Le dernier Festival mondial des arts nègres (FESMAN), qui avait mobilisé toute la République n’en finit, pas de révéler tous ses secrets. Aussi, comme une émulsion, les micmacs remontent-ils à la surface, à la faveur de la chute du système Wade. C’est EnQuête qui donne l’information.(photo Sindjiély Wade, fille du Président Wade au centre et Abdou Aziz Sow directeur exécutif du Fesman à gauche de Sindjiély Wade)
Et si une des fonctions attendues du décret 2010-632 du 28 mai 2010 instituant un système de contrôle et de tarification des communications internationales entrant en République du Sénégal devait être une roue de secours…financier au Festival mondial des arts nègres (FESMAN) ? En tout cas, il ressort de nos investigations que les fonds récoltés entre le court moment de l’effectivité de la loi en août sur les appels entrants et sa suspension en novembre de la même année (avant qu’elle ne revienne à quelques mois (avec le décret 2011-1271 du 24 août 2011), s’élèvent au moins à 14,5 milliards de francs Cfa. Et que ce pactole n’a pas été intégré dans le budget à travers une loi de finances, ni selon le mode classique qui veut que le budget ne soit modifié que par une loi de finances rectificative.
Par contre, huit (8) milliards de francs Cfa ont été affectés au Festival mondial des arts nègres (FESMAN) par le biais d’un décret de virement de crédit pris par Wade. Il faut sans doute rappeler quà l’époque, les opérations de collecte de fonds qui avaient été engagées par le Sénégal en direction de la Libye et vers d’autres pays comme le Brésil n’avaient pas permis d’engranger des ressources permettant de faire face aux dépenses liées à l’organisation de la manifestation culturelle. Bien au contraire, beaucoup de pays ont émis des doutes sur la transparence des opérations au point de ne plus mettre la main à la poche. Ceci explique-til en partie la pression sur les sociétés de téléphonie dont SONATEL ? Ce qui est en tout cas sûr, c’est que cette société a véritablement cassé la tirelire.
Mais pour ces faits qui remontent à 2010, aucune loi n’a été votée à l’Assemblée nationale, pour indiquer l’origine et la destination de ces fonds. En lieu et place, c’est un décret de transfert de fonds qui a été pris, dans la plus grande opacité. Le document en question est un “Décret portant affectation au FESMAN de la quote-part de l’État sur les appels internationaux entrants”. Lequel document n’intègre d’ailleurs pas toutes les sommes versées. “Au moins deux milliards de francs Cfa n’ont pas été intégrés dans l’opération.
Le détournement d’objectif cache sans doute une opération de détournement de fonds”, assure une source qui suit très attentivement cette affaire. Qui s’étonne qu’on n’ait pas engagé une procédure analogue à celle qui avait fait tomber plus de 90 milliards de francs Cfa de SUDATEL dans les caisses de l’État du Sénégal avec la vente de la troisième licence de téléphonie. Même si le montage de cette affaire n’avait pas observé en amont tous les critères de transparence, il reste que l’État avait clairement intégré les sommes recueillies dans le budget, à travers une loi de finances rectificative, dûment votée à l’Assemblée nationale. Pourquoi cette fois avoir caché une opération aussi lourde en milliards.
Le mystère reste entier. Nos interlocuteurs évoquent une nébuleuse qui prend racine dans le montage même de Global Voice. On évoque une affaire de pots de vin et remboursements de fonds encaissés sous la table, sans qu’EnQuête ne puisse s’avancer avec certitude sur ce terrain bien glissant. Les deux milliards non intégrés dans le budget ont-ils été remboursés à Global Voice, les dessous de table ayant facilité la signature du contrat ? Ce qui est sûr, beaucoup de noms d’intermédiaires circulent. Des architectes aux ingénieurs télécoms, en passant par des hommes d’affaires et des hommes politiques, y compris certains parmi ceux qui, aujourd’hui, sont au coeur du pouvoir avec Macky Sall.
“Fouiller à l’ARTP”
Il faut dire que les travailleurs de la SONATEL ont toujours réclamé la lumière sur la destination des 14,5 milliards déjà versés en 2010. Pas plus tard que la semaine dernière, Mamadou Aïdara Diop, Coordonnateur de l’Intersyndicale des travailleurs de la SONATEL, à propos de la signature du contrat entre l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) et MTL, demandait à Macky Sall d’aller “fouiller ce qui se passe à l’ARTP. Ce sont des centaines de milliards qu’on a versés là-bas, en particulier depuis l’arrivée de Ndongo Diaw. En 2010, dans le cadre du premier décret, SONATEL avait versé 14,5 milliards. Jusqu’à présent, il n’y a aucune loi de finances rectificative qui a permis d’encaisser cet argent”, disait-il. L’histoire pourrait bien lui donner raison.
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