Le 14 septembre 2012, à l’occasion de la Journée nationale des Institutions, quand le Président de la Républiquedu Sénégal, Macky Sall,avait annoncé son intention de créer une Commission nationale chargée de la réforme des institutions, tout en désignant le Professeur Amadou Mahtar Mbow pour en assurer la présidence, nous avons applaudi en passant que Macky Sall, premier Président sénégalais né après les indépendances avait compris l’urgence de l’heure et les ruptures qui s’imposaient pour faire de notre pays, un modèle de démocratique très enviable.
Mais le tollé que les conclusions du rapport des membres du CNRI a soulevé, de la part des membres de l’APR, augure de lendemains déchanteurs.
La virulence de certains propos des «Apéristes» savamment distillés dans la presse, suscite des interrogations.
Qu’a fait le Pr Amadou Makhtar Mbow pour mériter de telles attaques de la part des membres de l’Alliance pour la République ? A moins que ses détracteurs ne lui reprochent d’avoir accepté de sortir de la paisible retraite sur demande insistante du président de la République, Macky Sall, afin d’aider son pays, le Sénégal, à se doter d’institutions solides qui n’auront plus à envier aux démocraties modernes, fut-elles occidentales.
C’est la même chose que l’opposition d’alors lui avait demandé pour diriger les Assises nationales, suite aux «dérives monarchiques» d’Abdoulaye Wade. Ce que le patriarche, fierté de toute une nation, a fait avec indépendance, sans parti pris.
Pendant onze mois, le Pr. Mbow et son équipe composée d’éminents juristes, de philosophes, de sociologues, d’intellectuels de renom, ont cogité, fouillé, pour produire un avant projet de constitution comportant un préambule et154 articles regroupés en 14 titres divisés eux-mêmes en sections.
Mais avant même que le Chef de l’Etat ne donne suite à un tel document, des membres de l’APR, mus par des appétits carnassiers, obnubilés par la conservation du pouvoir et la massification de leur parti plus que par l’intérêt supérieur de la nation, descendent en flammes le patriarche.
Faisant fi de la fameuse déclaration de John Fitzegerald Kennedy, lors de son discours d’investiture le 20 janvier 1961. «Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays».
Le plus étonnant et détonnant c’est la réaction du Pr Ismaïla Madior Fall, dont on connaît la mesure et qui a brisé subitement sa «réserve» pour déclarer que Mbow et son équipe ont outrepassé leurs compétences.
Pour avoir suggéré le non cumul de fonctions de président de la République et de Chef de parti ?
Face à une jeunesse désœuvrée, à la recherche d’emploi, de croissance économique, le Chef de l’Etat n’a-t-il pas mieux à faire que de s’occuper de la massification de son parti ?
Les amnésiques ont-il déjà perdu de vue que les Sénégalais l’ont pourtant porté à la magistrature suprême face à des partis politiques qui avaient un quart, voire un demi-siècle d’existence, tandis que l’APR n’était alors et n’est encore qu’un simple mouvement né au milieu de l’année 2008.
Et c’est exactement à cause de la faiblesse d’une institution, l’Assemblée nationale, vassalisée par l’exécutif depuis 1962, que Macky Sall est parvenu à devenir le 4ème chef d’Etat.
Les Sénégalais attendaient de lui un changement radical avec une autre façon de faire la politique. Une rupture qu’il avait tant chantée, s’imposait. D’où son slogan, «la patrie avant le parti» qui rappelle à bien des égards, la célèbre déclaration de James Freeman Clarke (1810-1888) : « la différence entre l’homme politique et l’homme d’Etat est la suivante: le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération. »
Macky Sall a l’obligation de marquer l’histoire pour que les jeunes générations africaines le voient parmi les figures historiques et politiques célèbres telles que N’krumah, Kenyatta, Nyereré, Boganda, Lumumba, Modibo Keïta…
Surtout qu’en ce 21ème siècle, seul Nelson Mandela occupe le haut du pavé dans le panthéon politique des jeunes africains.
Les récriminations de membres de son parti sont d’autant plus incompréhensibles que lors d’une audience, le 28 novembre 2012, le Président de la République, dans une lettre remise au Président Mbow, y notait que le peuple sénégalais, en réalisant, le 25 mars 2012, dans la paix et la démocratie, la deuxième alternance politique de son histoire, prouvait encore une fois sa sagesse et sa maturité mais également, et surtout, son attachement profond aux principes et valeurs universels de la démocratie et de la paix.
Il y estimait en outre que le message du peuple sénégalais est clair en ce qu’il exprime, à la fois, le rejet d’une certaine façon de gouverner et l’espoir d’une nouvelle gouvernance, efficace,«sobre» et «vertueuse», porteuse de transformations socio-économiques profondes et de changements significatifs dans son vécu quotidien.
Le chef de l’Etat avait alors invité le Professeur Amadou Mahtar Mbow en tant que Président des Assises nationales, «à organiser une large concertation nationale sur les réformes à mettre en œuvre à court, moyen et long terme, pour doter le pays d’une armature institutionnelle moderne, à la mesure de son ambition de devenir et de rester une grande nation de démocratie».
Selon l’édit présidentiel, les propositions que la concertation soumettra à Macky Sall devraient prendre en charge les problématiques suivantes : le recentrage de l’Etat autour de ses missions régaliennes ; la consolidation de l’Etat de droit ; l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire ; le renforcement de l’indépendance de la justice ; l’approfondissement de la démocratie représentative et participative ; le renforcement de la protection des libertés publiques ; le renforcement de la décentralisation et de la déconcentration; la territorialisation des politiques publiques ; la protection des valeurs positives de notre société ; la promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’éthique dans la gestion des affaires publiques ainsi que la culture de l’imputabilité ; la stabilité institutionnelle.
Le Président de la République avait, en outre, souligné dans sa lettre qu’il fallait veiller, en se fondant sur l’expérience des «Assises nationales», à ce que «la concertation soit large, participative, inclusive, démocratique et ouverte à tous les segments de notre société : acteurs politiques de la majorité comme de l’opposition, société civile, secteur privé, Etat, collectivités locales et ordres religieux etc.» et qu’elle «devra s’appuyer sur les principes et orientations du programme de «YoonouYokkuté» et s’inspirer fortement des conclusions des «Assises nationales» et, en particulier, de la Charte de gouvernance démocratique qu’il avait paraphé alors et s’était engagé à mettre en œuvre, s’il est élu».
Au vu de ce qui précède, qu’on nous dise où est- ce que le Pr Mbow et son équipe ont outrepassé leurs prérogatives. D’autant plus que c’est après réflexion et diverses concertations, notamment, avec le Comité de Pilotage des Assises nationales qu’il a, par lettre en date du 31 décembre 2012, donné son accord au Président de la République pour conduire les travaux de Concertation nationale sur les réformes institutionnelles.
Le Pr Mbow avait d’ailleurs tenu à préciser au Chef de l’Etat que «la concertation sera inclusive, participative et ouverte à tous les segments de la société. Hommes et femmes, jeunes et vieux de toutes conditions, de toutes croyances, de toutes appartenances politiques militant ou non dans des partis politiques ; membres des organisations de la société civile ou simples citoyens y seraient conviés».
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