Sokhna a le trémolo à la voix. Ses espoirs ont fondu comme du fard au soleil. Teint clair, fière allure, la jeune fille, la vingtaine atteinte a vu ses espoirs se briser sur le pinceau du maquillage. Ses deux années de formation et ses deux ans de pratique n’ont servi, finalement, à rien. Dire qu’elle nourrissait le soyeux rêve de se frayer un chemin dans le maquillage et devenir célèbre comme Adja Thiam et toutes ses divas du secteur. Hélas, deux ans ont suffi pour se cogner à l’évidence. Déjà, elle mijote un plan de reconversion. Sokhna veut, à présent, se retirer du monde de la coiffure. Lasse… des salaires de misère… qui décoiffent. Lasse des heures de travail qui ne permettent pas à la femme sénégalaise qu’elle veut être de s’occuper de son foyer. Elle dit : « Il n’y a que la passion qui me retient dans ce métier. Non seulement, je ne gagne pas assez mais ce boulot me cause même des problèmes de ménage. Ma belle mère me pourrit la vie parce que je descends tard. »
Pourtant, le métier l’enthousiasme toujours. Elle s’y épanouit comme si elle avait la coiffure dans le sang : « Toute petite, la coiffure est ma passion. D’ailleurs, c’est pourquoi ma sœur m’a payé ma première année de formation avant que mon mari ne prenne en charge la deuxième année ». Dommage qu’elle ne veut plus lutter pour exceller dans ce monde de la coiffure encore incompris dans les foyers sénégalais. Elle baisse presque les bras et adopte vis-à-vis du monde fardé une attitude défaitiste. Et à défaut de mieux, elle fait son petit commerce. Comme elle, beaucoup de jeunes filles sont attirées par la vie de paillette. En atteste la prolifération sauvage de salons de coiffure dans les villes. La coiffure a toujours la côte.
Au détour des rues de la capitale, des enseignes du genre Salon de coiffure saturent le décor des devantures des demeures. On en voit dans chaque coin de rue, presque tous les 50 mètres. Dans ce milieu, la concurrence n’a pas de limite. La publicité est outrancière. L’œil est perpétuellement agressé. Sant Fallou, Dabakh, Mame Diarra, Ababacar, Ndoyenne, Ndirenne, Jeanne, etc, les noms divers défilent sur les auvents de toutes les couleurs : orange, rouge, vert, jaune. Elles séduisent et attirent.
Hlm Grand-Yoff, il est 16h ce mercredi de mars où le soleil se cache derrière les nuages. Un beau temps pour se faire belle. Au détour d’une ruelle de Dakar, une belle photographie d’une nymphe attire l’attention. Derrière la baie vitrée, deux jeunes filles s’affairent autour du miroir. L’une se passe un coup de peigne sur la tête couverte de greffage. L’autre est en alerte et sniffe la moindre présence. L’on pousse une porte, et l’on se revoit sur la glace. Deux grands miroirs dictent leurs lois dans cet endroit spacieux, mais peu aéré. Un pas à l’intérieur, un douillet fauteuil souhaite la bienvenue. La confiance s’installe. Dans cet espace aménagé de sorte que le visiteur ait envie de revenir, tout se met au petit soin de l’hôte. Ses jolis sourires figés, ce verbe mielleux préenregistré concluent la séduction. Deux armes qui font souvent recette. « Madame, vous désirez ? » Dans ces lieux, c’est le marketing à l’excès. Pourtant, derrière ces charmants sourires se cache une forêt de misères. Un travail mal payé et des risques sanitaires énormes.
UN SECTEUR SOUS PAYE
Vus du dehors, les professionnelles offrent une image de femmes épanouies, de poupées. Toujours sur leurs beaux jours. Toujours belles ou presque. Il n’est pas rare de rencontrer des filles qui offrent la représentation de clown prêt pour le carnaval. S’affichant sur un maquillage qui frise le vulgaire. Mais, derrière le masque, la misère s’invite. Derrière ces portes où la beauté est un art, se rencontrent des vies précaires. Normal que les interviewées gardent jalousement leur identité. Par peur de représailles, par insécurité. Rares sont les coiffeuses qui se prévalent d’avoir un contrat de travail. On n’en a presque pas rencontré. C’est plutôt un pacte verbal qui les lie à leur employeur.
