Wade poursuit sa « générosité » humanitaire: Quatre immeubles à Maristes et Golfe pour accueillir des familles haïtiennes

Le président Wade ne faisait pas qu’une simple promesse son idée d’accueillir les Haïtiens. Ce qui était perçu comme une « autre promesse » deviendra une réalité dans quelques mois. Le quotidien L’Observateur, dans sa livraison du 29 octobre 2010 faisait état d’une manne de 1 milliard 500 millions de FCFA prévue dans le Programme triennal d’investissement publics 2010-2011 pour la construction d’un immeuble devant accueillir d’autres familles victimes de la catastrophe de janvier 2010 qui avait fait plus de 200 000 morts. Des sources au fait de cette énième « cadeau » confirment l’information avec précision. Après avoir hébergé 163 étudiants haïtiens répartis dans les universités sénégalaises, avec à la clé, des bourses d’études, Wade entend aller plus loin. Il s’agira, selon les mêmes sources, « non pas d’un seul immeuble, mais de quatre exactement » qui devront au moins couver des familles. Des correspondances ont été adressées au ministre chargé de l’Humanitaire, Lamine Bâ et à son collègue de l’Habitat pour concrétiser ce projet cher au chef de l’Etat.

En attendant la sortie de terre de ses bâtiments, le projet suit son cours, même si sa matérialisation pourrait accuser un retard. Les 2/3 du financement sont inscrits, comme le soulignait L’Observateur, au programme de 2011 en attendant le reliquat de 500 millions prévus en 2012. Certaines sources proches de Lamine Bâ, sous l’anonymat, ignorent encore si ces locaux seront mis à la disposition des étudiants haïtiens logés au Campus de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. « Ce ne serait pas logique. Ce sont des étudiants. On ne peut pas construire des immeubles pour des étudiants qui, à la fin de leur formation, vont rentrer et travailler pour leur pays », commente-t-on. Et, pourtant, des sources ayant assisté à la conception de projet restent formelles : « Ces immeubles sont bien pour eux (les étudiants haïtiens) ». Ceux là dont une cohorte de 16 occupent les lits du rez-de-chaussée du pavillon H du campus social. Comme cet étudiant de 21 ans, allongé dans son lit, un livre de mathématiques informatiques entre les mains. Ici, il est interdit de « donner des informations personnelles » comme le nom. Il dit ne pas être au courant de la construction des immeubles en question qui ne seront pas des préfabriqués à l’image du pavillon H.

Maristes et Golfe, « little Haïti »

Loin de l’ambiance sonore du campus social, d’autres Haïtiens et Haïtiennes respireront le luxe. Le gouvernement du Sénégal a déjà retenu des sites très courus par les entrepreneurs immobiliers et dont la valeur foncière n’est pas à la portée des pauvres. Les quartiers Maristes et Golfe sont choisis pour abriter des victimes du séisme de 2010. « Sauf changement bien sûr », indique une personne très au fait du volet construction. Dans les détails, les plans des bâtiments envoyés aux ministères chargés de la réalisation du projet décrivent quatre immeubles R+4. Des personnes à qui le projet a été confié précisent que ce sont quatre sites différents qui ont été proposés au lieu de deux. Qu’importe, les familles haïtiennes trouvent là une aubaine qui leur consolera, peut-être, après avoir vécu dans des décombres qui décorent cette terre caribéenne. Il est prévu au rez-de-chaussée des appartements de type F2 (une chambre, un salon, une cuisine, une salle de bain), un étage courant, des appartements de type F3 (2 chambres, un salon, une cuisine, une salle de bain). Bref, ce sera un « little Haïti » au cœur de Dakar. Preuve que c’est un projet qui tient encore à cœur le gouvernement, le bureau de contrôle Alpages a approuvé « la conception et le dimensionnement du béton armé et autorisé » la construction des bâtiments. Du matériau qui frise l’insolence aux yeux des sinistrés des inondations de la banlieue dakaroise à qui on a promis de modestes maisons préfabriquées en ‘’Krinting (bambou)’’ ou des tentes à Tivaouane Peul.

Wade préfère Haïti aux sinistrés de la banlieue

Cette idée du président Wade d’accueillir les Haïtiens remonte au lendemain du séisme du 12 janvier 2010 qui a ému le monde entier. Le chef de l’Etat, dans une interview sur Rfi, avait annoncé son intention de se rendre à Port-au-Prince. Par la suite, il nomme un ministre en charge des questions humanitaires, Lamine Bâ en l’occurrence, devant s’occuper du « retour (des Haïtiens) à la terre des ancêtres ». Une proposition qu’il a faite à l’Union africaine, lors du sommet d’Addis-Abeba deux semaines après le drame. Abdoulaye Wade avait suggéré que les pays africains devaient naturaliser les Haïtiens et s’atteler à un vaste programme d’adoption d’orphelins. Alors qu’il fait montre de son élan passionné de solidarité vis-à-vis de la première nation noire indépendante, des orphelins du naufrage du bateau Le Joola, eux, se contenteront de cartables pour la rentrée des classes.

Finalement, c’est une centaine d’étudiants qui débarquent en octobre dernier à l’aéroport Léopold Sédar Senghor, dans un avion affrété par l’Etat du Sénégal. Si d’aucuns louent cette initiative du chef de l’Etat, d’autres, en revanche, soupçonnent un ‘’m’as-tu-vu’’ destiné à soigner son image au niveau international et africain. Sa position de soutien à la junte militaire en Guinée, ses médiations infructueuses au Niger et en Côte d’ivoire, ses intrusions dans la gestion du dossier de l’otage française Clotilde Reiss, ont laissé croire un Président à la quête de « succès diplomatiques ». Le Président Wade pianote désormais sur la touche humanitaire. Dans tous les cas, ce projet de construction des immeubles pour les victimes haïtiennes est parti pour réveiller la polémique sur la priorité accordée aux préoccupations internationales au moment où la prise en charge correcte des sinistrés de la banlieue de Dakar reste problématique. La solution de leur déplacement vers Tivaouane Peul n’était qu’une réaction épidermique à la bombe des inondations qui ont valu aux ministres de tutelle une audition en août dernier. Même des agents haut placés du ministère de l’Habitat ne s’expliquent pas « l’incohérence » de la « faveur de trop » des Haïtiens au détriment des 2000 familles concernées par les maisons préfabriquées de Tivaouane Peul qui n’étaient qu’une solution conjoncturelle.

Sinistre choix !
En choisissant la construction de quatre immeubles pour les Haïtiens, le gouvernement donne l’air d’un pays bien portant. Or, la situation urgente de la banlieue nécessite d’énormes moyens financiers pour sortir les populations de ces zones classées non aedificandi. Le ciel a fermé ses vannes et on n’en parle plus. Mais on en reparlera en 2011. Même si le ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom rappelle encore l’existence du Plan Orsec avec sa visite, la semaine dernière à Malika. Seulement, il ne s’est pas gêné de rendre compte, en Conseil des ministres du 4 novembre dernier, de la cérémonie de remise du modique chèque de cinquante (50) millions de francs CFA aux populations de Malika, dans le cadre de la gestion dudit plan. Or, juste à côté, on sollicite des motopompes, chaque année, pour, au moins, évacuer les eaux. 1 milliard 500 millions vaut combien de motopompes ? Voilà, le sinistre choix qui intrigue.

NDLR : La Gazette a tenté de joindre le ministre Lamine Bâ en vain pour avoir une version officielle, malgré les précisions de certains de ses collaborateurs. Les messages laissés sur son téléphone et les appels dans le vide n’y feront rien.

Hamath KANE

LAGAZETTE.SN