Adama Paris : « Dans le milieu, je n’avais ni le bon look, ni la bonne teinte »

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Adama Ndiaye, alias Adama Paris, un nom familier pour les fashionistas d’Afrique ou de la diaspora. Il y a bientôt dix ans, cette jeune femme originaire du Sénégal a créé la Fashion Week de Dakar. Une plateforme inédite qui met la lumière sur les plus grands stylistes du continent. Un événement devenu incontournable dans le milieu international de la mode. D’autant plus que l’ethnique est une tendance qui se confirme et sur laquelle Adama Paris a su surfer. Grâce à ses coups de crayons et de ciseaux mais aussi à des talents de petite chef d’entreprise qu’elle a su développer. Entretien avec un petit bout de femme qui ne manque ni de peps ni de talent.

Afrik.com : Votre parcours est plutôt atypique. Passionnée de mode depuis votre petite enfance vous vous êtes pourtant orientée au départ vers des études d’économie.
Adama Paris : Il est vrai que j’ai commencé par des études de sciences économiques. Un DESS. Ce n’est pas ce que j’aurai choisi. C’est plutôt à cause de mes parents. Mon père me disait : « Tu es noire, tu dois travailler deux fois plus qu’une blanche. » Je ne suis pas d’une famille conservatrice mais mes parents voulaient que j’aie un minimum de bagage scolaire. Normal pour un père ambassadeur et une mère institutrice. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai beaucoup voyagé.

Des voyages qui ont formé votre personnalité et nourri vos influences artistiques ?
Adama Paris : Je suis née à Kinshasa où mon père servait comme diplomate. C’est à l’âge de 5-6 ans que je suis partie en France. Je vis à Paris depuis longtemps. C’est une ville que je connais mieux que nulle part ailleurs. J’aime Paris qui a fait de moi la femme que je suis. Cette ville m’a donné beaucoup d’opportunités. Je n’ai pas eu une enfance géniale parce que j’ai beaucoup voyagé mais, aujourd’hui, avec le recul, je me dis que j’y ai gagné pas mal de bagages, au niveau des langues notamment.

Quel a été le déclic pour vous ?
Adama Paris : J’ai organisé mon premier défilé à la fac. En travaux dirigés, on nous a demandé d’organiser un évènement qui rapporte de l’argent. A l’époque, je dansais la samba pour payer mes études. J’ai demandé à mon groupe de m’aider. J’ai casté des filles à la fac. Les professeurs ont adoré. Ils m’ont encouragé à continuer dans cette voie. Parallèlement à mes études, j’ai commencé par monter ma structure avant de créer mes premières collections. Adama Paris est ainsi née il y 13 ans et j’ai ouvert ma boutique à Dakar.

Une boutique à Dakar où vous avez également créé il y a bientôt dix ans la Fashion Week. Quel était l’idée de départ ?
Adama Paris : Je suis originaire du Sénégal. J’y vais régulièrement mais je voulais y faire quelque chose. L’idée était de faire une plate-forme de la mode à Dakar sur le modèle de toutes les grandes capitales du monde. Mais pas de Fashion Week sans partenaire. Dans le milieu, je n’avais ni le bon look, ni la bonne teinte. Dans le regard des Sénégalais, je n’étais qu’une petite fille. Alors j’y suis allée progressivement, je ne me suis pas précipitée. J’ai d’abord créé une structure, ensuite j’ai lancé ma collection. En 2012, nous célèbrerons nos dix ans. En dix ans, nous avons eu pas mal de médiatisation. De grands créateurs aussi. On a eu aussi les plus grands designers africains. Je n’ai pas eu de mal à les convaincre. Ils manquent d’exposition.

Vos collections rentrent difficilement dans un moule. On y voit plusieurs influences. Mais c’est l’Afrique qui semble être votre première muse ?
Adama Paris : Mes influences sont multiples, c’est vrai. A la fois l’Afrique et l’Europe. Je suis très contemporaine. Une city-girl. Une fille de la ville. J’aime le béton. En même temps, j’ai cet amour démesuré de l’Afrique. Cela peut paraître prétentieux mais je pense avoir lancé une nouvelle aire. J’ai apporté un côté très citadin, en mettant toujours en exergue l’Afrique profonde, mais sans les boubous. Je suis aujourd’hui une citoyenne du monde, j’ai cette idée de représenter l’Afrique partout dans le monde mais sans jamais tromper l’Afrique. Changer le regard sur l’Afrique. Je peux aussi bien porter des chaussures Louboutins avec une veste Adama Paris. Cette année, j’ai lancé une nouvelle collection de maillots de bain en tissus africain. Tout est confectionné à la main. Avec un petit secret de fabrication. J’ai été invité à la Fashion Week de New York où j’ai pu présenter mon premier défilé de maillot. J’étais très contente que les autres organisateurs d’évènements plébiscitent ce savoir-faire. Je suis la seule à fabriquer des maillots en wax.

Toutes vos créations sont-elles « made in Africa » ?
Adama Paris : Je vis entre Los Angeles et Dakar où se trouve mon unité de production. Tout se fait à Dakar. Ce que je ne peux pas avoir, je le commande à l’étranger mais tout est fabriqué dans mon atelier, au dessus de ma boutique. Six-sept personnes y travaillent plus des extras pendant la Fashion Week. J’ai ouvert une boutique à Dakar qui attire beaucoup de monde. J’ai la chance d’avoir pour clientes Viviane Ndour, Coumba Gawlo, une des filles de Biya, des stars sénégalaises beaucoup… Des actrices françaises également que j’ai pu approcher grâce à un stand que j’ai tenu au Martinez pendant le Festival de Cannes il y a six ans.

Vous avez organisé, du 3 au 6 novembre, à Prague, la première édition de la Black Fashion Week qui réuni l’élite des stylistes de la diaspora noire. Pourquoi Prague ?
Adama Paris : Je voulais commencer par une ville aussi grande pour faire mes armes. D’autant qu’ils sont friands de mode. L’Afrique est à son apogée aujourd’hui. L’ethnique est très tendance. C’est un effet de mode qu’il faut savoir saisir.

avec afrik.com

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