résolution qui a sanctionné leur Assemblée générale, tenue samedi dernier au Palais de Justice de Dakar (lire ci-dessus), tout en restant ouvert au dialogue.
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