Après une ou deux années de formation, elles sont déversées sur le marché du travail. Mais au bout d’un stage, beaucoup d’entre elles regrettent aujourd’hui leur choix. Seule la passion leur permet de continuer d’exercer ce métier. Et la prolifération des maisons de beauté occasionnant la chute du chiffre d’affaires n’arrange pas les recettes. D’ailleurs, pour faire face à cette nouvelle concurrence, certains salons de coiffure développent des activités parallèles comme la couture ou le commerce de produits cosmétiques. « Quand tu regardes la fiche de paie, tu as envie de pleurer », fulmine une coiffeuse. « Tu as envie de tout plaquer. » Les salaires tournent entre trente mille ou cent mille pour les privilégiées. Pourtant, elles passent quasiment leur vie dans ces espaces de beauté. Leur journée démarre à 8h30 et l’heure de clôture est fonction du bon vouloir de la clientèle. 8h à 20h. En période de fête, la descente se situe entre 23h ou minuit.
Et, elles n’ont presque pas de prime, ni d’heures supplémentaires. Mais parfois, les gérantes peuvent, par générosité, leur offrir 10.000, voire 20.000FCfa aux périodes de vaches grasses. Pour payer le transport, il faut se débrouiller. Tout dépend de la nature généreuse ou non de la gérante. « Les gérantes formées sont plus généreuses que les autres, elles ne voient que les revenues », dessine une professionnelle désabusée. D’autres titillent la corde de la sensibilité, du genre « faut m’accompagner, si les affaires se bonifient, tu en profiteras. »
En écho, une Dame qui a pris du galon, aujourd’hui gérante de salon, témoigne. « J’ai fait 10 ans de métier et je n’avais pas de salaire. Le maximum que j’ai gagné était 25.000 FCfa. Je marchais des Sicap aux Parcelles, j’avais même honte de demander à mes parents de m’offrir le ticket du transport. Les gens me disaient que la dame m’avait maraboutée mais il n’en était rien. J’ai dû me résoudre à arrêter et au bout de deux mois, le salon a fermé ses portes. » Et d’ajouter : « La propriétaire trouvait toujours des explications du genre, « les affaires ne marchent pas », « faut me comprendre ! » ». La cause, c’est la prolifération des salons. « Maintenant, on peut rester une journée sans avoir une cliente », confie une jeune coiffeuse rencontrée dans un salon situé aux Hlm Grand-Yoff. Voilà une circonstance atténuante pour les gérantes.
Ecole de coiffure, un marché juteux !
Coiffure ! C’est la nouvelle trouvaille des jeunes sénégalaises en quête d’emploi. Avec un niveau d’étude de plus en plus bas, un taux de non scolarisation élevé des jeunes filles, les parents qui rêvent d’un avenir meilleur pour leurs filles ont investi les écoles de coiffure pour leur progéniture. Seulement, le secteur est encore en phase de balbutiement. Bonjour l’arnaque !
Au plan national, seule une cinquantaine d’écoles sont reconnues par l’état. Mais, des « écoles » poussent comme des champignons dans les rues. En haut des immeubles d’habitation ou à l’intérieur des salons exigus. Souvent, les élèves sont abusés par ces mercenaires de l’esthétique qui se nourrissent de ce marché juteux qui se cherche une réglementation. Mamadou Ndiaye, vice-président du collectif des écoles privées de formation en coiffure et esthétique au Sénégal le reconnaît ! « La formation, c’est un problème, nous travaillons avec l’Etat pour réglementer le secteur »
Pour preuve, ce n’est qu’en 2009, que le diplôme d’Etat en coiffure a vu le jour. Le Certificat d’aptitude professionnelle (Cap) est un diplôme acquis après trois ans de formation avec le niveau de la 4e secondaire dans les centres d’enseignement technique professionnel féminin (Cretf). L’examen national est ouvert aux écoles qui désirent présenter des candidates.
Boly BAH
lagazette.sn
http://i4.ytimg.com/vi/CZqnYW5OoTs/default.jpg
le lien de la Marche de Benno Siggil Senegal à Linguere contre le maire Habib Sy Ministre d’Etat, directeur de cabinet du Président de la République.