La grande énigme du plaisir féminin

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Où chercheurs et médecins s’interrogent : le point G n’existe pas ou les mauvais amants sont légion

« Vous vous rendez compte, monsieur, qu’il n’existe aucune formation à la sexologie à l’université ? Elle est juste une spécialisation en fin d’études, facultative, même en gynécologie. Quant aux recherches médicales sur l’anatomie du clitoris, ou le point G, elles sont toutes récentes, et ne trouvent pas de financement. » Odile Buisson est en colère. Gynécologue obstétricienne à l’hôpital de Saint-Germain-en-Laye, femme rousse de 40 ans, elle a réalisé en mai 2009 une première française : une sonographie complète en 3D d’un clitoris.

Nous sommes au congrès annuel de gynécologie à l’espace Cardin, où elle présente ses extraordinaires images. Ce jour-là, tous, médecins, psychologues, journalistes des magazines féminins, débattent passionnément. Car selon une étude du King’s College de Londres, publiée en début d’année, le fameux point G, un des endroits essentiels de la jouissance des femmes d’après le docteur Ernest Gräfenberg qui l’a identifié en 1950, n’existerait pas.

Neuf cents paires de jumelles de 22 à 83 ans ont donné des réponses très différentes pour le localiser, et la moitié a déclaré ne pas le connaître. Si celui-ci avait une réalité anatomique, elles auraient répondu avec netteté, en le situant au même endroit. Les chercheurs anglais ont conclu : le point G est une invention de la sexologie.

Aussitôt, une tempête de protestations s’est levée. Aux Etats-Unis, la sexologue Beverly Whipple, auteur de l’ouvrage grand public The G. Spot (Le Point G, Robert Laffont, 1982) s’est moquée. Certaines jumelles interrogées n’auraient-elles pas des amoureux moins entreprenants que d’autres ? A-t-on distingué les femmes homosexuelles et bisexuelles, souvent plus au fait de la sensibilité du sexe féminin ?

Odile Buisson, elle, a répondu avec quatre collègues dans The Journal Medicine par un article intitulé : « Qui a peur du point G ? » Au congrès de gynécologie, elle ironise : « La question du King’s College me semble biaisée : “Pensez-vous avoir une zone sensible de la taille d’une pièce de monnaie sur la face antérieure de votre vagin ?” Franchement, on me l’aurait posée, j’aurais dit non. Remarquez qu’une femme sur deux a quand même répondu qu’elle connaissait cette zone. Mais ce qui m’énerve le plus dans cette histoire, c’est l’ignorance complète de l’anatomie du clitoris. »

Le psychiatre et spécialiste du couple Philippe Brenot, lui, me dira :  » Il existe deux points G. Un point G fantôme. Et un point G réalité. Le premier est le vieux fantasme masculin selon lequel un homme pourrait faire jouir une femme à volonté, et, en ces temps de technologie avancée, la déclencher comme un sex-toy. Le second est une zone sensible associée au clitoris. » Selon lui, il faut surtout poursuivre les études sur l’anatomie féminine, la biologie du plaisir et les enquêtes sur les pratiques sexuelles.

Car aujourd’hui, quarante ans après la première assemblée du MLF, en 1970, nous ne savons toujours pas grand-chose de la sexualité et du plaisir des femmes, faute de recherche, de moyens et de formation universitaire. Elle reste le « continent noir » dont parlait Sigmund Freud.

Où nous découvrons la forme exacte du clitoris

Sur les images colorisées d’Odile Buisson publiées dans The Journal of Medicine, on découvre le grand oiseau qu’est l’organe du plaisir féminin. Car si le clitoris présente une petite tête de la taille d’une myrtille posée à fleur de pubis, peu imaginent et visualisent la partie enchâssée sous la peau.

En fait, cette crête est la partie visible du bel animal – « le bouton », « la lentille », « la praline », « la perle » dans la langue populaire. Elle est aussi un organe maillé d’un réseau de nerfs deux fois dense comme le gland du pénis, et de quelque 8 000 corpuscules de Krause, les capteurs nerveux les plus sensibles du corps, directement reliés au cerveau.

A peine frôlé, ce « petit bout de bonheur » éprouve les sensations les plus vives. Etant très « capillarisé », il s’emplit de sang – et bande.

Juste derrière la tête suit le cou, le court cordage de 20 à 30 millimètres courant sur le pubis. Lui aussi est très innervé, sensible, et capillarisé. Ensuite, il s’enfonce dans la chair pour descendre le long de l’os pubien. Là, on voit très bien sur l’échographie qu’il lance quatre longues jambes ou « racines » de 10 à 12 cm autour du vagin.

La première paire est formée de deux « corps caverneux » pleins de capillaires, comme un pénis. Tout contre elles, deux bulbes en forme d’amande s’étirent, les « corps spongieux », logés près des grandes lèvres. Ces quatre fuseaux se gonflent de sang pendant l’amour, enserrant le vagin – et par conséquent la verge.

C’est au lieu du départ de celles-ci, sur la paroi intérieure du vagin que se situe le point G. Comme dit Odile Buisson : « C’est la partie profonde du clitoris. Quand elle se trouve massée par le pénis, elle est gratifiée. »

Elle ajoutera : « Voilà qui va réconcilier les grands débats des années 1970 pour savoir si les femmes étaient “vaginales” ou “clitoridiennes”. » Le clitoris forme ainsi un volumineux organe à quatre branches érectiles. Le vagin lui-même, n’étant pas innervé, joue un rôle accueillant et fonctionnel, enserrant la verge.

En cela, le clitoris est donc, comme le rappelle Pierre Foldès, « le seul organe humain dévolu au seul plaisir ». Le médecin rejoint les féministes des années 1970 qui l’ont réhabilité, voulant séparer la jouissance de la reproduction et donner aux femmes le droit à l’hédonisme.

Aujourd’hui, ce mouvement de réhabilitation continue. La célèbre psychologue canadienne Andrée Matteau, par exemple, pense que la révolution du plaisir féminin commence à peine ; elle déclarait à La Gazette des femmes début 2003 : « On a du mal à admettre que le clitoris est l’organe sexuel, et que la pénétration systématique n’est pas toujours agréable pour la femme. »

Dans Woman. An Intimate Geography (Femme !, Robert Laffont, 2000), le Prix Pulitzer Natalie Angier consacre un chapitre entier à revaloriser le plaisir clitoridien, et parle de la puissance « dionysiaque » des femmes.

En France, le docteur Damien Mascret et la journaliste Maïa Mazaurette dans La Revanche du clitoris (La Musardine, 2008) parlent d’une véritable « excision intellectuelle » de l’Occident inaugurée par Freud, pour qui les femmes doivent se désintéresser de leur clitoris.
Frédéric Joignot

lemonde.fr

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